Faire ensemble. La reconstruction de l’institution se poursuit au niveau local et caribéen. Un chantier qui, le rappelle Laurella Yssap-Rinçon, sa directrice générale, ne se fera pas sans le concours des Guadeloupéens. – Texte Willy Gassion

Le MACTe a invité Olivier Guyonvarch, ambassadeur de France en Jamaïque. Quels liens voulez-vous créer entre la Guadeloupe et la Jamaïque en tant que directrice générale du MACTe ?

Laurella Yssap-Rinçon : La vocation du MACTe est de s’exporter à l’international. Notre institution est le fruit d’une aspiration locale. Elle joue un rôle mémoriel à l’échelle caribéenne. Elle porte aussi une ambition nationale. Et elle a enfin une vocation internationale puisqu’on parle d’histoire, de mémoires et de patrimoines universels. Cette histoire de la déportation des Africains dans les Amériques a changé la face du monde et notre relation au monde. C’est ce message-là que le MACTe doit pouvoir porter en dehors des rives de Guadeloupe. 

« Cette histoire de la déportation des Africains dans les Amériques a changé la face du monde et notre relation au monde. C’est ce message-là que le MACTe doit pouvoir porter en dehors des rives de Guadeloupe. »

Nous avons initié au MACTe avec la Maison de l’Architecture de Guadeloupe et le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, une saison jamaïcaine qui nous permet de présenter une perspective jamaïcaine de cette histoire, et de la création qui en a découlé. Avec l’ambassadeur de France en Jamaïque, nous explorons des pistes de collaboration plus poussées entre le MACTe et la Jamaïque. Recevoir un ambassadeur de France est une première en Guadeloupe, les ambassadeurs ont vocation à venir en région pour permettre aux régions de France de nouer des liens avec les pays étrangers.

Précisément l’exposition Jamaican, symbole de ce début de collaboration culturelle entre la Guadeloupe et la Jamaïque, est prolongée…

En effet, cette exposition qui présente les travaux d’architectes de l’école caribéenne d’architecture de Kingston, va être prolongée jusqu’au 21 juin parce que nous voulons avec l’ambassadeur, en dehors des sujets sur l’architecture, renforcer le lien Guadeloupe – Jamaïque autour de toutes les questions liées à l’abolition. En Jamaïque, l’esclavage est commémoré le 1er août et donne lieu à une semaine d’émancipation jusqu’au 6 août. Après la fin de l’exposition nous continuerons à travailler avec la Jamaïque en élargissant les sujets à explorer.

« La traversée transatlantique a été le fondement de nos sociétés créoles qui se sont organisées psychologiquement et spirituellement dans la cale du bateau. Nous allons explorer sur le plan historique notre relation à la mer. »

Comment le MACTe compte-t-il célébrer son 7e anniversaire ?

Le 7e anniversaire, c’est « L’âge de raison ». Nous sommes dans une année Route du Rhum, nous nous tournons donc vers la mer. « La mer est Histoire », en référence au poème de Derek Walcott, était déjà notre ambition avant la crise de gouvernance. Avec ce projet, nous allons explorer sur le plan historique notre relation à la mer. Cette traversée transatlantique a été le fondement de nos sociétés créoles qui se sont organisées psychologiquement et spirituellement dans la cale du bateau. Par ailleurs, le MACTe va participer aux transats organisés à l’occasion de la Route du Rhum du 27 mai et du 7 juillet ; date anniversaire de l’ouverture du MACTe au public. 

L’entrée du MACTe est en ce moment gratuite, pourquoi ? Quels sont les premiers enseignements que vous tirez de cette gratuité ?

Le MACTe est en chantier depuis sa réouverture le 19 décembre 2021, après 9 mois de fermeture. On invite les Guadeloupéens à s’interroger avec nous, sur l’essence même du MACTe et à répondre à cette question : « Qu’est-ce que le MACTe ? » Pour faciliter cette contribution on a pensé qu’il fallait cette année de gratuité pour donner à chacun l’occasion de venir et de nous dire comment façonner ensemble un MACTe qui nous ressemble.

Cette gratuité est aussi un remerciement aux Guadeloupéens pour leur grande attention à l’avenir du MACTe. On a beaucoup glosé sur leur désamour pour le MACTe et ils ont prouvé le contraire en étant très concernés par l’avenir de l’institution. Fermée 9 mois, l’institution se devait d’offrir aux Guadeloupéens 9 mois de gratuité pour réfléchir ensemble aux orientations à prendre pour son avenir.

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Nous sommes à quelques mois de la prochaine édition de La Route du Rhum, où en est votre projet de développer le MACTe sur l’eau ?

Ce MACTe sur l’eau, c’est d’abord se réapproprier les abords du MACTe et permettre que l’espace mémoriel soit prolongé par un espace plus récréatif, et que tout l’environnement paysager dans lequel le MACTe s’épanouit soit mis en valeur. Ce « BodlanMACTe » sera une occasion supplémentaire de venir nous visiter. Le MACTe est une institution « située ». Elle est sur le site même de la plantation, si on considère que toute l’île porte les stigmates de la plantation. Ce site a beaucoup à dire sur cette histoire qui n’est pas présente que dans l’exposition ou que par le bâtiment et les vestiges de l’usine Darboussier. Elle est aussi inscrite dans le site qui en porte les empreintes. Ce BodlanMACTe est aussi une autre approche de cette histoire, de cette mémoire et de ce patrimoine.

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