Transformation. Pour répondre aux enjeux sociétaux d’autosuffisance alimentaire et de souveraineté économique, la Région soutient le développement d’une agriculture innovante. Entretien avec Patrick Dollin, Président de la Commission Économie Verte. – Texte Audrey Juge

Que nous a appris la pandémie sur les grands défis à relever pour l’agriculture guadeloupéenne ?

Patrick Dollin : Elle nous démontre l’importance de l’autosuffisance alimentaire et de la souveraineté économique, autrement dit soutenir une production locale et respectueuse de l’environnement. Elle doit être produite en qualité et en quantité suffisante pour, d’abord, répondre à la demande locale, puis pour développer les marchés export.

Il nous faut aussi développer des modèles économiques plus autonomes et plus viables pour notre agriculture. Nos actions, tous acteurs confondus, doivent permettre de réduire la dépendance à l’importation de la Guadeloupe.

« Il s’agit de pouvoir consommer plus sain, au plus proche de chez soi, de ses habitudes et de sa culture. »

Quels sont les enjeux de l’autosuffisance alimentaire et de la souveraineté économique ?

Ils comportent tous deux des enjeux sociétaux majeurs. Une alimentation saine tout d’abord, et la santé de nos concitoyens. Mais aussi l’existence d’une agriculture viable et durable sur notre territoire. Il s’agit en fait de pouvoir consommer plus sain, au plus proche de chez soi, de ses habitudes et de sa culture.

Ces enjeux soulèvent des questions auxquelles les politiques régionales se doivent de répondre. Ces questions sont d’ordre environnemental, avec la préservation des écosystèmes ; sécuritaire, au travers d’une traçabilité garantie ; économique, pour une rentabilité et des revenus des producteurs assurés ; et enfin social et sociétal, pour le maintien des emplois, l’aménagement du territoire et du foncier agricole et la protection de la santé humaine.

« L’innovation agricole devrait pouvoir permettre aux producteurs d’optimiser leur rendements et être plus présents sur nos étals. »

L’innovation agricole est-elle indispensable à l’atteinte de ces objectifs ?

Oui, et elle permet l’amélioration continue des techniques de production. C’est un moyen pour les producteurs d’opérer des mutations en répondant aux enjeux du secteur. Elle est donc essentielle pour augmenter la productivité, réduire les coûts de production, lutter contre les nuisibles, limiter les impacts des catastrophes naturelles et avoir des produits de meilleure qualité. Cela devrait pouvoir permettre aux producteurs d’optimiser leur rendements et être plus présents sur nos étals.

Comment la Région Guadeloupe soutient-elle l’innovation agricole ?

Depuis 2020, la Région a fait le choix d’orienter sa politique agricole vers des modèles de production agroécologique. Il y a en tout état de cause cette réalité qui nous impose une approche innovante de nos modèles agricoles. De ce fait, la Région Guadeloupe soutient l’innovation agricole à travers des aides régionales et les dispositifs FEADER et FEDER. Nous accompagnons ainsi des entreprises du numérique, des exploitations agricoles, le lycée agricole, les centre techniques, les organismes de recherche pour mener des travaux de recherche mais aussi pour la diffusion et la formation des résultats probants aux agriculteurs.

Aussi, la Région a lancé le premier concours d’innovation en agriculture Agreen Startup 2020 pour mettre en lumière les initiatives novatrices en matière de modèles agricoles respectueux de l’environnement. Concourant à la viabilité de ces modèles de production, l’innovation est une opportunité de création et de développement économique et permet aux acteurs d’être compétitifs, autonomes et d’adopter des pratiques qui garantissent des produits sains. On valorise des expertises, des propositions, et on passe à l’action concrète, en dirigeant l’entrepreneuriat agricole vers un développement économique performant et durable qui permet notamment, la création de petites et moyennes entreprises en agriculture.

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Agreen StartUp, catalyseur d’innovations agricoles

Inscrit dans le cadre du Plan Stratégique régional pour une Transition Agroécologique pour la Guadeloupe « PS-TAG », le concours Agreen StartUp a pour objectif de récompenser et d’accompagner des projets audacieux et ambitieux dans la production agricole et l’alimentation, et répondant aux défis de l’agroécologie.

Sur la totalité des projets inscrits en novembre 2020, 13 ont été retenus pour intégrer les phases finales : deux jours de travail pour affiner, viabiliser et concrétiser son projet. À l’issue, deux lauréats ont été récompensés dans deux catégories, Installation et Confortement.

À la clé ? Des prix adaptés aux besoins des lauréats comportant un suivi technique et administratif du projet pendant trois ans, des dotations financières, du foncier sous contraintes pré-identifiées, un kit de communication, un accompagnement digital, etc. 

« Le concours Agreen StartUp a beaucoup apporté à mon projet agricole articulé autour de la plantation et l’extraction des huiles essentielles et végétales ! En m’inscrivant, j’avais uniquement mon business plan réalisé avec l’aide de Pôle emploi et mon terrain acquis grâce à la SAFER. Les deux jours de travail avec mon coach ont boosté mon projet qui en était au stade primaire. La dotation de 20 000 euros m’a permis d’acheter les équipements nécessaires à mon installation. Agreen StartUp a aussi été une formidable opportunité de tisser mon réseau professionnel et gagner en visibilité. Un véritable accélérateur ! », explique Sarah Gobert, fondatrice du Jardin d’Ayo, 1er prix de la catégorie Installation du concours Agreen StartUp et 1er prix de la catégorie Installation.

Sarah Gobert, fondatrice du Jardin d’Ayo - Guadeloupe
Sarah Gobert, fondatrice du Jardin d’Ayo

FOCUS SUR…
Bio-Performances par Boris Damase, 4ème prix de la catégorie Confortement

Avec son projet d’exploitation multipôles, Boris Damase apporte une solution durable à la problématique d’une alimentation saine, locale et respectueuse de l’environnement. 
Constituée d’un verger biologique – avec une production de bananes, de maracudjas et d’arbres fruitiers variés – et d’un atelier de production de volailles certifiées agriculture biologique – poulets et pintades – l’exploitation accueillera prochainement un pôle apicole et un pôle de valorisation du sous-bois environnant avec la production de vanille, de cacao et de café, le tout biologique également. « Mon but est d’exploiter tout le potentiel du lieu sans dénaturer ou dégrader son aspect originel et en maintenant cette interdépendance et interconnexion des différents pôles. »

En effet, tous les pôles fonctionnent de manière symbiotique, créant un cercle agricole vertueux. Les arbres fruitiers apportent ombre et nourriture aux volailles, dont le fumier sert de compost au verger. Les abeilles accroissent de 30 % les rendements grâce à leur action pollinisatrice et les sous-bois protègent les cultures fragiles. Un projet agroécologique innovant et viable économiquement.

« Mon projet était déjà bien défini mais au moment du concours, je n’avais pas encore de poulets sur l’exploitation. Le passage à Agreen StartUp m’a permis de peaufiner Bio-Performances mais surtout d’accroître mon réseau professionnel, avec qui j’interagis depuis le concours. Les échanges qui sont nés de notre travail collaboratif ont été très enrichissants et m’ont ouvert de nouveaux champs de réflexion. Ce concours était bien plus profond que la simple élaboration d’un projet. »

Boris Damase, créateur du projet agricole Bio-Performances - Guadeloupe
Boris Damase, créateur de Bio-Performances

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