Les Anglais, le publicitaire et les Rhumiers

Pour contrer les restrictions qui s’opèrent dans la course au large Outre-Manche, des visionnaires tricolores décident de créer leur propre transatlantique, ouverte à tous. Le publicitaire parisien Michel Etevenon paraphe un accord avec les rhumiers guadeloupéens pour lancer, en 1978, la première édition de la Route du Rhum.

« Pour emmerder les Anglais » . Si la formule, entrée dans la légende et teintée de chauvinisme, apparaît quelque peu triviale, elle résume (presque) à elle seule l’origine de la Route du Rhum.

Début des années 1970, la Transat anglaise, qui relie les ports de Plymouth (Royaume-Uni) à Newport (États-Unis), tous les quatre ans, s’affiche comme la plus glorieuse des courses au large. Oui, mais voilà. En 1976, Éric Tabarly l’emporte sur son voilier Pen Duick VI de 73 pieds (22 m), alors qu’Alain Colas pointe en 5e position à la barre de Club Méditerranée, un monocoque à rallonge de 236 pieds (72 m) ! L’organisateur, le Royal Western Yacht Club, décide alors de limiter la taille des bateaux pour – officiellement – freiner la course à l’armement. Une décision controversée qui incite les Français à réagir.

Le timing est parfait. Quelques mois plus tôt, Bernard Hass, alors secrétaire général du Syndicat des producteurs de sucre et du rhum des Antilles, chargé de dénicher de nouveaux moyens pour promouvoir la production de l’île, déjeune à Paris avec son vieil ami Florent de Kersauson (le frère du skipper Olivier). Les deux hommes évoquent la création d’une course en solitaire, sans restrictions, partant de l’Hexagone à l’automne pour retrouver la chaleur de l’autre côté de l’Atlantique. Le projet se concrétise finalement grâce à un publicitaire parisien et homme de spectacle, Michel Etevenon, qui accepte d’activer son réseau. Les rhumiers de Guadeloupe, eux, réagissent plus vite que leurs voisins martiniquais et s’adjugent l’arrivée à Pointe-à-Pitre.

« Nos amis anglais sont les bienvenus »

Michel Etevenon

La Route du Rhum en 10 chiffres

Un joli coup de projecteur pour l’archipel, qui panse encore ses plaies après la violente éruption de la Soufrière en 1976. Etevenon peut officiellement annoncer la naissance de la Route du Rhum, première du nom, le 25 mai 1977, lors d’une conférence de presse. L’événement est planifié pour novembre 1978, au départ de Saint-Malo, et se tiendra tous les quatre ans, comme les Jeux olympiques ou la Coupe du monde de football. Et son fondateur de déclarer alors : « Nos amis anglais sont les bienvenus ». Un soupçon d’ironie qui n’ira pas jusqu’à ternir l’Entente cordiale entre les deux pays, preuve en est l’adoubement d’une certaine Ellen MacArthur quelques années plus tard, sur la désormais plus mythique des transatlantiques.

6 classes

  • Ultim 32/23 : Ces maxi-trimarans volants mesurent entre 23 et 32 mètres. C’est LA catégorie reine. 8 au départ.
  • Imoca : Monocoques de 60 pieds (18,28 m), qui participent également au Vendée Globe. 37 au départ.
  • Ocean Fifty : Ex-Multi50, cette classe rassemble les multicoques de 50 pieds (15 m), des prototypes qui ne cessent de se développer. 8 au départ.
  • Class40 : Les monocoques mesurent 40 pieds (12,18 m). Cette classe rassemble des amateurs expérimentés et des professionnels. 55 au départ.
  • Rhum Multi : Multicoques de moins de 64 pieds (19,50 m) ne pouvant entrer dans aucune classe définie ci-dessus. 16 au départ.
  • Rhum Mono : Monocoques d’une longueur supérieure ou égale à 39 pieds (11,88 m) et ne pouvant entrer dans aucune autre classe. On y retrouve la plupart des amateurs. 14 au départ.

138 participants

Record de participation pour cette 12e édition avec 138 inscrits. Parmi eux, on retrouve 7 femmes, soit 5 % des engagés.

15 nationalités

Si la France compte 111 skippers à Saint-Malo, les navigateurs étrangers représentent 20 %
des inscrits : Royaume-Uni (4), Suisse (4), Italie (4), États-Unis (3), Allemagne (2), Belgique
(2), Afrique du Sud (1), Japon (1), Chine (1), Nouvelle-Zélande (1), Australie (1), Croatie (1),
Israël (1), Hongrois (1).

44 moyenne d’âge

La moyenne d’âge est de 44 ans. Le plus jeune skipper se nomme Martin Louchart (Class40, Randstad/Ausy), il a 20 ans. Le doyen, André Laumet (Rhum Mono, Léa), compte 69 printemps.

61 Bizuths

Alors que Francis Joyon (Idec Sport), 66 ans, détient le record avec 7 participations au Rhum (8 cette année), 61 skippers s’apprêtent à vivre leur baptême du feu sur la mythique transatlantique.

2.4 frais d’inscription

En millions, c’est le montant total perçu par l’organisateur OC Sports Pen Duick, grâce aux frais d’inscription dont chaque skipper doit s’acquitter. Ultim : 80 000 € HT (x8) Imoca : 25 000 € HT (x37) Ocean Fifty : 15 000 € HT (x8) Class40 : 10 000 € HT (x55) Rhum Multi : 6 600 € HT (x16) Rhum Mono: 6 600 € HT (x14).

64 000 Prime au 1er Ultim

C’est le montant en euros que remportera le premier Ultim, certainement le vainqueur au scratch. Explications : pour chaque classe ou catégorie, 20% des droits d’inscription encaissés par OC SPORT Pen Duick leur sont reversés. La répartition de cette dotation, en primes, reste ensuite à la discrétion de chaque classe. Pour les vainqueurs – Ultim : 64 000 € ; Imoca : 45 000 € ; Ocean Fifty : 8 000 € ; Class40 : entre 15 et 18 000 € ; Rhum Multi : 8 448 € ; Rhum Mono : 7 392 €.

3 333 Bouée de Basse-Terre

Un prix spécial de 3 333 euros sera attribué pour chacune des classes/catégories (soit 20 000 euros remis par la CCI-IG), au bateau ayant réalisé le meilleur temps de sa classe entre la bouée de Basse-Terre et la ligne d’arrivée à Pointe-à-Pitre.

7 Le record

Le vainqueur de l’édition précédente, Francis Joyon (Idec Sport), détient le record de la traversée en 7 jours, 14 heures, 21 minutes et 47 secondes, entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre.

12 Ultims

En millions, le coût de construction moyen des nouveaux mastodontes de la classe Ultim. Une somme à laquelle il faut aussi ajouter un budget de fonctionnement d’environ 5 millions d’euros.

Au moment où nous mettions sous presse, nous ne connaissions pas encore l’identité du skipper privé de départ.