Éducation. Il est cité dans le socle commun des connaissances porté par le ministère de l’Éducation nationale : « L’école est le lieu où les élèves […] apprennent à vivre ensemble dans une société démocratique et républicaine ». À Saint-Martin, et plus particulièrement à Quartier d’Orléans, classé Réseau d’Éducation Prioritaire (REP), le vivre ensemble est un élément fondamental de la vie scolaire. Pour comprendre comment cela se matérialise au quotidien, Joëlle Petchy-Dorville nous a ouvert les portes de son école élémentaire Clair Saint-Maximin. 

Qu’est-ce qu’une école REP+ ?

Elle règne sur l’école depuis 2004 et n’a pas peur de dire que son ancien inspecteur la surnommait « la dictatrice ». « Je suis obligée d’imposer ce cadre strict, que voulez-vous… », lance-t-elle, avec le sourire, après avoir rappelé à un petit écolier que ce n’est pas lui qui « fait la loi ici »

Devenue une vraie référence à Quartier d’Orléans, Joëlle Petchy-Dorville a su inverser la balance et réconcilier les élèves, ainsi que leurs parents, avec l’école. « Lorsque je suis arrivée il y a dix-huit ans, seuls 40 parents assistaient aux réunions parents-profs. Aujourd’hui, sur 270 élèves, j’ai seulement trente absents. Nous sommes là pour les aider et instaurer une relation de confiance pour impulser une dynamique d’apprentissage », explique-t-elle. Première compétence du vivre ensemble dûment acquise : respecter les règles de l’établissement et avoir le sens des responsabilités. 

Classe de l'école Clair Saint-Maximin - REP+ à Saint-Martin
La classe de Jessica Sabas participe au projet de l’aire marine éducative. L’enseignante en est à l’initiative depuis 2015.

Issus de milieux difficiles, avec des parents pour la plupart sans profession, les élèves de l’école Clair Saint-Maximin entrent dans le dispositif national des REP, les réseaux d’éducation prioritaire. « Mon école est classée REP+, cela veut dire que le dispositif est renforcé. Concrètement, cela se matérialise par un dédoublement des classes de CP et CE1, soit quinze élèves par classe, une aide financière pour l’achat d’ordinateurs, de tablettes ou de livres. Mais 42 tablettes pour 270 élèves, vous trouvez ça suffisant ? », regrette la directrice. 

De leur côté, les enseignants perçoivent de l’État une prime de 400 euros par mois. « À Saint-Martin, nous avons aussi instauré une prime sur quatre ans pour inciter les enseignants à rester. Ils perçoivent quatorze mois de salaire, versé en trois fois », détaille Vincent Baraud, chargé de mission auprès du vice-recteur. « Il faut savoir qu’un tiers des enseignants nommé ici l’est de façon contrainte. » « Enseigner en REP+ demande beaucoup de patience, de bienveillance et d’énergie. C’est comme une compensation », abonde Joëlle Petchy-Dorville. « Nous avons des élèves défavorisés, qui demandent de l’attention, qui n’ont aucune aide à la maison, ni matériel. »

« Après Irma, le PPRN et la pandémie, nous avons accueilli des élèves qui n’ont que très peu connu l’école. Nous apprenons à ces élèves que la société ne se résume pas aux parents, mais de vivre avec les autres. »

« Vivre avec les autres »

La succession d’événements sur le territoire ces trois dernières années n’a pas facilité l’apprentissage des élèves. Pire encore, cela a fragilisé de nombreuses familles. « Après Irma, le PPRN et la pandémie, nous avons accueilli des élèves en CP touchés psychologiquement, qui n’ont que très peu connu l’école. Et pour ceux revenus après le confinement de mars 2020, nous avons constaté un gros décrochage scolaire. Certaines familles sont prises dans un cercle vicieux : on reste à la maison, on fait des enfants, on touche les aides et on recommence. Du coup, nous apprenons à ces élèves que la société ne se résume pas aux parents, mais de vivre avec les autres. »

Car le vivre ensemble à l’école, c’est aussi d’avoir des interactions positives et de respecter les autres. Une deuxième compétence primordiale à Quartier d’Orléans. « Vivre avec les autres sans être violent », poursuit la directrice. « À six ans, quand on n’est pas d’accord avec son enseignant, on ne retourne pas les tables dans un accès de colère. On n’étrangle pas non plus son camarade parce qu’on voit ça à la maison ou dans la rue. »

Alors, avec son équipe de 25 enseignants, la directrice a mis en place des actions pour construire un sentiment d’appartenance, la troisième compétence du vivre ensemble à l’école. Les élèves ont ainsi l’occasion de s’initier à l’environnement et au développement durable via le projet d’aire marine éducative mis en place depuis 2015 avec la Réserve nationale naturelle de Saint-Martin. La directrice se souvient alors qu’il y a dix ans, sa cour de récréation ressemblait à une vraie poubelle. « Maintenant, les élèves viennent me dire qu’à la plage ils ramassent des papiers. » Cette victoire, Joëlle Petchy-Dorville en est fière, convaincue que ces élèves seront les meilleurs adultes de demain, « éduqués au bon vivre ensemble ».

REP, REP+, C’EST QUOI L’ÉDUCATION PRIORITAIRE ?

La politique d’éducation prioritaire vise à réduire les écarts de réussite entre les élèves scolarisés dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et ceux qui ne le sont pas.
Un REP est toujours composé d’un collège et des écoles du secteur accueillant un même public. Les REP+ concernent les quartiers isolés connaissant de grandes concentrations de difficultés sociales. 

Saint-Martin compte le REP de Monts des Accords (soit 58,6 % des élèves scolarisés sur le territoire) et le REP+ de Quartier d’Orléans.
– 11 écoles maternelles et élémentaires sur 14 sont classées REP. 
– 82,6 % des élèves du premier degré sont scolarisés en éducation prioritaire (28,5 % à l’échelle de l’académie Guadeloupe), 71,2 % des élèves le sont en second degré.

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