Une agriculture peut-elle se développer et prospérer malgré de très faibles ressources en eau ? C’est possible avec l’hydroponie. Une experte nous répond.

Texte Axelle Dorville

Pour cultiver des plantes maraîchères de manière traditionnelle, il faut un sol riche, de la lumière et de l’eau. Quid des territoires pauvres en ressources en eau ? Dans quelle mesure, l’hydroponie peut-elle être une alternative ? Nous avons interrogé une ingénieure agronome spécialisée en aquaculture et en hydroponie, Alizé Cuny, installée à Steenbecque, près de Lille. « L’hydroponie est simplement un système de culture hors-sol. Les plantes sont placées dans un substrat et leurs racines baignent dans une eau enrichie en nutriments », explique celle qui a également créé sa propre micro-ferme, Naïa. Dans ce système en circuit fermé, « l’eau circule à plusieurs reprises avec un apport en eau neuve limité », ce qui en fait une alternative à première vue intéressante pour les espaces et territoires où la ressource en eau se fait rare. Nul doute que des pays comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite aient développé cette technique à grande échelle.

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De très bons rendements grâce à l’hydroponie

Mieux qu’une simple alternative à l’agriculture conven-tionnelle, l’hydroponie permet, avec une quantité d’eau moindre, d’obtenir de très bons rendements. « On observe une économie de 80 % d’eau par rapport à un système classique de maraîchage », précise ainsi l’ingénieure agronome. Une réserve en eau est cependant indispensable au fonctionnement de ce système, qu’elle soit stockée dans un silo ou issue d’un forage. « Dans un système en hydroponie, la disponibilité des éléments minéraux sous forme soluble facilite la nutrition des végétaux ; contrairement aux cultures en pleine terre dans lesquelles les racines des végétaux doivent aller chercher les nutriments dans le sol », poursuit Alizé Cuny. Mais ce n’est pas tout : les systèmes en hydroponie étant réalisés sous serre et en l’absence de sol/terre, les plantations sont largement moins victimes de l’attaque de ravageurs tels que les champignons, les chenilles ou les aleurodes.

Des silos réservoirs d’eau

Pouvoir produire des tomates, salades, aromates, melons, concombres et pastèques relativement rapidement, grâce à l’hydroponie, demande un investissement conséquent. « Le coût d’une station de ferti-irrigation, qui va piloter toutes les vannes du système et assurer l’irrigation par goutte-à-goutte, s’élève de 15 000 € à 500 000 € », analyse la spécialiste. Pour la mise en place d’un projet complet productif, incluant notamment des serres hautes permettant l’évacuation de la chaleur vers le haut, un réservoir d’eau et des panneaux solaires pour compenser l’utilisation d’électricité, il faut compter près d’1 million d’euros. « Les systèmes en hydroponie sont moins avantageux en termes d’investissement, mais rapidement rentabilisés du fait des rendements élevés », poursuit-elle. Sur la parcelle de 4 500 m2 de la Val d’Endorre Farm aux Seychelles, qu’Alizé Cuny accompagne à distance, les producteurs écoulent deux à trois tonnes de tomates par semaine ! Un exemple inspirant pour Saint-Martin où la ressource en eau est principalement issue du dessalement d’eau de mer ? Pour l’experte, « tout dépend du débit de dessalement permettant d’alimenter les silos de rétention d’eau », pierre angulaire d’un projet hydroponique de grande envergure.

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De meilleures conditions de travail
Les cultures en système de gouttière étant par ailleurs placées en hauteur, la station debout des cultivateurs réduit les troubles musculo-squelettiques, contribuant ainsi à de meilleurs rendements.