Chaque mois, la rédaction se penche sur des métiers exercés avec passion, des carrières d’ultramarins susceptibles d’inspirer et d’encourager les nouvelles générations. Retour express sur une carrière conçue sur le registre de la singularité, celle de la guadeloupéenne Claire Tancons, directrice artistique de la nuit blanche 2024 de Paris. 

Texte Alix Delmas 

Mon intérêt est né pour les formes collectives de défilés pour lesquels j’ai compris, indépendamment de leur objet carnaval, que le défilé en soi était un médium notamment pour des artistes venant de traditions où ces cultures demeurent vivaces .

Claire Tancons, directrice artistique de la nuit blanche 2024 de Paris

Qui est Claire Tancons ?

À l’âge de 17 ans, après l’obtention de son baccalauréat au lycée Baimbridge, Claire Tancons quitte la Guadeloupe pour Paris. Diplômée de l’école du Louvre, puis du Courtauld Institute of Art de Londres, elle suit le programme d’études curatoriales du Whitney Museum of American Art de New-York. Elle débute sa vie professionnelle par un « fellowship » au Walker Art Center qui « lui ouvre les yeux sur l’art performance », nous confie-t-elle. Elle travaille ensuite à la galerie Paula Cooper puis est invitée à devenir la première curatrice professionnelle en résidence du CCA7 (Caribbean Contemporary Art Center) de Trinidad, lieu notamment connu pour être le premier studio de Peter Doig et Che Lovelace. 

Naissance d’une pratique à Trinidad 

Trinidad devient alors le lieu où se fonde sa pratique curatoriale autour de la performance processionnelle. « Mon intérêt est né pour les formes collectives de défilés pour lesquels j’ai compris indépendamment de leur objet carnaval que le défilé en soi était un médium notamment pour des artistes venant de traditions où ces cultures demeurent vivaces » nous explique-t-elle.  Dès lors, elle se demande si le lien entre le carnaval et la création artistique contemporaine qui existe à Trinidad existe aussi dans les autres îles de la Caraïbe. Elle rayonne alors sur le bassin entre 2004 et 2007 à la faveur de bourses américaines et françaises qu’elle obtient pour ses recherches. Cette initiative personnelle d’étude nourrie par une conscience historique caribéenne lui permet de se forger une vision unique et une pratique qui lui est propre. 

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Claire Tancons, une reconnaissance internationale 

De plus en plus sollicitée, elle l’est, non pas parce qu’elle travaille pour telle ou telle institution, mais pour ce qu’elle porte et ce qu’elle fait. Son indépendance d’esprit, l’originalité de ses propositions la propulse à peine âgée de 30 ans comme curatrice associée de la biennale de la Nouvelle-Orléans, « Prospect 1 ». Okwui Enwezor, critique d’art, poète, commissaire d’exposition connu comme l’une des grandes figures de l’art contemporain, aujourd’hui disparu, saisit l’intérêt de son travail et l’invite à devenir l’une des curatrices juniors de la biennale de Gwangju en Corée du sud. Il est le premier à accepter le principe d’une exposition en mouvement qui serait donc une performance processionnelle. Elle réalise le projet « Spring », référence au printemps, saison propice à la naissance des mouvements de soulèvements populaires qui font écho aux événements de mai 80 de Gwangju. C’est un succès critique et populaire. Un souvenir d’une grande beauté pour la jeune guadeloupéenne.    

Berlin – Paris – La suite  

Claire Tancons a vécu pendant 18 ans aux États-Unis (dont 11 ans à la Nouvelle-Orléans) et de par le monde pour les nombreuses biennales internationales d’art contemporain pour lesquelles elle travaillait (la dernière, en 2019, est celle de Sharjah aux Émirats arabes unis). Elle se rapproche ensuite de l’Europe, d’abord Berlin, où son fils naît, puis aujourd’hui Paris.  Directrice artistique de l’édition 2024 de la Nuit blanche qui se tiendra du 1er au 2 juin sous le signe de la création contemporaine ultramarine, il est fort à parier que les propositions de la jeune guadeloupéenne happeront les esprits et les corps.

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