Virginie Thierry, océanographe physicienne à l’Ifremer (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer), contribue au programme d’observation de l’océan pour lequel 4 000 balises Argo sont réparties en mer, dont une quinzaine dans la zone Caraïbes.* Texte Mathieu Rached

À quoi sert ce programme d’observation ?

Le déploiement de balises Argo (à ne pas confondre avec le système de transmission satellite baptisé Argos, ndlr) a démarré dans les années 2000. Il permet de mesurer sur l’ensemble des océans des paramètres clés (pression, température, salinité) pour comprendre l’effet du réchauffement climatique, l’impact sur les écosystèmes marins et même prévoir la trajectoire et l’intensité des événements météorologiques majeurs.

« En travaillant de concert, ces 4 000 balises permettent d’avoir un relevé en temps réel de la température des océans tous les 10 jours, contrairement aux 10 ans d’expédition auparavant nécessaires. »

Flotteur Deep Arvor - Ifremer
Test de profileurs profonds Deep Arvor © Ifremer, Dugornay Olivier

Comment ça marche ?

Les balises Argo ressemblent à un tube de 2 mètres de long qui flotte dans les océans. Elle opèrent selon un cycle de 10 jours : elles plongent à 1000 mètres de profondeur où elles se laissent dériver dans les courants profonds, puis elles plongent à nouveau jusqu’à 2000 mètres avant de remonter.

Une fois à la surface, toutes les données sont envoyées par satellite à deux centres d’analyse qui vont les traiter et les mettre à disposition en accès libre. En travaillant de concert, ces 4 000 balises permettent d’avoir un relevé en temps réel de la température des océans tous les 10 jours. Avant les années 2000 et le programme Argo, il fallait 10 ans d’expéditions sur des navires océanographiques pour obtenir des relevés similaires.

« L’enjeu c’est d’avoir une vision en temps réel depuis le terrain pour affiner nos connaissances et valider nos modélisations d’étude de la santé des océans. »

Un plongeur à côté d'une balise Argo
Tests de profileurs biogéochimiques au bassin d’essais du centre Ifremer de Brest © Ifremer, Dugornay Olivier
 

À quoi va servir la nouvelle génération de balises Argo ?

Nous avons besoin de nouvelles mesures pour approfondir notre connaissance de l’océan dont on sait qu’il capte 90 % de la chaleur émise par les activités humaines. Ces nouvelles balises Argo seront capables de plonger plus profond, jusqu’à 4 000 ou 6 000 mètres, afin de tracker le signal du réchauffement climatique dans les abysses. Elles seront aussi dotées de capteurs additionnels, pour relever les taux d’oxygène, de chlorophylle, le pH et analyser le mécanisme de pompe biologique de carbone. L’enjeu c’est d’avoir une vision en temps réel depuis le terrain pour affiner nos connaissances et valider nos modélisations d’étude de la santé des océans.

*en mai 2022

Argo est un programme international qui mobilise 30 pays. La France va investir 21 millions, l’Ifremer coordonne la contribution française au programme et prévoit de déployer 80 nouvelles balises par an pendant 8 ans.

À lire également| Coup de cœur : Caribbean Cetacean Society et la protection des cétacés