Comment le graffiti moderne, cet art de la signature né dans les couloirs de métro du New York des années 70, en est-il arrivé à faire passer cet art de rue par excellence du vandalisme du bien public au musée du bien culturel ?

Rony Lacréole, l’un des graffeurs les plus doués de sa génération, y répond à sa façon.

Par Daniel Rollé

Rony Lacréole

Graffeur-graphiste protéiforme

Combinant avec naturel l’écriture et le dessin dans une même composition picturale (graff) et calligraphique (tag), le “graffiti” moderne peut rivaliser parfois, par sa finesse et sa beauté, avec les œuvres d’artistes professionnels exposant sur leurs supports classiques habituels (papier, toile, bois, murs institutionnels). 

Ce graffeur-graphiste protéiforme a fait « du plaisir du trait, du bonheur des rencontres et du partage », sans prise de tête ni querelles de clans insipides, son ancre et sa boussole de trajectoire.

Rony Lacréole, devant ses oeuvres

À peine insiste-t-il sur tous les “crews” (équipages) de graffeurs qu’il a fondés (Ultra Mariners, PC, NDA…), sur son admiration pour la culture japonaise et les grands créateurs de mangas devenus cultes ou son respect pour les pionniers locaux du “street art” à la sauce créole (Taki 183…) et leurs successeurs modernes.

Le parcours de Rony Lacréole

Avec une humilité mêlée d’émotions non feintes, il glisse sans trop s’y attarder sur ses humanités d’écolier au Moule – sa commune d’enfance et de résidence -, son attachement à la nature environnante, ses racines identitaires consubstantiellement caribéennes.

Le graffeur Rony Lacréole dans un de ses spots au Moule

« D’aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours aimé dessiner »

Rony Lacréole

Puis sur son parcours universitaire à Montpellier et Paris (il est diplômé en Arts numériques et Animations 2D), ses rencontres avec nombre de ses pairs en Île-de-France, son autre passion dévorante pour la danse hip-hop et le “new style”, son inaltérable quête du mouvement harmonieux et précis dans l’acte de peindre…

Rony Lacréole

« Tout ce qui nous ressemble et nous rassemble »

Du haut de ses deux mètres de taille (à laquelle fait allusion l’un de ses noms d’artiste : “Iwo”), Rony est intarissable dès qu’il s’agit de révéler les signes et le langage singuliers de ce mouvement hypergraphique qui le passionne depuis l’enfance.

Signature "Iwo"

Un univers créatif foisonnant dont témoigne la rencontre visuelle vers laquelle il nous guide, à sa manière enjouée.

Tracé à la bombe de peinture sur les murs d’un bâtiment désaffecté de la plage de Montal au Moule, l’un des “spots” bord de mer qu’il affectionne, s’affiche un personnage rondouillard et verdâtre orné d’une casquette rouge de rappeur et de baskets du même ton.

Mr Lemon, graff de Rony Lacréole

« Je vous présente Mr Lemon (citron), l’un des membres d’une famille emblématique qui compte Mr Spoon (cuillère), Mr Rum-Rum et leur chef, Mr Ti’Punch »

Immergé sur son “flop”, le fond écumant de tags en zig-zag dignes d’un “cartoon” des tropiques qui recouvre toute sa pièce d’accueil, il délivre un message à l’onirisme joyeux qui fait sourire autant que réfléchir.

Sa manière d’ancrer la tradition spiritueuse de nos mès é labitid de consommation au cœur d’un humour graphique conforme à l’esprit d’autodérision de son auteur.

Le graffeur Iwo

« C’est toujours un plaisir très personnel d’utiliser les codes et les valeurs qui nous appartiennent »

Rony Lacréole

« Tout ce qui nous ressemble et nous rassemble », au cœur d’une culture créole qui ne cesse de le stimuler par sa créativité et sa diversité.

Au fil de ses immersions ravies dans d’autres univers créatifs que les siens, ce “street-artist” hors normes a peaufiné un style de graffeur rebelle et malicieux, une signature de Pirate Urbain auteur d’irrévérences visuelles à l’énergie frémissante, reconnaissable entre mille.

La fierté de ses origines en prime. 

Rony Lacréole
97160 Le Moule
www.facebook.com/ronyLacreole