L’eau richesse de Guyane

EWAG

Marjorie Gallay, jeune cadre guyanaise et docteur spécialisée sur les fleuves de Guyane éclaire de son expertise la ressource en eau de Guyane et illumine par son incroyable potentiel. 

Propos recueillis par Aurore Portelli

Comment vous êtes-vous pas-sionnée par l’eau ?

Marjorie Gallay : J’ai toujours aimé l’eau, mais c’est lors de mon master en géoenvironnement que j’ai compris qu’étudier la qualité des eaux était ma voie. J’ai ensuite pu convaincre l’Office de l’Eau de Guyane (OEG), le président de la Région, à l’époque, et la société SHELL, de l’intérêt de financer ma thèse de doctorat sur l’impact des activités humaines sur les flux de matières des fleuves guyanais et de l’Orénoque. Aujourd’hui, au sein de l’OEG, je continue à réaliser des études pour connaitre et préserver nos milieux aquatiques. 

Les Guyanais ont un rapport de méfiance avec la mer et les fleuves. A quoi est-ce dû ?

Les eaux guyanaises sont troubles et très poissonneuses. L’Amazone décharge en moyenne sept cent cinquante millions de tonnes par an de matières en suspension (terre, sable, minéraux, matières organiques). La saison des pluies, les marées, les courants marins et la dérive littorale, favorisent le déplacement de matières le long de nos côtes. Résultat : les fonds marins sont très peu visibles. Et pourtant, quelle richesse ! La turbidité de nos eaux favorise la préservation de la faune aquatique jusqu’à environ cinquante kilomètres des côtes. La méconnaissance de ces ressources par le grand public nourrit l’appréhension de nos milieux. Justement, des études sont réalisées par les organismes publics tel que l’OEG. L’évaluation de la qualité des eaux, de la diversité et de la quantité de ressource halieutique constitue l’un des champs d’action de l’OEG pour répondre à sa mission d’étudier et suivre les ressources en eau, des milieux aquatiques et littoraux et de leurs usages. Je suis convaincue qu’en connaissant mieux nos milieux aquatiques, nous nous en méfierons moins. 

En quoi les eaux guyanaises constituent-elles une richesse pour le territoire ?

Cent seize mille kilomètres de cours d’eau parcourent notre territoire, ce qui n’est comparable à aucun autre territoire ! La Guyane occupe également le troisième rang mondial en termes d’eau douce disponible à l’état liquide après le Groenland et l’Alaska. Cela équivaut à une ressource disponible à la consommation à hauteur de 7.5 millions de m3/an/habitant, soit deux cent cinquante fois plus qu’en Métropole. Lorsque l’on sait que la moitié de la population mondiale n’a pas accès à l’eau, la Guyane a tout d’un pays ressource à l’échelle mondiale. Selon les indicateurs de la Directive Cadre sur l’Eau, 83% des masses d’eaux de Guyane sont en très bon état. La Guyane est un joyau à protéger et à valoriser et les Guyanais peuvent être fiers de vivre dans un territoire si riche.

A ce propos, quelle est votre vision d’experte sur la valorisation de ce potentiel ?

Les Guyanais gagneraient à se réapproprier davantage leurs espaces aquatiques. Pour cela, la Guyane a besoin de plus d’infrastructures touristiques, d’ac-cès complémentaires au bord des fleuves et au littoral, de centres nautiques, pour valoriser les berges et réconcilier les Guyanais avec la mer et les fleuves. Compte-tenu du potentiel de notre ressource, les activités aquatiques auraient tout intérêt à être développées, dans le respect des milieux naturels et de la faune aquatique, bien sûr. On pourrait également envisager de valoriser la pirogue, comme moyen de transport écologique et de porter les courses de pirogue à l’échelle internationale.

Office de l’eau

www.eauguyane.fr