Solidarité. Imprévisible et globale, la crise du Covid-19 nous a tous pris de court. Elle a aussi permis de révéler les forces de solidarité du territoire. 

Dans l’urgence du « sauve-qui-peut » des premiers jours de la crise du Covid-19, le secteur médico-social risquait de se trouver particulièrement démuni. D’abord parce que le public concerné, fragile par définition, n’a pas pour habitude de se faire entendre et que le « médico-social » fait très peu la une des médias.

Pour beaucoup d’entre nous, c’est, en effet, un acquis, mais pour beaucoup de personnes âgées, fragiles ou handicapées, beaucoup d’enfants en difficulté ou autistes, la vie quotidienne dépend directement du travail des structures et professionnels de l’action sociale.

Dans les coulisses de la crise donc, les personnels des accueils de jour des EHPAD, les éducateurs, les aides à domicile, ceux qui assurent le portage des repas etc. ont joué un rôle capital. Quels enseignements tire-t-on de cette mobilisation des professionnels et associations ?

Nous avons interrogé Francis Carole, Conseiller Exécutif en charge des Affaires sociales, de la Santé et la Solidarité.

L’urgence de la crise et sa médiatisation soutenue ont-ils, dans un premier temps, presque fait oublier certains défis en matière de solidarité ?

C’était un vrai risque oui. Souvenez-vous, au début, la situation semblait insaisissable, avec des informations différentes tous les jours sur la pandémie et le Coronavirus. Dans cette phase, il y avait un risque très important de voir s’effondrer l’action sociale.

« Concrètement, avec le début du confinement, du jour au lendemain, certaines structures se sont retrouvées avec un tiers du personnel en moins. »

Il a fallu réagir et s’adapter tout de suite, réunir le personnel, les encadrants et la Collectivité pour trouver des solutions, ajuster les plannings et le fonctionnement de structures de portage de repas, d’accueil d’enfant en difficulté, etc. et éviter la catastrophe.

Et pour continuer leurs activités, les différents acteurs médico–sociaux n’ont pas fait  exception à la règle et ont, eux aussi, été dépendant du matériel de protection individuel disponible. La CTM a-t-elle pu pourvoir à leurs besoins avec son propre stock de masques ?

Nous disposions de stock de masques de l’époque de la grippe aviaire (dont 15 600 FFP2), qui nous a permis de pallier à leurs besoins immédiats comme à ceux d’autres acteurs du territoires (Odyssi, Croix Rouge, ESAT, la Régie des Abattoirs, Biolab, Pompes funèbres, établissements de l’enfance, etc.). Au total 86 780 masques ont été distribués par la CTM.

Aujourd’hui, un groupement de commandes pour la Martinique (CTM, EPCI, Maires) est en cours, avec 1 million 715 000 masques chirurgicaux pour les personnels exposés et  850 000 masques en tissu et répondant aux normes AFNOR pour les personnels territoriaux et pour le grand public.

Priorité doit être donnée au champ médico-social, pour que cette activité puisse reprendre pour le bien de tous, pour le répit des parents de personnes dépendantes et fragilisées, pour l’équilibre et la stabilité des enfants.

Expliquez-nous ce qui guide votre action dans un contexte incertain et anxiogène comme celui que nous vivons actuellement ?

Dans une situation de cette ampleur, notre état d’esprit se résume à « ici et maintenant ». Nous étions face à une question simple, qu’est-ce qu’on peut faire dans une situation qu’on n’a pas créée, mais qui est là et qui engage la survie de centaines de personnes ?

Il nous a fallu maintenir l’action sociale, penser bien et agir vite. C’est un travail d’équipe, le Directeur Général des Services de la CTM a fait un travail remarquable et je me suis moi-même beaucoup appuyé sur la Direction Générale de l’Action Sociale ainsi que sur les agents volontaires de terrain.

De fait, le bilan en Martinique est plutôt « bon », aucun décès en EHPAD, pas d’explosion non plus du nombre de cas de maltraitance infantile… La Martinique a su mieux réagir ?

Plusieurs éléments entrent en jeu. D’abord, le confinement est intervenu tôt, à un moment où le virus ne circulait pas beaucoup, cela a été une des chances du territoire.

Ensuite, la CTM a très rapidement pris la mesure de la crise en réunissant notamment les directeurs des EHPAD et des établissements d’accueil d’enfants placés, lesquels ont réagi avec sang-froid et détermination. Dans les EHPAD, il n’y a pas eu de décès, mais il n’y a surtout pas eu de malade !

La tension est aujourd’hui très forte pour bien gérer le déconfinement, je sais que les directeurs d’établissements abordent cette phase avec le même sang-froid et la même intelligence.

Le plus dur reste-t-il à faire ?

Sans doute oui. Pour éviter le rebond de l’épidémie, je crois beaucoup à l’éducation des personnes pour renforcer les gestes barrières, avec la généralisation du port du masque et en mettant en place des tests systématiques pour les arrivants.

A l’échelle de l’action sociale, nous devrons tirer les enseignements de cette crise et de sa gestion, pour mieux nous préparer et anticiper les situations similaires.

« Par exemple, être capable de répertorier les personnes âgées en difficulté, fragilisées, dans chaque commune pour pouvoir réagir vite doit être un impératif. »

Souvent « oubliée », l’action sociale est apparue sous un nouveau jour au cours de la crise. Qu’est-ce que cela peut changer ?

On a vu émerger des forces de la solidarité et on a pu mesurer l’importance des associations de terrain. Il faut les remercier, elles ont été très utiles et réactives du fait de leur habitude à gérer l’urgence, des profils de leurs équipes, etc.

Au cours des semaines qui vont suivre, je suis favorable à voir une « reconstruction » plutôt qu’une « relance », de manière à partir de nouvelles bases et garder en tête le vivre bien et la solidarité sociale qui ont marqué cette crise pas comme les autres.

www.collectivitedemartinique.mq

Cet article a été initialement publié dans l’e-magazine EWAG | Nos sociétés s’adaptent. Découvrez le magazine complet et son contenu interactif en cliquant ici.