« Les expertes existent. Elles sont ici ». Découverte du réseau fondé par Marie-Françoise Colombani, éditorialiste du magazine ELLE, et Chekeba Hachemi, ancienne diplomate afghane, pour que la parole des experts dans les médias soit aussi celle des femmes.

-Photo Jean-Albert Coopmann-

Elles sont chercheuses, universitaires, cheffes d’entreprise, juristes, ingénieures, présidentes d’associations ou responsables d’institutions… Des femmes reconnues dans leurs titres et leurs métiers, publications à l’appui, qui ont pour point commun d’avoir rejoint l’annuaire en ligne Expertes.fr.

Pour quoi faire ? Pour prendre part aux débats publics et de spécialistes en tant qu’expertes, en tant que femmes.

Zoom sur deux d’entre elles, Ultramarines, prêtes à prendre la parole et donc à servir aussi de modèle, Nadia Chonville et Charley Granvorka, qui sont nées, vivent et travaillent en Martinique.

Pourquoi avoir rejoint le réseau Expertes.fr ?

Nadia Chonville : Moins de 20% des expertises proposées dans les media français sont portées par des femmes. Et encore, lorsqu’on regarde ce phénomène à la loupe, elles sont essentiellement sollicitées sur des sujets stéréotypés comme étant féminins, comme la mode, la culture, les affaires sociales et familiales.

Etre dans l’annuaire des expertes, c’est inciter de façon positive les media à des pratiques plus inclusives, dès aujourd’hui. Et cela fonctionne avec Marie-Claire le mois dernier, Ewag aujourd’hui !

Charley Granvorka : Pour la visibilité grand public !

Charley Granvorka - Economiste

« Ça permet de donner la parole aux femmes qui sont d’ordinaire cantonnées à leur propre microcosme en termes d’audience. »

Pouvez-vous nous présenter votre domaine d’expertise ? 

Nadia Chonville : Je suis spécialiste des questions de genre dans la Caraïbe. Mes recherches portent sur les discriminations et les violences sexistes et homophobes, dans l’arc antillais mais aussi au Mexique.

J’étudie beaucoup par ailleurs la problématique de la fuite des cerveaux dans notre territoire.

Charley Granvorka : Je suis économiste du développement en petit milieu insulaire de la Caraïbe, avec un focus sur les problématiques environnementales.

C’est un milieu à parité hommes femmes ?

Nadia Chonville : C’est un milieu plutôt féminin ! Je n’ai pas choisi une filière si iconoclaste que cela pour une femme.

Mais il m’arrive régulièrement de devoir défendre le bien fondé de mes propos face à des hommes qui se sentent plus légitimes que moi sur ces sujets alors qu’ils n’ont jamais travaillé dessus.

Charley Granvorka : Absolument pas pour ma part ! Et ce n’est pas un constat propre à la France. C’est un milieu très largement dominé par les hommes.

Il n’y a aucune représentation féminine ultramarine dans les cercles scientifiques internationaux, qui par ailleurs prônent l’égalité des genres et une représentation diversifiée en termes de provenance géographique et de parcours professionnel. Ce discours demeure encore lettre morte.

Qu’est-ce qui est le plus intéressant dans votre métier ?

Nadia Chonville : J’ai le luxe de faire tous les jours ce que j’aime.

Nadia Chonville - docteure en sociologie et démographie

« Quel que soit le métier, faire ce que l’on aime est la chose la plus intéressante qu’on puisse vivre dans sa vie professionnelle. »

Charley Granvorka : C’est l’analyse transversale d’une économie donnée, afin d’émettre des recommandations. Cela peut concerner la prévention des risques naturels ou encore des réformes institutionnelles ou administratives.

Par analyse transversale il faut entendre les liens entre les objectifs de croissance et donc de développement économique et d’autres facteurs comme la sociologie des relations, la géographie, la pauvreté ou encore la perception de l’Etat par la population, entre autres.

Si vous deviez partager avec le grand public un message ?

Nadia Chonville : Une femme sur cinq en Martinique est en situation de violences conjugales. Ce sont les derniers chiffres de l’enquête VIRAGE de l’INED, à laquelle contribue l’équipe de recherche Genre et société aux Antilles (LC2S).

Nous avons toute l’expertise nécessaire, ici, pour combattre ce phénomène. Le principal levier pour le régler, c’est de soutenir les associations qui luttent contre le sexisme en Martinique.

Mon message ? Si vous en avez marre, comme moi, des féminicides en Martinique, rejoignez-les et soutenez-les car elles font un travail formidable.

Charley Granvorka : Mon message serait bien évidemment le nécessaire équilibre à trouver entre la préservation des espaces naturels et les contraintes ou visées immédiates.

Ces contraintes peuvent être à caractère démographique, et les visées de nature politicienne ou spéculative. Ainsi, remplacer un espace naturel par un ensemble de tours de béton coûte beaucoup plus cher sur le long terme en valeurs monétaire et non monétaire.

C’est une option qui renforce la vulnérabilité du territoire et ne contribue pas pour autant au bien-être des populations. Mais, puisque les populations sont consultées sur les projets d’aménagement de leur territoire, il faudrait qu’elles exercent leur droit à consultation, à propositions alternatives ou encore d’opposition.

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