Le volontarisme régional s’expose à la JOMD

Région Guadeloupe : La bataille pour l’emploi, le développement durable et l’innovation

Par Marie France Grugeaux-Etna

La Journée Outre-mer Développement (JOMD) est d’abord un rendez-vous économique, en présence de parlementaires, institutionnels, décideurs et jeunes diplômés, afin de mieux comprendre les enjeux de ces territoires. La Région Guadeloupe est partie prenante dans cette initiative et compte ainsi mieux se faire connaître auprès des jeunes ultramarins de l’Hexagone.

Pour quelle raison la Région Guadeloupe a-t-elle souhaité être présente à cette 6e édition des JOMD ?

Ary Chalus : Je connais bien cette manifestation. J’ai participé aux premières éditions en tant que maire de Baie-Mahault, puis comme Député. Aujourd’hui, la Région souhaite s’associer à cet événement pour trois raisons majeures. La première est de s’appuyer sur cette manifestation pour présenter le nouveau concept et le nouveau rôle de l’Espace régional basé à Paris, au 284, Bd Saint-Germain. La JOMD s’adresse principalement aux jeunes diplômés, à la recherche d’un futur premier emploi, qui ignorent trop souvent l’existence de cette antenne de leur Région. Or, cet outil peut-être un formidable levier pour des prises de contact et des mises en relation.

Vous avez tenu à faire évoluer cet Espace régional. À quoi ressemble-t-il désormais ?

Nous avons recruté deux jeunes Guadeloupéens avec des master 2, connaissant bien Paris. Je leur ai demandé de dynamiser l’Espace, d’organiser des manifestations et des rencontres qui intéressent nos étudiants. L’idée est de créer plus de liens avec les entreprises. Je souhaite aussi faire passer le message auprès des entreprises locales. Lorsqu’elles souhaitent recruter de jeunes diplômés résidant encore dans l’Hexagone, il est inutile de se déplacer à Paris où ailleurs. Les entreprises peuvent se rendre à l’Hôtel de la Région à Basse-Terre, et nous leur organisons leur visio-conférence afin qu’elles mènent leurs entretiens d’embauche, en direct de l’Espace régional à Paris.

Quel est l’intérêt pour la Région de s’impliquer autant ?

C’est un des services d’accompagnement que l’on propose et c’est gratuit pour l’entreprise. C’est une manière de nous associer et d’orienter les choix des recrutements sur de jeunes diplômés guadeloupéens. Ce serait d’ailleurs intéressant que les organisations patronales travaillent en ce sens. Vous l’aurez compris, l’antenne veut servir de relais entre les entreprises et les demandeurs d’emploi à fort potentiel, d’origine guadeloupéenne.

Quelles sont les autres raisons de votre présence aux JOMD

Il y a un an, la Région a signé une convention avec une association d’étudiants ultramarins pour nous constituer un portail de recrutements enligne pour les « hauts potentiels ». Le projet est en phase d’aboutissement et il sera présenté ce jour-là. Ce portail s’adresse à tous, même à ceux qui sont à l’international. Ils vont sur le site et ils y déposent leur CV. Il est important que les jeunes Guadeloupéens de l’Hexagone et d’ailleurs sachent qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils peuvent se faire conseiller et orienter. Enfin, je profiterai de cette scène pour présenter nos projets et notre stratégie.

Pour initier des recrutements, les entreprises locales doivent aller bien. La Région Guadeloupe a justement mis en oeuvre un plan d’action qu’est le Schéma Régional de Développement Economique (SRDE). Quelle orientation souhaitez-vous lui donner pendant votre mandature ?

J’ai orienté mon programme dans le sens du développement d’une croissance verte et bleue. La première doit favoriser la production locale, la souveraineté alimentaire et soutenir des projets similaires à celui porté dans le Nord Grande-Terre, sur la création d’une usine d’agro- transformation. Il s’agit d’aide et d’accompagnement de nos agriculteurs pour qu’ils puissent produire, écouler et valoriser tout ce qui se fait dans l’archipel. Ce sera aussi l’objectif du Marché d’intérêt régional (MIR). À côté de cette croissance verte, je m’engage davantage encore dans la croissance bleue. Je l’ai démontré avec la pêche récemment, mais je pense aussi à l’aspect innovation et recherche autour du bleu. C’est par exemple, l’éolien maritime ou encore le développement de l’aquaculture comme l’élevage en pleine mer du Loup des Caraïbes, qui ne répond aujourd’hui qu’à 5% de la demande.

