Développement. Malgré sa très large première place au classement des viandes consommées en Guadeloupe, la production locale de poulets de chair peine à décoller. Pourtant, le potentiel est là. Texte Audrey Juge

« Entre une production locale avoisinant difficilement les 1 000 tonnes par an et une consommation de près de 13 000 tonnes, il y a un beau potentiel d’amélioration du taux de couverture. »

Comment se porte la filière poulets de chair en Guadeloupe ?

Guy Lurel, producteur de poulets, de porcs et vice-président de la COOPORG, coopérative membre de l’Iguavie : La filière poulet de chair est celle qui est la plus en devenir du territoire. Il y a de véritables perspectives de développement. Entre une production locale de poulets « prêts à consommer » avoisinant difficilement les 1 000 tonnes par an et une consommation de près de 13 000 tonnes sur l’archipel, le gap est énorme mais laisse aussi présager un beau potentiel d’amélioration du taux de couverture du territoire.

Il y a un volet à exploiter sur la production de poulets de meilleure qualité que l’import, des poulets coureurs type production créole de nos aïeux. Il faut envisager aussi une diversification des productions avec l’élevage de pintades, de coquelets, de dindes à découper, etc. C’est un véritable chantier à mettre en place dans les cinq ans à venir car nous devons produire plus et rapidement. 

À quelles problématiques la filière fait-elle face ?

Le poulet de chair importé congelé à très bas prix soulève la question de la qualité de la viande d’une part, mais aussi de la politique agricole nationale qui permet de considérer la Guadeloupe comme un territoire de dégagement des sous-produits nationaux. Nos poulets frais locaux font office de produits d’appel pour la grande distribution. Nous déplorons aussi le peu d’installations de jeunes producteurs et toujours un paiement tardif des aides du POSEI (Programme d’Options Spécifiques à l’Éloignement et à l’Insularité). Nous manquons aussi d’une vraie synergie entre les différents producteurs et coopératives.

« Il faut aussi professionnaliser la filière en encourageant les nouvelles installations et la diversification des productions, pour rentabiliser et sécuriser les exploitations. »

Concrètement, comment la COOPORG souhaite favoriser le développement du poulet de chair local ?

Il est trop tard pour contrer frontalement l’import. Il nous faut produire plus et mieux. Pour ce faire, les producteurs et les coopératives doivent s’organiser et créer des schémas de développement en termes de financements, d’installation et d’encadrement des producteurs. Nous avons déjà la maîtrise de ces sujets mais nous devons les mettre en cohérence, devenir plus performants en créant une vision commune entre les distributeurs et les producteurs.

Nous devons aussi sécuriser la qualité de nos intrants – aliments, poussins et médicaments – ainsi que la qualité de nos installations – lignes d’eau, lignes d’alimentation, chauffage, etc. Ensuite, nous pourrons nous pencher sur la communication et sensibiliser encore plus au manger local.

Il faut aussi professionnaliser la filière en encourageant les nouvelles installations et la diversification des productions, pour rentabiliser et sécuriser les exploitations. Ce n’est pas inatteignable. Par exemple, l’objectif de la COOPORG est de produire 8 000 poulets par semaine d’ici les 28 à 36 mois qui viennent. Nous sommes actuellement à 4 000 et nous ne sommes pas les seuls acteurs. Nous pouvons susciter de la consommation. Il nous faut trouver nos créneaux à nous.

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Mario Eliezer-Vanerot, éleveur guadeloupéen
Mario Eliezer-Vanerot, éleveur membre de la COOPORG
Mario Eliezer-Vanerot, éleveur engagé

Située à Sainte-Marie à Morne-à-l’Eau, l’exploitation de Mario mêle culture de la canne à sucre depuis 2003 et élevage de poulets de chair depuis 2005. D’abord activité irrégulière, Mario a véritablement structuré son élevage de poulets depuis son adhésion à la COOPORG, en 2019. 

Selon lui, la filière va rapidement faire face à une demande accrue : « On sent qu’une prise de conscience globale s’est faite autour de la santé par l’alimentation. Produire local et manger local sont une garantie de cercle vertueux, qui créé de l’emploi, sécurise la qualité et la traçabilité des aliments et favorise une plus grande autonomie alimentaire. Nos poulets locaux sont frais, très savoureux et contrôlés. »

Grâce à l’encadrement et le suivi de la coopérative ainsi que l’accompagnement de l’Iguavie, Mario projette de construire un 2e bâtiment pour augmenter sa production, tout en respectant ses critères de qualité : des poulets heureux, bénéficiant de beaux espaces et qui voient le soleil !