Fanny Marsot est une femme pétillante, qui, enfant, se rêvait exploratrice. Elle a choisi le journalisme pour assouvir sa curiosité de l’Autre. Métisse, elle a fait de sa double culture une richesse.

    « Sur cette photo, j’ai 6 ans. Elle a été prise au bord du Doubs, la rivière qui coule devant ma maison familiale. C’est juste avant notre « grand déménagement », comme je l’appelle, quand on a quitté la Franche-Comté pour la Martinique avec ma mère.

    A l’époque, je suis encore fille unique et je n’aime pas ça. Je n’ai jamais aimé la solitude, même si aujourd’hui j’ai su l’apprivoiser quand elle se présente. Heureusement ma sœur adorée naîtra 8 ans plus tard ! Je l’ai attendue longtemps et réclamé beaucoup, cette sœur, et depuis sa naissance je suis heureuse qu’elle soit là. Je l’admire, je l’aime de tout mon cœur.

    Le déracinement

    Peu de temps après cette photo, c’est l’arrivée en Martinique, un événement marquant pour moi. L’adaptation n’est pas facile pour la petite métisse franc-comtoise que je suis. En Franche- Comté, j’étais trop noire, j’ai subi le racisme dès la maternelle, et en débarquant en Martinique, je suis trop claire aux yeux de mes camarades à l’école.

    Et puis, je ne parlais pas créole et j’avais un accent franc-comtois à couper au couteau, ce qui n’aidait pas vraiment ! Mes cousins se sont longtemps moqués de moi, même plus tard quand ils m’ont appris à danser le zouk. A l’époque c’était la mode de « la chaise », et je ne comprenais pas comment danser quasiment accroupie (rires) !

    Quand je rentrais chaque année en Franche-Comté, pour rendre visite à ma famille paternelle, certains cousins me faisaient comprendre que je n’étais plus à ma place, avec mon nouvel accent martiniquais. J’ai gardé longtemps cette impression d’être exclue de toute part, de devoir exister doublement. Ça m’a forgé une identité que j’ai fini par trouver riche. »

    Mon métissage, ma richesse

    « Je suis fière aujourd’hui d’avoir su concilier mes deux cultures, et d’être ouverte à toutes les autres cultures du monde. Je suis comme un caméléon, et ça m’aide dans mon travail, dans mes rencontres. Je considère aujourd’hui mon métissage comme une chance. Je tâche de transmettre cette richesse à mon fils de 7 ans. Lui aussi a été déraciné quand nous avons déménagé à Paris pour ma prise de poste à Europe 1, il y a trois ans. Le passage de la plage au bitume n’a pas été facile pour lui, et nous lui insufflons notre culture martiniquaise au quotidien, pour qu’il connaisse ses racines. »

    La soif d’aventure

    « Je suis journaliste depuis 10 ans, mais petite je me projetais archéologue, ou aventurière, comme Sydney Fox, l’héroïne de la série, qui parcourait le monde à la recherche de trésors perdus… Je voulais découvrir le monde moi aussi ! C’est à l’âge de 9 ans que j’ai décidé que je serais journaliste.

    Ce désir provient de la même envie de voyager, d’aller à la rencontre d’autres cultures, de vivre des aventures. Pourtant à l’époque, j’étais encore un peu dans ma coquille. C’est au lycée qu’enfin j’ai réussi à m’exprimer, et me révéler sociable, enjouée. Je suis même devenue reine du lycée ! Pendant mes études, je rêvais de travailler pour le magazine National Geographic… stage que je n’ai jamais obtenu, c’est un de mes regrets.

    Je me suis orientée un peu par hasard vers la radio, et ma première rencontre avec le micro a été révélatrice, j’ai adoré ça ! J’ai ensuite alterné entre radio et télévision, à Paris et en Martinique, jusqu’à présenter aujourd’hui les journaux de la matinale d’Europe 1. En parallèle, je prépare un documentaire sur les origines de ma famille, je travaille aussi sur la biographie de ma maman. Je ne veux pas perdre le fil de mes deux histoires. Elles m’ont construite. »


    Retrouvez cet article dans le hors-série Portraits Martinique n°2, édition 2024.