Fruits et légumes. L’interprofession IGUAFLHOR lance plusieurs chantiers afin de structurer la filière guadeloupéenne des fruits et légumes, pouvoir ainsi répondre en qualité, en diversité et en quantité aux besoins de la population, et viser la souveraineté alimentaire. Le point sur les actions mises en œuvre avec Tony Mohamedaly, président de l’association. – Texte Adeline Louault

« Il est important qu’il y ait une montée en puissance de l’agro-transformation et l’explosion de la vente locale. »

Quels sont les objectifs de l’IGUAFLHOR pour la filière fruits et légumes ?

Notre volonté est d’augmenter le volume de production du secteur organisé, c’est-à-dire issu des Organisations de Producteurs (OP). Pour cela, il est important qu’il y ait une montée en puissance de l’agro-transformation et l’explosion de la vente locale. Nous lançons donc plusieurs chantiers et études afin de pouvoir faire des propositions aux décideurs locaux.

Comment préparez-vous cette montée en puissance ? 

Il est important qu’un maximum de la production locale de fruits et légumes passe par les Organisations de Producteurs afin d’en assurer la traçabilité et la qualité aux consommateurs. Cela passe par l’intégration de nouveaux producteurs au sein de nos OP. L’idée est d’être attrayant pour ce type d’agriculteurs et de les emmener vers une agriculture de qualité qui passe par des certifications du type HVE3 (Haute Valeur Environnementale)

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Pourquoi certains producteurs restent en dehors du secteur organisé selon vous ? 

Une étude est en cours, en collaboration avec l’IGUAVIE (Interprofession Guadeloupéenne de la Viande et de l’Élevage), pour comprendre précisément pourquoi nous n’avons pas plus de producteurs au sein du secteur organisé. Mais certaines problématiques sont déjà connues. L’organisation de la filière fruits et légumes est récente. Elle se matérialise par la création des Organisations de Producteurs et de l’IGUAFLHOR en 2009 – il y a moins de 15 ans ! Nous nous structurons sans beaucoup de moyens et, en plus, nous subissons les retards de paiements des collectivités et de certains clients.

Aujourd’hui, les OP ont donc du mal à payer leurs producteurs en temps et en heure car elles-mêmes sont réglées avec un délai important. Si on arrive à garantir un revenu mensuel aux producteurs isolés, je suis persuadé qu’ils seront plus nombreux à rejoindre le secteur organisé et que nous aurons davantage de produits locaux dans nos assiettes.

Il faut absolument qu’on parvienne à payer le producteur dès la livraison. Pour cela, il faut que nos clients respectent les délais de paiement et que les aides financières issues du POSEI (Programme d’Options Spécifiques à l’Éloignement et à l’Insularité) soient payées rapidement contrairement à la situation actuelle où elles arrivent parfois plus de 6 mois après le dépôt du dossier. 

« Nous souhaitons lancer des tests pour cultiver de nouveaux produits et notamment, des aliments qui nous viennent de l’extérieur et  qui pourraient être produits en Guadeloupe. »

Quels sont les autres moyens envisagés pour doubler le volume de production ? 

Il faut que nous nous appuyions sur l’expertise de l’IT2 (Institut Technique Tropical) pour améliorer notre technicité, continuer à développer notre production et essayer de la diversifier. Nous souhaitons lancer des tests pour cultiver de nouveaux produits et notamment, des aliments qui nous viennent de l’extérieur et qui pourraient être produits en Guadeloupe. Le but de ce travail est d’alimenter tout au long de l’année le marché guadeloupéen en produits locaux et de saison. 

Melons de Guadeloupe

Quels sont les obstacles actuels à la souveraineté alimentaire en Guadeloupe ?

Nous avons plusieurs chantiers en cours. Il y a le volet irrigation, un dossier urgent car les spécialistes météo estiment que les prochaines années vont être de plus en plus compliquées. Or, nous sommes entourés d’eau ! On travaille actuellement avec les politiques pour trouver des méthodes alternatives. 

Nous devons également travailler sur le plan de la main d’œuvre qui fait cruellement défaut. Il faut trouver l’articulation, la passerelle pour intéresser les jeunes à notre agriculture. On l’a vu avec la crise du Covid : la production locale a toute sa place en Guadeloupe, il y a un grand potentiel à exploiter. 

Enfin, il y a le problème de l’augmentation du prix des intrants agricoles (emballages, engrais, etc.). Les coûts de production explosent et nous ne pouvons pas les répercuter sur nos prix de vente. En effet, les agriculteurs des pays de la Caraïbe n’ont pas les mêmes conditions de production que les agriculteurs guadeloupéens et leurs produits seront toujours moins chers que ceux produits en Guadeloupe. Certains producteurs, parmi les plus fragiles, sont contraints d’arrêter leur activité. 

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Qu’en est-il du projet de plateforme de distribution commune avec l’IGUAVIE ? 

L’atomisation des points de vente (il y en a plus de 330 sur le territoire) nous a poussé, avec l’IGUAVIE, à mutualiser nos forces. Nous travaillons à la mise en place d’une plateforme de distribution commune qui nous permettrait d’aller livrer partout et de toucher même les lolos que nous ne pouvons pas fournir jusqu’à aujourd’hui. Pour l’heure, ces commerces, qui nous échappent encore, sont approvisionnés en produits d’importation par les grossistes.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Nous sommes persuadés que le secteur de la diversification végétale (hors canne et banane) est pourvoyeur d’emplois. Comme je l’ai dit, notre objectif est d’explorer de nouvelles pistes afin d’aiguiller les producteurs et les agro-transformateurs sur les cultures, les productions à développer. C’est pour cela que nous lançons de nombreuses études.

Nous regardons aussi beaucoup les autres territoires ultramarins comme La Réunion qui est très en avance sur les techniques de production. Bien sûr, nous n’avons pas le même climat mais nous pouvons imaginer recopier ce qui se fait là-bas au niveau de l’agro-transformation par exemple. 

J’insiste enfin sur le fait que c’est à nous, professionnels, d’organiser notre filière. Les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT), créés au niveau national et visant la souveraineté alimentaire, ne sont pas adaptés à notre petite île et surtout ne sont pas coordonnés avec les travaux de structuration de l’IGUAFLHOR. Au lieu d’aider, ils nuisent à l’amélioration du fonctionnement de notre filière. 

« J’insiste enfin sur le fait que c’est à nous, professionnels, d’organiser notre filière. Les Projets Alimentaires Territoriaux créés au niveau national ne sont pas adaptés à notre petite île. »

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