L’objectif de 100 % d’autonomie énergétique est fixé depuis 2015. Qu’est-ce qui est mis en place, qui en est responsable ? Comment la Martinique développe-t-elle son indépendance énergétique ? 

Texte Yva Gelin

Depuis la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte publiée en 2015, les zones non-interconnectés (ZNI) ont pour objectif d’atteindre l’autonomie énergétique pour 2030. À chaque territoire ses atouts et ses spécificités, la Guadeloupe mise sur la géothermie, la Réunion sur l’hydraulique… Comment, en Martinique, avons-nous prévu d’atteindre le 100 % d’autonomie énergétique pour 2030 ? Réponse à cinq questions pour comprendre simplement cet objectif, les enjeux, les acteurs, et problématiques qui y sont liés.

L’autonomie énergétique, c’est quoi ?

D’ici 2030, La Martinique devrait donc être capable de ne compter que sur ses propres ressources pour sa production d’énergie. Mais de quelle énergie parle-t-on ? À ce jour, les ressources énergétiques comprennent les produits pétroliers importés, ainsi que les productions d’énergies renouvelables comprenant bagasse, soleil, vent, déchets ménagers… en local et importées. En Martinique, ces énergies servent en grande majorité pour deux secteurs : le transport à 46,4 % (transport routier 30,2 %, aérien 10,5 % et maritime 5,7 %) et l’électricité à 45,7 %. Tout l’enjeu de la démarche d’autonomie énergétique est de continuer à alimenter ces secteurs avec des énergies propres qui permettraient à la fois de répondre au défi d’autonomie et à celui de développement durable.

Qui sont les principaux acteurs impliqués ? 

Le chef de fil de la transition énergétique est la Collectivité territoriale de Martinique. « Notre responsabilité », explique David Zobda, conseiller exécutif, « est de construire l’orientation, la vision stratégique des énergies renouvelables dans l’idée d’une mutation du mix énergétique » avec l’État et ses instances présentes sur le territoire que sont l’Ademe et la DEAL. Cette ligne directrice est formulée dans la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). L’Ademe et la DEAL font des études de terrain, tout en étant les portes d’entrée pour les porteurs de projets. « À la DEAL, en comparaison à l’Ademe », précise Sylvia Ettenat, chargée de mission énergie climat à la DEAL, « notre rôle est de faire appliquer la réglementation ».

Concernant les financements, une part importante est prise en charge par l’AFD. L’autre est traitée par le Programme territorial pour la maîtrise de l’énergie (PTME) et les fonds européens. Électricité de France (EDF) et  le Syndicat mixte d’électricité de Martinique, propriétaires du réseau, prennent en charge le raccordement des énergies renouvelables au réseau actuel tout en s’occupant de le moderniser. Enfin, un acteur moins connu est la Commission de régulation d’énergie (CRE) qui a en charge la coordination des moyens de production de l’énergie. Autrement dit, comme le précise Johan Villeronce, directeur de cabinet du SMEM, « c’est par cette commission que sont validés les financements des grands projets de production d’électricité à partir d’ENR. C’est également ce même acteur qui fixe le prix de l’énergie ».

Lire Aussi | Sargasse Project : « Il faut y aller franchement »

Comment est définie la stratégie pour atteindre l’autonomie énergétique ?

La Stratégie globale est énoncée dans la PPE qui est revue tous les 5 ans. Ce document est en ce moment en cours de révision afin de réajuster les objectifs pour les périodes 2024-2030 et 2029-2033. « La PPE, c’est simple, c’est la règle du jeu. C’est la base qui concentre à la fois la volonté politique d’ouvrir les énergies renouvelables sur un certain nombre de services techniques et qui définit les moyens pour soutenir les projets qui vont en ce sens. Les nouveaux projets doivent correspondre aux orientations de la PPE », précise David Zobda. Parmi les autres instances qui participent à l’élaboration d’une stratégie : le Programme territorial pour la maîtrise de l’énergie, PTME, dirigé par l’Ademe et la CTM. « En clair, il faut agir sur deux axes », poursuit David Zobda. « Le premier, c’est produire de l’énergie propre. Mais plus on consomme et plus on sera obligé de produire et nous n’arriverons jamais à 100 %. Donc l’idée est de travailler sur un deuxième axe qui est la maîtrise de la consommation d’énergie pour la stabiliser. Il faut agir sur les deux afin que la demande et la production se croisent ».

