Avocate hyperactive, Sandrine Jabouley-Delahaye s’est forgée une destinée. Pour elle, Saint-Martin n’est pas ce que l’on voit, mais ce que l’on ressent. Elle veut le faire entendre jusqu’à Paris.

Texte Ann Bouard – Photo Thomas Proust 

Le parcours de Sandrine Jabouley-Delahaye

Sandrine a 23 ans lorsqu’elle prend un avion long-courrier pour la première fois, destination Saint-Martin. Sur le tarmac de Juliana, une petite voix lui murmure « Welcome Home ». Elle y reviendra chaque année pour les vacances jusqu’au jour où, sur un coup de tête, elle annonce à son patron qu’elle démissionne pour partir y vivre. Elle pose ces valises, enceinte, le 17 janvier 1997.

Du barreau de Lyon où elle est avocate spécialisée dans le droit du travail et de la sécurité sociale, elle intègre celui de Guadeloupe, à une échelle alors plus humaine et s’y fait vite une place. Pour Sandrine, les couleurs ici ne sont pas celles des continents et aujourd’hui encore elle continue à s’émerveiller chaque jour. La mer l’apaise et la ressource. À tel point que rien ne peut déroger à sa matinée du dimanche où elle cuisine… face à la mer ! Elle comprend vite que chaque île est différente ; elle apprend et s’adapte selon la culture, la philosophie de vie et la manière de penser de son interlocuteur. Elle se fait sa clientèle sur l’île, à Saint-Barthélemy, en Guadeloupe… mais Irma va marquer un tournant. 

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Un confetti 

Elle s’aperçoit que vu de Paris ce petit confetti au milieu de l’océan n’est que peu considéré. Et cela la met en colère. Elle réfléchit aux solutions, se fixe des objectifs précis. Extrêmement timide, elle se met dans une bulle pour faire abstraction de l’auditoire et réussit la métamorphose pour s’investir corps et âme dans la défense du territoire, pour que les spécificités de Saint-Martin soient reconnues. Il faut dire que dans les sphères politiques, on l’écoute car elle ne mâche pas ses mots. Sandrine est intelligente et sait que seule elle ne peut y arriver. Elle s’appuie sur de solides soutiens, lie des amitiés sincères, fait du lobbying et met tout en œuvre pour sauver entreprises et emplois. Elle apprend comment rédiger un amendement, à donner un avis sur une loi, négocie les couvertures sociales, se bat pour le financement du CESP (le Contrat d’engagement de service public), se prend la tête avec le premier ministre de l’époque… mais Maître Jabouley ne lâche rien. Elle obtient du gouvernement des avancées pour l’île. Les autorités locales la soutiennent.

Sandrine Jabouley-Delahaye : une femme à mission 

En 2018, Angèle Dormoy lui demande d’être conseillère technique pour la CCISM pour informer les chefs d’entreprises. La même année, elle est désignée comme personne qualifiée par le Ministère de l’outre-mer pour le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC). Se battre pour défendre le tissu économique Saint-Martin est devenu sa vie. La crise Covid n’aura fait que confirmer son engagement, elle met à jour les documentations, anime le guichet unique, fait des études, propose des solutions, car elle estime que le rôle de l’avocate ne s’arrête pas au tribunal. Elle poursuit une mission, défaire les idées reçues et démontrer qu’il y a ici des techniciens et des compétences, que « l’île peut devenir un territoire pilote ». Parole d’une immigrée apatride, éperdument saint-martinoise, qui dit avoir une certitude : « c’est ici que je finirai ma vie ».

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