L’histoire nous mène entre mer et montagne. Grand’Rivière, la résiliente, nous charrie sur les traces d’une tradition millénaire : le bwa flo. Muriel Salpetrier, président de l’association Culture et Patrimoine de Grand’Rivière, est notre guide.

Texte Floriane Jean-GillesPhoto Jean-Albert Coopmann

Le bwa flo

Au commencement était l’eau. « Avoir un flo était l’aboutissement d’un long processus, un rituel transmis de génération en génération », commence Muriel Salpetrier.
« Très tôt, enfants, nous étions mis au contact de l’eau, celle de la rivière, dès 6 mois, dans des petits bassins aménagés par les femmes venues faire la lessive ou lors des promenades du bord de mer au cours desquelles nous jouions dans le sable. Cette tradition de l’eau nous vient des Amérindiens. Il n’était pas rare que dès 3 ou 4 ans, les enfants demandent un flo. Le flo faisait partie du quotidien, utilisé par les pêcheurs. »

« Je veux aller à la mer »

« De la Pentecôte jusqu’en août, une plage se formait, la plage de Sinaï. Les petits regardaient les plus grands prendre les vagues sur leur flo, avec envie. Quand en décembre, la période de la pêche était interrompue, les pêcheurs remontaient vers la campagne pour défricher des parcelles de terrain. C’est à ce moment qu’ils repéraient les arbres qui serviraient à la confection des flo, le balsa. Les enfants étaient alors emmenés dans la montagne, en janvier-février, et les aînés leurs présentaient l’arbre qu’ils avaient choisis. Ils nous disaient “c’est pour toi, est-ce que tu le sens ?”. C’est à ce moment qu’on entrait dans le rituel, on allait épouser l’arbre. Chaque personne coupait son flo et se retirait dans un endroit isolé pour le préparer en secret : on enlevait l’écorce et on le laissait dégorger avant de le tailler en biseau et de le décorer à la peinture. Un flo à la coupe peut faire 15 kg et ne faire que 5 kg une fois vidé de son eau. Cette étape durait entre 2 et 3 semaines. Puis, on le nommait. Le nom était symbolique, il devait porter une charge suffisamment forte pour affronter un élément aussi puissant que la mer. La mise à l’eau avait lieu le samedi Gloria, à 11 h, les flos apparaissaient de toutes parts, on venait les aligner sur la plage en attendant le prêtre pour la bénédiction. Après la bénédiction, nous remontions les vagues sur 200 mètres avant de prendre la vague, c’était l’instant de vérité, est-ce que notre flo était à la hauteur… »

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Le bwa flo, une tradition qui peine à renaître

« En 50 ans, nous sommes passés de 2 000 à 300 habitants. Dans les années 1970-80, le BUMIDOM et le service militaire ont vidé Grand’Rivière de sa population. Et comme je le disais, le flo était affaire de transmission, de lien entre les générations, la pratique s’est donc perdue», déplore Muriel Salpetrier, avant d’ajouter : « mais imaginez une démonstration de flo, l’ancêtre du surf, lors des Jeux 2024, ce serait une consécration ! »

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