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Quels sont vos projets dans le domaine du tourisme ?

Il y a effectivement, une forte volonté de la collectivité d’axer le développement économique autour du tourisme. Notre ambition est d’accueillir 1 million de touristes par an, dès 2020. Inévitablement, cette croissance se traduit par une montée en gamme des hébergements comme la Toubana, avec ses 5 étoiles, mais aussi la modernisation de l’appareil touristique et l’accompagnement de projets. À titre d’exemple, la collectivité investit beaucoup dans la reprise d’un projet hôtelier comme l’Arawak, qui est resté 15 ans fermé, et un panel d’autres hôtels sur Gosier, pour rehausser l’image de la Riviera. Il s’agit aussi pour nous d’aborder les problématiques d’aide à l’hébergement, d’aide à la construction notamment sur la Côte Sous le Vent. C’est s’appuyer, comme le font avec talent des villes comme Deshaies et Pointe-Noire, sur un tourisme plus axé sur les gîtes de bonne facture. Je n’oublie certainement pas le tourisme de santé qui s’avère être une opportunité évidente en termes de prestations de soins au niveau caribéen, notamment avec l’installation du cyclotron.

Vous estimez que l’innovation et la recherche sont des créneaux majeurs pour assurer le développement d’un territoire. C’est une démarche assez récente en Guadeloupe, comment allez-vous l’organiser ?

On ne peut pas développer un territoire sans la recherche, l’innovation et l’intelligence. C’est la nouvelle mesure de la Commission européenne qui vient parfaitement soutenir notre projet Audacia. Le 24 octobre 2017, lors de notre Commission permanente qui s’est tenue à Terre-de-Bas, nous avons autorisé la signature d’une convention avec Outremer Network pour héberger une vingtaine de start-up guadeloupéennes à « Station F ». Et si, sur ces 20 start-up, au moins deux ou trois sont pérennisées, nous aurons gagné.

Vous les accompagnez de quelle manière pour leur donner les moyens de se développer ?

Certaines start-ups sont « de jeunes pépites ». On a signé avec elles, une convention de 50 000 euros sur 3 ans et nous les escortons. Elles iront grandir dans le plus gros incubateur de start-up en France, « la Station F », pour continuer à se renforcer, notamment sur des programmes outre-mer et les encourager à mieux revenir après avoir levé des fonds et accentué leur spécificité au contact d’individus d’expérience. Ce sont des programmes initiés par des Guadeloupéens, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas vocation à disparaître dans les 5 ans.

Et tous les porteurs de projets qui ne sont pas dans l’innovation, sont-ils laissés sur la touche ?

Ce n’est pas aux porteurs de projets de s’adapter aux institutions, mais c’est à l’institution de s’adapter. Le souci c’est que nous avons trop d’organismes, certes complémentaires les uns des autres, mais qui obligent le demandeur à un parcours compliqué et alambiqué.

Le petit porteur de projet, celui qui a juste une idée va s’adresser à Initiative Guadeloupe, qui accorde des micros prêts de 3 000 à 15 000 euros. Pour le projet qui est déjà un peu plus mûr, la Région s’est engagée avec BPI France sur la mise à disposition du « Prêt Croissance TPE » plafonné à de 50 000 euros. Nous en avons déjà signé deux, avec deux jeunes entreprises locales (Carter et Triakaz). Pour les projets plus importants de l’ordre de 200 000 à 400 000 euros, c’est la SAGIPAR qui est concernée.

L’idée c’est d’avoir une agence de développement qui regroupe tous ces services. Elle permettra de mieux monter les dossiers, de les cibler et de les accompagner, notamment en matière de gestion de Fonds européens. Notre volonté est de rationaliser les compétences. Au final nous aboutirons à plus de lisibilité, plus d’agilité pour un temps de réactivité plus court.