Elle rêvait de haut niveau. Petite, sur la plage, elle courait. Encore et encore. Portée par les exploits de « Marie-Jo aux JO », elle s’imaginait, elle aussi, apprivoiser la piste. – Texte Anne-Laure Labenne

C’est aux Aigles des Abymes, à 6 ans, qu’elle met « un pied dedans ». Tout de suite, le sprint s’impose. Les haies aussi. Aujourd’hui, Fanny est au haut niveau malgré 10 ans passés éloignée des stades. « Mes parents ont déménagé à Deshaies pour raisons professionnelles. J’ai dû arrêter par manque d’infrastructures en Côte sous-le-vent. »  Elle s’essaie alors au kayak et à l’équitation. Pour compenser. 

Fanny Quenot - Athlète guadeloupéenne
Fanny Quenot pratique le 110 mètres haie (Photo Lou Denim)

Le haut niveau sur le tard

C’est à Lyon que Fanny va rebondir. « Je suis passée devant un stade en sortant de cours. Il était 17 heures, j’ai longuement regardé les athlètes… » L’envie de les rejoindre est trop forte. Deux mois plus tard, à 24 ans, elle reprend sa licence et repart de zéro. 6 entraînements par semaine pour satisfaire son appétence. Son entraîneur de l’époque, Thomas Verro, remarque dès le départ sa « base de vitesse ». « Il m’a dit que j’avais du pied. »

Sous les couleurs de Lyon Athlé, la Guadeloupéenne va constamment abaisser ses chronos. Elle enchaîne les compétitions, se qualifie pour ses premiers championnats et décroche même sa place en équipe de France. Balayant ainsi les idées reçues sur les difficultés à accéder au haut niveau sur le tard.

Ses parents, restés en Guadeloupe, suivent ses exploits et sa première médaille d’argent décrochée sur 100 mètres haies. Ils se disent que leur fille ira jusqu’au bout de sa passion, en se surpassant quoi qu’il arrive.

« J’ai toujours eu la Guadeloupe dans un coin de ma tête. Mais j’avais peur de revenir. Je ne savais pas comment était développé le haut niveau ici. »

Dans les starting-block pour les JO

Son rêve de haut niveau, Fanny l’accomplit désormais sur son île natale, aux côtés de Ketty Cham, la patronne de l’athlétisme guadeloupéen. « J’ai toujours eu la Guadeloupe dans un coin de ma tête. Mais j’avais peur de revenir. Je ne savais pas comment était développé le haut niveau ici. » La nouvelle piste du Creps aux Abymes et le parcours de Wilhem Belocian, spécialiste du 110 mètres haies, seront deux déclencheurs d’un retour définitif. Un retour qu’elle aimerait concrétiser par une qualification aux JO de Paris 2024, sa « deadline de carrière ».

Avec Ketty, Fanny réapprend une méthode d’entraînement, plus technique, pour progresser, pour « monter d’un cran ». « C’est ce que je recherchais. Aller encore plus haut que le niveau européen. Et corriger la technique qui me faisait défaut. » Car à Doha, en 2019, aux Championnats du Monde, elle tape la 6e haie lors des séries, tirant une croix sur les demi-finales. « J’étais en confiance, jamais je ne m’étais sentie aussi bien physiquement. Je me suis dit : mais qu’est-ce qu’il me manque ? »

« On voit toujours, à la télévision, les athlètes souriants. Mais c’est loin d’être rose tous les jours. »

Au Creps, deux heures par jour, cinq fois par semaine, l’athlète répète inlassablement son programme, tel un robot. Musculation, sprint, haies, aérobie, côtes. « On voit toujours, à la télévision, les athlètes souriants. Mais c’est loin d’être rose tous les jours. C’est dur, l’envie n’est pas toujours là. Je ressors de séance lessivée à même ne plus savoir conduire. Souvent, je m’allonge sur un tapis vingt minutes histoire de retrouver ma lucidité. »

Avant de mettre un pied à Paris, dans deux ans, Fanny devra se hisser sur l’une des trois premières marches des Championnats de France et réaliser les fameux minina. Ces quelques secondes qui changent à jamais une vie. Ces quelques centièmes qui lui ont fermés les portes de Tokyo. « Je n’arrivais pas à franchir la haie, j’étais trop lente. J’ai fait un blocage. » Un blocage mental qu’elle décortique avec sa psychologue du sport pour, cette fois, fouler le tartan des olympiades tant convoitées.

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