Peggy Ravin est une femme animée par des valeurs fortes, acquises lors d’un parcours semé d’embûches. Elle a acquis les armes du dépassement de soi, de la persévérance et de la discipline dès l’enfance. Ce ne fût pas pour rien. Car aujourd’hui, la jeune femme est la conceptrice d’un projet associatif innovant mais aussi cheffe d’entreprise. – Texte Marie Ozier-Lafontaine

Peggy Ravin est née loin de la Martinique, un jour d’hiver glacial à Mulhouse. À 5 ans, sa famille quitte la ville pour s’installer dans le petit village alsacien de Chalampé. « Nous étions deux familles noires dans ce village. J’ai très vite réalisé que les autres me voyaient comme étant différente ».

Peggy découvre au CP la signification du mot « racisme ».  Première leçon pour la petite martiniquaise : pour exister, il faut s’imposer. Ce qu’elle fait, en s’inscrivant à 8 ans au cours de Gymnastique Rythmique et Sportive et en devenant l’année suivante championne du Haut-Rhin. Toute sa jeunesse, Peggy poursuit dans cette voie, en se dépassant, à l’école, en sport, et en privilégiant les univers masculins. « Le hip hop et le basket m’ont permis de me construire une carapace ».

« Vous ne pouvez pas vous laisser aller quand vous devez vous occuper de vos petits frères et sœurs, faire votre travail scolaire, pratiquer vos activités sportives ! »

« Responsabilité »

Troisième enfant d’une fratrie de sept enfants, Peggy a aussi appris très tôt le mot « responsabilité ». « Cette enfance, heureuse et choyée, m’a aussi apporté le sens de la discipline. Vous ne pouvez pas vous laisser aller quand vous devez vous occuper de vos petits frères et sœurs, faire votre travail scolaire, pratiquer vos activités sportives ! Mes parents travaillaient beaucoup, il fallait gérer le quotidien ». 

La Martinique, Peggy la côtoie de loin à cette époque. Elle y va chaque année en colonie de vacances. Après l’obtention de son DEUG, elle tente d’y trouver un poste stable, sans succès. Elle est finalement embauchée par une entreprise de télécommunication en Alsace. Elle y fera ses armes, gravissant tous les échelons jusqu’à devenir à 26 ans responsable d’un centre de profit. Ses efforts ont payé. C’est l’arrivée de son bébé, qu’elle doit confier pendant deux ans à sa mère en Martinique, qui va la conduire à s’installer sur l’île. « J’ai tout quitté pour le retrouver ! »

Si la jeune maman est épanouie, entourée de sa famille, professionnellement son parcours est plus difficile. Alors que la jeune femme occupait en France hexagonale un poste de cadre, tous les emplois qu’elle obtient désormais sont des postes d’employée, sans responsabilité. Peggy apprend alors la ténacité. Elle s’informe, se forme, effectue une veille poussée sur tous les secteurs d’activités dans lesquels elle évolue. « Mais ce plafond de verre est devenu insupportable. Je m’investissais beaucoup, sans reconnaissance ni évolution ».

« J’ai dû dépasser mes croyances limitantes et m’affirmer en tant que femme entrepreneure. Car être une femme martiniquaise, c’est être capable de puiser dans ses capacités de résilience. »

« Je suis une idéaliste ! »

En 2014, Peggy prend une décision radicale. Elle quitte son emploi et investit ses allocations de chômage dans son nouveau projet : créer un tiers-lieu en Martinique. « Je suis une idéaliste ! Je devais trouver un concept qui ait du sens, pour moi et pour mon île ». C’est le cas de son tiers-lieu, installé à dessein dans le sud de la Martinique.

Retenu en 2016 parmi 200 projets ultra marins, Up and Space, fablab, espace de coworking et tiers-lieu, naît la même année. S’en suit la création de l’entreprise MAAT Expérience, spécialisée dans la gestion et la formation pour tous les projets d’inclusion numérique et les tiers-lieux. « Ça n’a pas été facile. J’ai vécu 3 ans avec le RSA, avec un enfant à charge. J’ai dû dépasser mes croyances limitantes et m’affirmer en tant que femme entrepreneure. J’ai tiré ma force de mon vécu, mais aussi de mon héritage. Car être une femme martiniquaise, c’est être capable de puiser dans ses capacités de résilience ».

« Notre but est de générer des emplois, pour poursuivre l’accompagnement des porteurs de projet innovants de l’île. »

Rejointe par Stéphanie Africa en 2018, Peggy Ravin franchit un nouveau cap en 2020. La crise sanitaire pousse les deux jeunes femmes à répondre en masse aux appels d’offre publics. Résultat : la préfecture leur confie la mission de structurer les acteurs de la médiation numérique à l’échelle du territoire. « Notre but est de générer des emplois (elles comptent déjà deux salariés), pour poursuivre l’accompagnement des porteurs de projet innovants de l’île. »

Peggy le sait bien : c’est en croyant en soi qu’on atteint les objectifs les plus fous. Et elle compte bien insuffler cet élan aux Martiniquaises et aux Martiniquais.

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