Elle a répondu, avec un large sourire, à notre première question par « Je suis Marielle Cafafa ». Cela peut paraître très bref. Elle en a d’ailleurs conscience. Marielle Cafafa est une artiste plurielle. À la fois cheffe d’orchestre, pianiste, chanteuse, danseuse, styliste. – Texte Anne-Laure Labenne

« J’ai une vision très large de l’art et de la création. J’accorde beaucoup d’importance à ce qui est harmonieux à l’oreille, visuellement aussi. » Beaucoup lui attribuent un parcours hors norme. Il est vrai. Marielle est en fait née artiste. « La première photo que j’ai de moi avec un clavier a été prise lorsque j’avais trois mois. »

« J’avais dix ans et je me souviens qu’il fallait un chef d’orchestre pour diriger les flûtes à bec de la classe. Mes camarades m’ont désignée et ça a marché du premier coup. »

Aller à l’essentiel

Il y a bien longtemps que la Guadeloupéenne n’a pas posé un pied sur l’archipel. Vingt-deux ans très exactement. Née à Paris, Marielle arrive à l’âge de quatre ans, à Grand Camp, chez sa grand-mère maternelle. Une enfance difficile qui façonnera sa personnalité. « Ma seule force, c’était moi. J’ai beaucoup observé pour apprendre, savoir qui je voulais être et franchir les obstacles. »

C’est à l’école élémentaire Mixte 1 des Abymes, en classe de CM2, qu’elle vivra sa première expérience de cheffe d’orchestre. Un souvenir intact. Une vocation cachée. Une évidence finalement. « Le métier de cheffe d’orchestre est la somme de tous les métiers que je voulais exercer petite. J’avais dix ans et je me souviens qu’il fallait un chef d’orchestre pour diriger les flûtes à bec de la classe. Je suis très réservée, je n’ai pas osé me proposer. Mes camarades m’ont désignée et ça a marché du premier coup. J’ai su instantanément que j’étais faite pour ça, j’ai un rapport spontané aux choses. » Sans baguette, elle se sert alors de l’écouvillon de la flûte pour diriger. Sans baguette, aujourd’hui encore, elle donne le tempo. « Je ne mène personne à la baguette. Je déteste vraiment cette expression. Quand je dirige, je suis danseuse sur le haut du corps. Mes bras et mes mains sont libres pour sculpter le son. »

Le son, ce son du piano…

Marielle a longtemps effleuré les touches pour minimiser le bruit, pour ne pas déranger. « C’est un réflexe que j’ai encore. Jean-Michel Lesdel, que j’ai eu comme professeur jusqu’à mes 14 ans, me disait toujours “joue au fond du clavier”. » À cet âge-là, alors adolescente, Marielle quitte la Guadeloupe pour Paris. Seule. « Je ressentais le besoin d’évoluer. Sans piano, j’ai passé beaucoup de nuits à pleurer en écoutant Chopin. Et puis j’ai découvert l’univers des conservatoires, des concerts et des opéras, ce fut une période très riche. »

Elle rencontre aussi Michèle Edmond-Mariette, professeur de piano, qui la mènera à « son essentiel ». « Physiquement, nous nous ressemblions beaucoup. Je me suis rendu compte qu’on pouvait être femme, petite et pianiste professionnelle. Et elle portait une bague… Extrêmement lâche. Elle arrivait à jouer et restait femme. Elle avait aussi des ongles très féminins. On m’avait toujours inculqué d’avoir des ongles coupés à ras. Je me suis dit : c’est ça, ce que je veux être. » 

« Il faut s’écouter, oser, trouver l’énergie au fond de soi pour transmettre des émotions. Il ne faut pas formater les jeunes à prendre des modèles. La graine doit germer à l’intérieur de chacun pour rayonner. »

Humains épanouis

Épanouie, sans chercher à être meilleure que la veille, Marielle Cafafa est aujourd’hui la première cheffe d’orchestre ultramarine à la Philharmonie de Paris. Sa soif de connaissance, elle la transmet maintenant à ses élèves, sur fond de sagesse. « Il faut s’écouter, oser, trouver l’énergie au fond de soi pour transmettre des émotions. L’épanouissement humain est ce qu’il y a de plus précieux. Il ne faut pas formater les jeunes à prendre des modèles. La graine doit germer à l’intérieur de chacun pour rayonner. »

Marielle ne se sera pas attardée sur son métier. Elle dit d’ailleurs qu’elle est incapable d’en parler pendant des heures. « Je suis une cheffe d’orchestre qui ne fait pas de fixation sur ce métier, je ne suis pas obsédée par ce que je fais. En revanche, au quotidien, je pense épanouissement, émerveillement, humanité et esthétisme en permanence. Voilà comment je me définis, voilà mon essentiel. » Et finalement, arrive ici la réponse à notre première question : « Qui êtes-vous Marielle Cafafa ? »

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