Performances locales. À minima, des produits frais locaux dans les cantines de nos enfants et à termes, une mutualisation des moyens pour renforcer les filières. Entretien avec Franck Desalme, président d’IGUAVIE, l’interprofession de la viande et de l’élevage en Guadeloupe. – Propos recueillis par Coline Mousson, Photographie Pierre de Champs

Franck Desalme - président IGUAVIE - Guadeloupe
Franck Desalme

Que nous dit la crise Covid sur les enjeux d’alimentation en Guadeloupe ? 

Franck Desalme : Le premier enseignement de cette crise est celui de la nécessité d’un engagement fort et d’une responsabilité totale en faveur de notre territoire.

« La crise sanitaire nous a montré, plus que jamais, que nous sommes sur un archipel et que nous devons d’abord compter sur nous pour notre alimentation. »

Notre situation de territoire isolé devrait également nous donner les moyens de nous protéger sans toutefois nous couper du monde. Nous avons des choses à offrir au monde… l’actualité nous le montre de façon régulière que la Guadeloupe brille aux yeux du monde, et ce, dans tous les domaines.

Mais il arrive un moment où nous devons prendre des orientations fortes en faveur du développement réel du pays sans qu’elles fassent l’objet de modification par d’autres instances.

Ceux qui vivent et qui travaillent, ici, savent mieux que quiconque ce qui est juste et nécessaire… sinon, quel est le sens de la décentralisation qui a été prônée pendant des années.

La crise a montré également que le marché de la consommation n’est pas unique et n’est pas un territoire réservé. Ce marché est très segmenté notamment entre celui de la grande, moyenne et petite distribution, celui des artisans bouchers, celui de la restauration hors foyer, celui de la restauration scolaire et celui du circuit informel.

Pendant le confinement et dès la 2ème semaine, tous ces maillons du marché n’étaient plus opérationnels. Les consommateurs ont cherché d’autres moyens. Ce sont d’abord eux qui ont tiré la sonnette et qui ont permis aux entreprises de mise en marché de trouver de nouvelles voies :  vente directe, vente précommandée.

La crise nous a rappelé le discours des anciens qui renvoie à l’époque de Sorin… Période où la Guadeloupe devait compter sur elle-même. Cela est possible dans le cadre des produits carnés notamment.

« La question n’est pas de produire mais plutôt Où et COMMENT VENDRE sur un marché dominé par des produits importés, surgelés, de qualité médiocre, non vendus sur leurs lieux de production d’origine. »

Produire, c’est d’abord vendre et cette question doit être réglée, non à coup de communication ou dans des groupes de travail, mais via des dispositions réglementaires.

La Commission européenne souhaite réduire de 3,9 % le budget du régime POSEI qui a pour vocation de soutenir les régions ultrapériphériques de l’UE. Pourquoi cette annonce est-elle préoccupante pour les producteurs ? 

« L’annonce n’est pas préoccupante. Elle est dangereuse et montre comment les régions dites ultrapériphériques (RUP) et, notamment la Guadeloupe, sont traitées. »

Dans un premier temps, il nous a été annoncé une baisse de 11 % de la PAC et 3,9 % du POSEI. Depuis cette annonce, nous avons mis une grande partie de notre énergie à nous mobiliser pour éviter cette diminution.

La gravité de la situation est liée au fait que l’Europe nous a entrainés vers une mobilisation pour éviter la réduction des 3,9 % mais entretemps, il n’y a pas eu de revalorisation de l’enveloppe POSEI depuis 2010 alors même qu’il s’agit d’aides couplées à la production ; cela signifie que le volume devrait augmenter de façon proportionnelle à l’augmentation de la production.

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Quelles conséquences sur le développement des filières de l’IGUAVIE ? 

Pour l’IGUAVIE qui regroupe les filières animales et les métiers du secteur de l’élevage, la baisse annuelle est de l’ordre de 400 000 €/a (diversification animale et régime spécifique d’approvisionnement), soit 2 800 000 € sur la durée de la programmation.

De façon résumée, lorsqu’il est dit de se projeter vers la transformation de l’agriculture pour tendre vers l’autonomie alimentaire, les lignes budgétaires sont réduites !

« Nous disons que le développement de l’agriculture dans le but de nourrir la population doit être une affaire locale. »

Quels sont les chantiers d’avenir sur lesquels vous appelez à la mobilisation ?

Il nous faut avancer ensemble, notamment, dans des démarches de :

  • Mutualisation des moyens
  • Concentration de l’encadrement
  • Professionnalisation des hommes et des métiers
  • Regroupement de la mise en marché

Les crises sanitaires (ESB animales, dioxine, tremblante…) rencontrées dans les pays occidentaux et notamment européens nous montrent que notre population mérite une alimentation de qualité, saine et durable.

Nous devons mettre en place ces programmes afin de répondre aux attentes des consommateurs de notre archipel.

« À minima, les élus politiques doivent nous aider pour que nos enfants puissent dans les cantines scolaires, manger des produits frais locaux. »

IGUAVIE
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