Leurs enseignes règnent en maîtres sur le marché des pièces détachées auto. L’une met en avant des prix défiant toute concurrence, l’autre souligne une offre de services renforcée. Dans cette guerre commerciale, qui aura le dernier mot ? Certainement, le consommateur. Interview croisée.  

 

Olivier Ginapé

Autoquick Ginapé

La trentaine fraîche, Olivier Ginapé a repris les rennes de l’entreprise familiale, les établissements Gustave Ginapé, revendeurs de pièces détachées automobiles depuis trente ans en Martinique. Il y a cinq ans, la société rejoint le groupe Parfait et lance l’offensive des prix sur ses marques allemandes, françaises et poids lourds.  

Vous vous êtes lancés dans la publicité comparative sur les prix des pièces détachées de grande consommation. N’était-ce pas un peu risqué ?

Pour éviter toute réclamation, nous faisons constater régulièrement par huissier des relevés de prix sur les pièces les plus vendues. Et ce ne sont pas que des tarifs ponctuels, ils sont valables toute une année. Notre concurrent principal aujourd’hui, c’est Internet.

 

Comment parvenez-vous à pratiquer de tels tarifs ? 

Notamment en réduisant au maximum le coût de fonctionnement de l’entreprise. Une dizaine de salariés, un point de vente, là où certains de nos concurrents ont une organisation pléthorique. Et puis il faut bien l’admettre, il y avait une entente tacite pratiquée depuis des décennies sur les prix des pièces en Martinique. Nous avons essayé de rompre avec cette logique.

 

Vos pièces sont-elles aussi fiables que celles proposées chez les concessionnaires ? 

Aujourd’hui, un constructeur automobile fonctionne comme un architecte. Il fait les plans et l’assemblage mais ne fabrique lui-même que 10 à 20% des pièces. Le reste est confié à des équipementiers, avec lesquels nous travaillons en direct. Ils nous livrent les mêmes pièces, certificats à l’appui, attestant que la qualité est la même. Mais c’est vrai, dans l’esprit du client, s’il n’y a pas le logo du constructeur et si c’est moins cher, c’est qu’il y a un problème. C’est faux.

 

Un seul magasin Autoquick : c’est peu pour répondre à la demande ? 

Multiplier les points de vente est coûteux et pas forcément efficace sur un petit territoire. Mais nous étudions la possibilité d’ouvrir au moins un second point de vente, sans doute avant la fin de l’année.

Nous visons aussi la Guadeloupe et la Guyane. Notre chiffre augmente de 30% par an depuis 5 ans, on avance lentement mais sûrement.

 

Votre groupe (1) a aussi des concessions, n’est-ce pas un  handicap ? 

Concessionnaires et indépendants, chacun travaille de son côté, c’est très cloisonné. Je pense que ce qui est intéressant pour le groupe, c’est d’éviter la fuite de chiffre d’affaires et contrôler sa concurrence. Il est positionné des deux côtés, la concession et l’after market.

 

Le prix des pièces détachées était au coeur des revendications contre la vie chère en 2009. Quel souvenir avez-vous de cette période ?

Je me souviens très bien que, pendant les quarante jours de grève, nous sommes restés ouverts et avons servi tout le monde, surtout les transporteurs et les poids lourds. On était, comme tous nos concurrents, assis à la table des négociations en Préfecture. En 2009, on disait qu’on ne pouvait rien faire sur les prix. Pourtant, depuis un an, tout le monde arrive à faire des efforts.

(1) le groupe Parfait possède entre autres les marques Audi, Mercedes, Volkswagen, Opel, Honda, Mitsubishi

 

 

Lucien Pelage

Ho Hio Hen Automobiles
 

Le groupe fête cette année ses quarante ans d’existence aux Antilles-Guyane. Six points de vente dans l’île, 120 collaborateurs, l’enseigne au triple H compte aussi deux magasins en Guadeloupe, deux en Guyane et vient de s’implanter à la Réunion. 

Pour Lucien Pelage, le directeur régional des ventes, ce n’est pas seulement le prix qui fait la différence. 

 

Certains de vos concurrents proposent des prix très bas. Arrivez-vous à vous aligner ? 

En 2009, on a pris le temps d’étudier le panier de l’automobiliste. Constat : la concurrence est si féroce aujourd’hui entre les enseignes indépendantes que le client bénéficie d’un tarif marché très proche, voire en deçà, de la Métropole, sur les pièces les plus couramment achetées, comme les huiles de vidange ou les batteries. Mais selon nous, la clientèle attend autre chose qu’uniquement des prix.

 

Comme par exemple ?

On a constaté une attente croissante sur les pièces dites techniques. Depuis des années, des acteurs nationaux bombardent les Antilles via les garagistes : une manne financière qui échappe aux acteurs locaux.

Après 2009, on a décidé d’améliorer notre compétitivité sur ces produits.

Aujourd’hui, on arrive à satisfaire nos clients parfois à moitié prix par rapport aux concessionnaires. La priorité, c’est que le client trouve la pièce disponible, ce qui demande toute une organisation de stockage.

 

Craignez-vous la concurrence d’Internet ? 

Tout le monde peut aller sur un site commander sa pièce. Là où nous faisons la différence, c’est sur le service.

Quand le client fait une erreur sur internet, c’est rare que le fournisseur récupère la pièce. Nous lui proposons une durée de garantie et chez nous, un client qui se trompe a dix jours calendaires pour ramener la pièce.

 

Vous avez développé un réseau de garages : 25 garagistes sous vos enseignes Bosch Car Services, Top Car et Top Carrosserie. Cette stratégie ne coûte-t-elle pas plus qu’elle ne rapporte ? 

Un client garagiste qui n’est pas équipé, pas formé au plan technique et du management, cela se ressent sur ses affaires.

On propose une enseigne mais aussi une formation tous les ans, et des équipements qui permettront de réparer les véhicules d’aujourd’hui et de demain. Les clients de nos réseaux sont en général des clients de longue date.

 

Dix points de vente aux Antilles-Guyane, plus d’une centaine de salariés… C’est une lourde machine… trop lourde ? 

Derrière Ho Hio Hen Automobiles, il n’y a pas juste un entrepôt et des prix. Ce sont aussi des hommes et femmes, sur lesquels repose la stratégie même de la société.

On mise beaucoup sur l’humain et, pour nous, c’est une force d’être au contact de nos clients avec des points de vente de proximité.