Chargé d’évaluer le potentiel des “solutions fondées sur la nature” (SfN) pour réduire les risques côtiers, le projet ADAPTOM s’est déjà penché sur dix expérimentations aux Antilles. La restitution des résultats est attendue en novembre.

Texte Sarah Balay

La situation climatique aux Antilles

Le 6e rapport du GIEC* de 2022 est formel : les Outre-mer français comptent parmi les territoires situés en première ligne des risques climatiques. Ils sont notamment plus exposés aux risques littoraux que sont l’érosion côtière, les submersions marines, les inondations et la salinisation des sols et des nappes d’eau souterraines. Pour y faire face, nous savons, depuis cinq à dix ans, que l’ingénierie lourde (murs de protection, digues, cordons d’enrochement) n’est pas une solution efficace. Pire, souvent maladaptatifs, ces ouvrages ont des effets pervers dévastateurs, comme la disparition des plages. Des solutions alternatives sont donc de plus en plus expérimentées aujourd’hui, parmi lesquelles les Solutions fondées sur la nature (SfN), qui ont pour particularité de s’appuyer  sur les écosystèmes marins et côtiers (récifs coralliens, mangroves, herbiers marins, végétation de haut de plage) pour réduire les risques.

ADAPTOM : genèse du projet

Né en 2022, le projet ADAPTOM a, justement, été mis en place pour optimiser ces expérimentations. Il répond à une forte demande exprimée en 2020, lors d’un forum organisé par le conservatoire du littoral et dédié aux Outre-Mer. « Les participants ont majoritairement indiqué vouloir utiliser ces SfN mais à condition de pouvoir bénéficier d’un retour d’expériences de l’existant, d’une mise en réseau et d’un accompagnement par des scientifiques », explique Virginie Duvat, professeur de géographie à la Rochelle Université et coordinatrice du projet ADAPTOM.

Regroupant huit à dix chercheurs issus de cinq laboratoires – dont le LIENSs (Littoral environnement et sociétés) de la Rochelle, bras armé du projet –  ADAPTOM a pour ambition d’évaluer l’ensemble des projets d’adaptation côtière fondés sur les écosystèmes qui ont été déployés dans les Outre-mer français.

ADAPTOM
ADAPTOM

« Savoir quelles conclusions collectives en tirer »

Au total, vingt-cinq expérimentations ont été recensées puis évaluées : sept en Guadeloupe, trois en Martinique, cinq à la Réunion, cinq en Polynésie et cinq en Nouvelles Calédonie.
« Ces projets ont été mis en place par des acteurs variés comme les communes, l’ONF (Office national des forêts), le conservatoire du littoral, des associations environnementales et parfois des acteurs privés », poursuit Virginie Duvat. « On y trouve des projets en cours de déploiement ou déjà achevés comme de la restauration de mangrove, de la replantation de végétation sur le haut de plage, du bouturage de corail et replantation dans le milieu naturel, etc. ».

Les chercheurs du projet ADAPTOM interviennent donc en tant qu’évaluateurs afin de donner un retour aux acteurs (voir encadré).
« C’est important qu’ils puissent connaître leurs points forts, leurs points faibles et savoir comment ils peuvent s’inspirer des performances des autres », confie la coordinatrice.
« Ces évaluations nous permettent aussi de produire une analyse des leviers et des barrières aux SfN. Notre objectif est d’aider ce collectif d’acteurs à faire le point et à progresser sur cette question de l’adaptation fondée sur les écosystèmes ».

À ce jour, l’ensemble des 25 projets a déjà été analysé. Le projet ADAPTOM entre ainsi dans une 2ème phase, celle de la restitution des résultats.

Des ateliers sur plusieurs jours, sur site et en salle, sont prévus sur chacun des territoires : les 7 et 8 novembre en Martinique, 9 et 10 en Guadeloupe.
« C’est important de prendre le temps de partager nos travaux afin de pouvoir en discuter avec les acteurs concernés, mais surtout savoir quelles conclusions collectives nous pouvons en tirer », conclut Virginie Duvat. Parallèlement, des conférences grand public seront organisées pour informer la population. Jusqu’en 2025, année de fin du projet, les équipes resteront mobilisées pour rendre compte de l’ensemble des résultats, les valoriser, notamment auprès de Paris et des ministères, et surtout continuer à produire des outils d’évaluation simplifiés pour les acteurs.

*GIEC : groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Des co-bénéfices pour l’Homme
Les (SfN) ciblant les risques côtiers sont présentées comme « une voie d’adaptation cruciale dans les îles tropicales ». Pourquoi ? « Parce que ces îles ont encore une assez forte biodiversité terrestre et marine, et leurs écosystèmes marins et côtiers rendent des services multiples à l’Homme », confie Virginie Duvat. « En protégeant ces écosystèmes (pour réduire l’érosion et la submersion), on espère ainsi générer une multitude de co-bénéfices. Par exemple, protéger une mangrove favorise son rôle de nurserie pour la reproduction des poissons : une conséquence favorable pour la pêche et pour la biodiversité avec des stocks de poissons qui se reconstituent. »

Grille d’analyse
Les 25 projets Outre-Mer sont analysés à partir de 8 grands critères d’évaluation
– Le contexte est-il favorable ?
– Quelles sont les capacités à déployer le projet ?
– Quelles sont les modalités de financement ?
– Les usagers sont-ils favorables au projet ?
– Quelle est l’efficacité du projet à réduire le risque ?
– Les études et suivis nécessaires ont-ils été/sont-ils réalisés ?
– Impacts positifs (au-delà de la réduction du risque) et négatifs ?
– Quelle contribution à l’adaptation du territoire tout entier ?