C’est son tout premier poste en tant qu’élue. Chorégraphe, figure de la danse contemporaine et du milieu artistique martiniquais, Christiane Emmanuel a endossé en janvier 2016 les habits de conseillère territoriale, présidente de la Commission Culture, Identité et Patrimoine. Un rôle taillé sur-mesure pour une femme qui transforme les challenges en opportunités.

Par Mathieu Rached

« Dans mon histoire personnelle, je n’avais jamais prévu d’être là, mais l’histoire de mon pays a fait que je me retrouve à ce poste », avance avec pudeur la chorégraphe devenue la figure emblématique de l’action culturelle en Martinique. Un sens des responsabilités qu’elle a tout de suite saisi et qu’elle assume avec son énergie habituelle. L’aventure lui plaît car il s’agit ici du développement culturel à l’échelle du territoire. Forte de trente ans de militantisme pour la culture, danseuse, directrice de compagnie de danse, fondatrice de la biennale de danse et de la Maison Rouge à Fort-de-France un espace socio-culturel dédié à la danse, ouvert aux amateurs et professionnels, elle est la personne qu’il fallait à la place qu’il fallait. Elle s’est vue confier un rôle, un pouvoir et une tache « immense ». Tout ce qu’elle a accompli « avant » « représente une goutte d’eau » par rapport à ce qu’elle fait aujourd’hui, appuie-t-elle.

Trois projets majeurs 

La feuille de route du plan culture s’articule autour de trois axes principaux, trois chantiers à l’étude et à mettre en route au cours de cette mandature. L’EMEA, d’abord, l’Ecole Martiniquaise de l’Enseignement des Arts visera à labelliser les différents espaces existants qui comptent des professeurs diplômés de danse, musique et théâtre pour la formation initiale qui va de 4 à 14 ans dans un premier temps et dans un second temps « de pouvoir disposer d’un lieu dédié à la poursuite de la formation jusqu’au diplôme d’Etat ou plus ». Second grand projet, la création d’un Office Culturel de Langue Créole qui donne toute sa portée et sa place à « la langue martiniquaise ». Enfin, il est question de doter l’île d’un nouvel espace de culture, un musée d’art contemporain qui viendra enrichir le territoire, et qui pourra abriter l’importante collection du fonds d’art contemporain de la CTM. Montrer les œuvres des plasticiens et des peintres martiniquais est une préoccupation majeure pour Christiane Emmanuel. « C’est une partie de notre colonne vertébrale, dira-t-elle. Une nécessité pour le pays de rendre ces œuvres visibles et accessibles, dans un lieu vivant ».

Une dizaine d’actions à l’œuvre 

Depuis le premier jour, le cœur de l’action portée par la conseillère territoriale, c’est de soutenir la création et la diffusion des œuvres. Les subventions pour les projets culturels menés par des associations ou artistes créateurs ainsi que l’importance accordée aux artistes martiniquais qui sont en formation à l’étranger, sont des points importants de la politique culturelle menée par la CTM. Quant aux lieux de résidence, de fabrique, de réflexion et de diffusion nécessaires aux artistes, elle peut compter sur trois espaces clés, le Tropiques Atrium dont Christiane Emmanuel est également présidente, la Pagerie et le fond St-Jacques, en travaux pour dix mois. La mise à disposition d’autres espaces s’ajoutent aux initiatives de la CTM, tels deux espaces de répétition à Tivoli pour le collectif Terre d’Art. Ou encore le chapiteau itinérant de Tropiques Atrium qui a l’ambition de porter la culture hors de Fort-de-France en déployant, à la demande des communes, un espace de diffusion pour des œuvres chorégraphiques, musicales et théâtrales. D’autres initiatives phares ont été mises en place telle une convention pluriannuelle avec le CNC qui vise à créer un bureau d’accueil des tournages (BAT) capable de coordonner en amont et en aval tout projet cinématographique en Martinique. Un autre chantier s’intéresse lui, à la législation (statut d’intermittent, régime de sécurité sociale) qui encadre et détermine le quotidien des acteurs culturels. Les combats sont nombreux et les angles d’attaque aussi. Depuis deux ans qu’elle a pris la main sur le sujet, elle tisse une histoire intime et pragmatique avec la Martinique. Quand son agenda le lui autorise, cette femme d’action rejoint sa compagnie et répète avec eux tôt le matin. Les pieds sur scène avant de retrouver ses bureaux dans la ville et « faire le job pour lequel les Martiniquais m’ont élue. »