Pour lutter plus efficacement contre l’isolement des patients et la désertification médicale en cette période de crise géo-sanitaire, l’association Gardes médecins de l’Ile de Cayenne (GMC) a proposé la création d’une permanence téléphonique de 7h à 19h, tous les jours. L’initiative est inédite en Guyane. Explications de Jean-Charles Gardrat, médecin généraliste, ostéopathe et président de la GMC. 

Après un mois de confinement et de lutte active contre le Covid-19, quels constats faites-vous sur le terrain ?

Jean-Charles Gardrat, président de la GMC : La situation est particulière car nous devons lutter contre un virus méconnu qui s’attaque aux personnes fragiles. Nous restons particulièrement attentifs à tous les symptômes et en particulier, ceux survenant chez les personnes enceintes, âgées ou diabétiques.

A notre échelle de soignants, nous devons aussi nous protéger car la profession est exposée. Au cabinet médical de Rémire-Montjoly, les consultations ne se font que sur rendez-vous.

Nous nettoyons régulièrement les salles d’attente, pratiquons les gestes barrières et nous évitons au maximum toutes situations qui seraient facteurs de risques. A titre personnel, il m’est donc impossible d’exercer, pour le moment, l’ostéopathie. 

Vous avez décidé de mettre en place une permanence téléphonique. C’est une première sur le sol guyanais. Pouvez-vous nous expliquer comment est né ce dispositif ? 

« Face à l’urgence, nous tenions à apporter notre pierre à l’édifice en soulageant le 15 et en aidant le service de maladie infectieuse. »

La crise du Covid-19 a soulevé des défis nouveaux, mais a aussi exacerbé des problématiques anciennes déjà présentes sur le territoire guyanais.

La désertification médicale par exemple, puisque la Guyane compte peu de médecins. Mais aussi l’isolement de certains patients qui vivent quelquefois assez loin des centres médicaux.

À la GMC, nous avons le savoir-faire d’une permanence depuis 17 ans. C’est la raison pour laquelle, nous avons très vite décidé de mettre en place une médiation supplémentaire entre nous et les patients. 

Comment s’effectue la prise en charge ?

L’appel du patient sert de premier contact avec le médecin. Il vous suffit d’avoir un téléphone sur vous et où que vous soyez, vous pourrez être pris en charge par un professionnel de la santé. Ce qui n’est pas forcément le cas avec la plateforme MEDAVIZ qui fonctionne très bien pour la téléconsultation mais qui demande une connexion internet.

La permanence téléphonique est une alternative pour les personnes isolées, qui ne sont pas connectées, qui n’ont pas de médecin traitant et qui souhaitent avoir l’avis d’un professionnel. 

Pour identifier les symptômes et donner le meilleur diagnostic, nous pouvons basculer sur l’outil médical MEDAVIZ mis à notre disposition. Si ce n’est pas possible, nous trouvons des solutions.

Pour vous donner un exemple, j’ai eu l’autre jour un patient qui vit à Iracoubo, à 148 kilomètres d’ici, qui n’aurait jamais pu faire le déplacement. Il a reçu une ordonnance via QR Code sur son téléphone après notre rendez-vous téléphonique. Ensuite, il a pu se présenter chez son pharmacien qui a scanné le motif.

Encore une fois, on évite encore les contacts à risque. 

Est-il possible de répondre à toutes les demandes par téléphone ou téléconsultation ?

Non, pour certains patients, nous favorisons la consultation en cabinet sur rendez-vous. Pour les nourrissons, il faut privilégier – surtout lorsqu’il s’agit des premiers mois de la vie – un suivi régulier car nous devons vérifier le développement psychomoteur de l’enfant.

Le présentiel est vivement conseillé. De plus, si par téléphone, nous estimons que le patient encourt des risques réels, nous appelons le 15. 

En tant que médecin et aux vues des difficultés structurelles de la Guyane et conjoncturelles avec le Covid-19, quel regard portez-vous sur la situation actuelle ? 

Nous pallions de notre mieux aux difficultés existantes en collaborant tous les jours avec les soignants de la médecine hospitalière et tout le système de santé. Cette crise sanitaire met en évidence l’importance du dialogue et de l’entraide.

Quand tout cela sera derrière nous, j’espère que nous garderons les bonnes idées qui ont pu être mises en place, pendant ce confinement. Nous travaillons d’ores et déjà à l’élaboration d’un suivi en télécommunication pour les patients guéris.

En tant que médecins, nous n’avons pas le droit de baisser les bras. Il faut continuer à sauver des vies.

C’est pour cela que nous remercions vivement la réactivité de l’ARS et de l’URPS qui ont tout de suite soutenu ce projet de permanence. 

Jean-Charles Gardrat est un médecin généraliste spécialisé en ostéopathie. Issu de la première promotion « Antilles-Guyane », il a effectué son internat à Cayenne et a poursuivi sa carrière en Guyane.


Cet article a été initialement publié dans l’e-magazine “Les territoires se mobilisent” créé par EWAG. Découvrez le magazine complet et son contenu interactif en cliquant ici.