La stratégie, enfin, pour être complète doit inclure l’existant, autrement dit le réseau de distribution électrique actuel qu’il faut maintenant adapter aux nouvelles énergies. Cet aspect est développé en particulier par le SMEM et EDF dans un cahier des charges dans lequel est pensée l’organisation, sont définis les coûts et l’adaptation des projets territoriaux.

Quels sont les principaux points de réflexion pour la mise en place de plus d’énergies renouvelables ?

À chaque étape, une règle d’or doit être respectée : au sein du réseau de distribution électrique, « la production en électricité doit être strictement égale à la demande, à tout moment. Une contrainte qui a une incidence énorme sur les nouveaux modes de production envisagés, car bien souvent les énergies renouvelables ne produisent pas en continu et nécessitent des batteries de stockage », explique Johan Villeronce. Aussi, il faut que le coût d’un projet soit rentable par rapport au coût de l’énergie, qui est défini par la CRE. D’autre part, « le réseau actuel doit être rendu compatible avec toutes les technologies qu’on envisage pour 2030. Il faut le moderniser en intégrant par exemple les unités de stockage, ou encore avec la mise en place d’un réseau intelligent pour éviter le gaspillage d’énergie. Cela revient à 15 années de travaux, car il faut prendre en compte qu’on ne peut pas arrêter le réseau », poursuit Johan Villeronce.

Lire Aussi | Électricité décarbonée en Guadeloupe : point sur la transition énergétique

Et donc, en 2030, serons-nous autonomes ?

La Martinique, en comparaison aux autres ZNI, ne dispose pas d’un potentiel d’EnR leader. Ainsi, la solution énoncée à l’unanimité par les différents acteurs est de faire un peu tout. Pour Gaelle Le Cleac’h, directrice adjointe de l’AFD « Il faudrait pousser le curseur au maximum dans toutes les options d’énergie renouvelables ». La Martinique dispose d’un potentiel pour l’éolien sur terre comme en mer, le photovoltaïque, mais aussi la géothermie, qui utilise la chaleur des sols. Trois sites en Martinique seraient propices à cette énergie qui a, elle, l’avantage de produire en continu. Cette option est à l’étude et nécessite des forages qui confirmeraient ou non les potentiels décelés.

La PPE établie pour 2018-2023 prévoyait d’atteindre 55,6 % d’énergies renouvelables dans le mix-énergétique. Arrivé à échéance de cette date, l’objectif n’a pas été atteint et la Martinique est à 25,4 % d’EnR dans son mix énergétique. Cependant, notre point fort comme l’indique Sylvia Ettenat, est « de bénéficier d’une bonne coopération au sein du PTME ». De plus, pour David Zobda, « il faut être ambitieux. Nous intégrons la population à la révision de la PPE pour plus de consensus mais il faut aussi être conscient qu’il n’y a pas de solution écologique parfaite. Il y a en revanche l’urgence de la situation et le choix que l’on veut faire aujourd’hui doit être pensé en fonction de l’objectif suprême qui est de changer nos sources d’énergies pour qu’elles soient plus durables. Je suis très optimiste ». 

Lire Aussi | L’ARB-IG souhaite sauvegarder la diversité du vivant

autonomie énergétique
Réseau public de distribution électrique
Rdv PPE
La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie est en cours de révision. Chaque citoyen peut se mobiliser et donner son avis. Prochain RDV public : du 6 au 8 juin à l’hôtel de l’assemblée de la CTM et à la préfecture pour la deuxième vague d’ateliers.

Le cadastre solaire est un outil public proposé par la DEAL grâce auquel il est possible d’évaluer le potentiel concret de réalisation d’un projet photovoltaïque par rapport aux toitures existantes.
https://cadastre-solaire-martinique.siterre.fr/