Exemplarité. « La filière canne-sucre est un pilier majeur de l’économie guadeloupéenne », mais elle doit aussi faire face à de nombreux défis : dynamiser la production cannière, consolider le revenu des planteurs, développer la production durable et une filière bio… Explications avec Cyrille Mathieu, président d’Iguacanne. – Texte Willy Gassion

« L’outil interprofessionnel est irremplaçable pour mieux connaître et appréhender le monde de la canne, promouvoir, faire valoir le savoir-faire des entreprises guadeloupéennes. »

Qu’est-ce que l’Iguacanne, l’Interprofession guadeloupéenne pour la canne et le sucre ? 

Cyrille Mathieu : L’Iguacanne représente plusieurs acteurs dont les intérêts ne concordent pas toujours. L’une des grandes réussites de cette organisation est de réussir à faire cohabiter des familles professionnelles qui auraient bien des raisons de s’opposer mais qui pourtant ne peuvent vivre les unes sans les autres.

L’Iguacanne permet aux représentants des différents métiers de la filière canne de parler d’une seule voix. C’est unis, au sein de l’interprofession, qu’ils peuvent le mieux agir pour leur propre développement économique, trouver des solutions communes et faire évoluer la réglementation ou négocier entre familles professionnelles.

L’outil interprofessionnel est, enfin, irremplaçable pour mieux connaître et appréhender le monde de la canne, promouvoir, faire valoir le savoir-faire des entreprises guadeloupéennes.

Depuis trois ans, la production cannière est en baisse constante, à quoi est-ce dû et comment y remédier ? 

La filière canne-sucre est confrontée à une situation d’une extrême gravité caractérisée par l’effondrement des tonnages et par la perte de débouchés de ses sucres en Europe.

Les acteurs de la filière sont en effet les premières victimes de décisions nationales et européennes sans qu’à aucun moment leurs impacts sur la situation spécifique de notre territoire n’aient été pris en considération : remise en cause de l’accès au marché européen lors de la fin des quotas sucriers en 2017, concurrence déloyale sur le marché des sucres de spécialités suite à l’octroi de concessions exorbitantes à des pays non-européens dans le cadre des accords commerciaux, disparition à la Guadeloupe de molécules herbicides pourtant homologuées et utilisées en Europe.

« Les acteurs de la filière sont les premières victimes de décisions nationales et européennes dont les impacts sur la situation spécifique de notre territoire n’ont pas été pris en considération. »

Le gouvernement tarde à annoncer qu’il prendra les mesures qui relèvent de sa responsabilité pour garantir la pérennité de la filière et redonner à ses acteurs la confiance nécessaire pour relever les défis qui se présentent à eux.

Cette situation est d’autant plus incompréhensible que la filière canne-sucre constitue un pilier majeur de l’économie guadeloupéenne et apporte des réponses concrètes aux enjeux de notre territoire : emploi, contribution au respect des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre, première source d’énergie verte renouvelable de l’île, pivot du développement des autres filières agricoles et par conséquent du renforcement de l’autonomie alimentaire.

En prenant en compte l’évolution des coûts, la dégradation du marché du sucre en Europe et les projections des différents paramètres de la filière à horizon 2027, les études réalisées par les acteurs de la filière mettent en évidence un besoin de soutien public supplémentaire nécessaire pour soutenir les planteurs et relancer la productivité agricole.

« La filière doit s’adapter voire se réinventer pour assurer sa pérennité et son développement dans un contexte économique, environnemental, social et organisationnel qui montre ses limites. »

Il est maintenant plus qu’urgent que l’État prenne ses responsabilités et s’engage réellement sur le long terme, étape préalable indispensable aux partenaires de l’Interprofession pour se projeter dans l’avenir et entamer les négociations de la Convention Canne qui doit impérativement être signée avant le démarrage de la campagne sucrière 2023.

La filière doit ainsi s’adapter voire se réinventer pour assurer sa pérennité et son développement dans un contexte économique, environnemental, social et organisationnel qui montre les limites de ses pratiques actuelles. 

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Le plan de relance de la production cannière prévoit une reconversion des parcelles en bio. Rhum et sucre bio, où en est-on de cette production ? 

La transition écologique est concrète depuis longtemps dans la production de canne à sucre avec des améliorations constantes et des remises en cause permanentes des pratiques et des itinéraires techniques conjuguant productivité, écologie et pérennité des exploitations agricoles. Pour aller encore plus loin, l’Iguacanne se tourne vers la production de cannes et de sucres biologiques. Aujourd’hui, plus de 100 planteurs avec plus de 200 hectares sont d’ores et déjà engagés dans cette démarche Bio.

« La filière canne-sucre représente 10 000 emplois directs et indirects en Guadeloupe. »

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