Lancer une start-up devenue en six ans une référence mondiale pour passer, d’un claquement de cils, à un projet de tour du monde dans un bus, voilà qui résume parfaitement la manière dont Angélique Zettor a décidé d’aborder la vie. Une succession d’aventures, certes, mais des aventures qui ont du sens.
Dans les pas d’Angélique, on rêve tout haut.

Par Benjamin Postaire

« On a trop tendance à vivre comme si on était éternel. Je considère que ma chance, c’est d’avoir compris ça ». Si Angélique Zettor a toujours eu un caractère de fonceuse et une facilité naturelle pour créer, entreprendre et échanger, c’est un événement malheureux, le décès de son père en 2011, qui va renforcer cet aspect de sa personnalité et faire naître « cette petite luciole qui me rappelle constamment de me demander si je suis heureuse et épanouie ».

Une petite luciole bien utile car Angélique avait tous les ingrédients pour se laisser griser par le succès. Le succès de sa start-up, Genymobile, créée en 2011 avec son associé, Arnaud Dupuis, et un capital de… 3 000 €. « Nous avons fait le pari de l’open source et de miser sur Android », explique-t-elle. A l’époque, le système d’exploitation représente à peine 0,5% du marché face au géant Apple et son système d’exploitation verrouillé iOS. Seulement après l’avènement du web, était venue l’ère des applications mobiles. Le flair du duo va faire le reste.

« On s’est très vite rendu compte qu’il y avait un besoin puisque les services marketing demandaient des applications aux services informatiques qui se retrouvaient démunis car ils n’avaient pas les compétences pour développer et sécuriser ce type de fonctionnalités », se souvient la jeune femme. C’est là que Genymobile intervient. La start-up recrute les meilleurs ingénieurs Android sur le marché et développe ses solutions. « On était très proche d’une association d’experts Android et on a beaucoup participé à promouvoir cette solution. C’est comme ça qu’on s’est fait connaître et qu’on a pu recruter », explique-t-elle, jamais en manque d’inspiration pour trouver des solutions quand les moyens font défaut.

Google, Facebook ou Microsoft comme clients

Il est vrai qu’Angélique a l’entrepreneuriat, sous sa forme la plus collaborative, chevillé au corps. « Depuis que je suis à l’école, je veux entreprendre. J’ai eu plusieurs fois envie de créer une boîte mais j’ai attendu de me sentir prête et d’avoir la bonne idée ». En attendant, elle comble sa soif de projets comme elle peut. Étudiante à l’école de commerce ISC Paris, ce n’est pas uniquement sur les bancs qu’elle fait son apprentissage : « je m’éclate dans les associations étudiantes puis je prends la présidence du Bureau des élèves. On avait quand même 846 000€ de budget, il y avait donc de belles choses à faire ».

C’est dans sa dernière année d’étude, alors qu’elle se spécialise dans le Management, qu’elle « découvre le monde de l’open source et cette notion de partage des ressources avec une vraie approche communautaire et collaborative », se souvient-elle. Son Amérique à elle et la genèse de Genymobile. Genymobile, revenons-y justement. Alors que la solution proposée par Angélique Zettor et Arnaud Dupuis convainc ses premiers gros clients, les associés lancent, en 2013, Genymotion. « On voulait également développer un produit, explique-t-elle. Genymotion est une solution pour tester son application Android sous toutes les formes ce qui, à l’époque, était très compliqué ».

La suite ? Deux levées de fonds successives de deux puis sept millions d’euros, l’installation de locaux à San Francisco et des clients aussi prestigieux que Google, Facebook, Microsoft ou Twitter. « Plus de six millions de personnes dans le monde utilisent aujourd’hui nos solutions que ce soit en open source ou dans la version payante », assure-t-elle. Mais la plus grande fierté d’Angélique, au-delà de la réussite fulgurante de sa start-up, « c’est d’avoir constitué une incroyable équipe de plus de 60 ingénieurs, le plus réputés au monde sur Android. Des personnes, dont certaines sont devenues des amis et qui nous restent fidèles malgré de fortes sollicitations d’entreprises très connues ».

« La vie doit être vue comme une succession d’aventures »

Si les ingénieurs restent, Angélique, elle, a décidé de partir. Pas pour Google, Facebook ou même la Maison Blanche, mais pour un tour du monde en bus de deux ans. « Depuis le début, je savais pertinemment que je finirai par quitter l’entreprise, assure-t-elle. Ce qui me plaît c’est de lancer un projet, ensuite, quand ça devient trop politique, je m’ennuie ». Avec son jeune mari, Thomas, elle se lance donc dans une nouvelle aventure. Un projet à la fois personnel et professionnel. « On a acheté un bus jaune américain que l’on aménage entièrement nous-mêmes. Moi qui vient du digital, j’apprends plein de choses manuelles, c’est génial », précise-t-elle, enthousiaste avant même d’avoir roulé les premiers kilomètres.

« Durant deux ans, on va aller à la rencontre des gens et réaliser des interviews sur les différentes démarches touchant à l’écologie, au développement durable et plus généralement donner la parole à tous ceux qui font le monde de demain », poursuit-elle. Avec « Beautiful Morning », le nom de ce nouveau projet, Angélique est à des années lumières de Genymobile et la Silicon Valley. Mais peu importe le flacon, l’ivresse, elle, reste. « C’est aussi une manière de dire aux gens qu’il faut essayer de réaliser ses rêves, que c’est possible. On se lance, parfois sans filet, et si on rate ce n’est pas grave, la vie doit être vue comme une succession d’aventures ».

« La Réunion est un endroit où beaucoup de choses sont possibles »

Ces deux ans sur les routes sont, pour Angélique, « une parenthèse, une ouverture sur une deuxième vie ». Car, de toutes ces futures rencontres, Angélique compte bien tirer une nouvelle idée. Qu’elle se chargera, on peut lui faire confiance pour ça, de mettre en œuvre.

Où ? Pourquoi pas à La Réunion. Et oui car, ça ne vous aura pas échappé, Angélique ne s’appelle pas Zettor pour rien. « J’ai grandi en banlieue parisienne mais dans la culture créole. Mes parents parlaient créole à la maison, j’y allais régulièrement en vacances et toute ma famille est à La Réunion. C’est là que sont mes racines et c’est l’endroit, sur terre, où je me sens chez moi ». C’est d’ailleurs dans son île d’origine que la jeune femme a décidé de se marier, en octobre dernier. Avant donc, peut-être, d’y lancer son prochain projet. « C’est une possibilité, reconnaît-elle. On ne sait pas ce qu’il en sera dans deux ans mais La Réunion est un endroit où beaucoup de choses sont possibles. Pourquoi ne pas être la première île 100% autonome… ?»

Un peu plus et on pourrait croire qu’elle a, déjà, une idée derrière la tête. A La Réunion ou ailleurs, une chose est certaine, ce sera pour relever un nouveau défi. « J’ai besoin de ça, admet-elle. Quand je me lance dans un projet, je fonce, j’ai un côté bulldozer ». On avait remarqué. C’est un atout indéniable, mais la vraie force de la jeune femme, ce qui la rend inspirante, c’est de compléter cette facilité à entreprendre et agir par une réelle capacité à se remettre en cause et se poser les bonnes questions. Ces questions soufflées par sa petite luciole et qui lui permettent de garder une âme d’aventurière.