Face à une désaffection croissante entre le politique et les citoyens, le Collège citoyen de France façonne la prochaine génération de leaders engagés.
Un voyage passionnant dans une formation où l’engagement citoyen prend vie.

Texte Alyssa Thibault

Qu’est-ce que le Collège citoyen de France ?

Comment peser dans les politiques publiques si on n’est pas issu de la haute fonction publique ? C’est la question que s’est posée Julien Neutres, un des initiateurs et co-fondateur du Collège citoyen de France, dont le parcours explique l’avènement de cette formation. Pour avoir une réponse, retour à la case départ, à savoir l’ENA : l’Ecole Nationale d’Administration ou la rampe d’accès à la fonction publique. Issu du monde de l’entreprise et de la recherche, Julien Neutres y est entré en 3ème concours, dont le but est justement d’ouvrir l’accès à l’encadrement supérieur de l’État à des professionnels provenant d’autres horizons que ceux du public. Une fois admis, il constate les limites à l’expression d’autres parcours et points de vue. Il décrit un monde où, lorsque que l’on est pas dans la norme, « on ne vous déroule pas le tapis rouge et surtout on ne va pas vous aider à vous intégrer. ». Pourtant, il en est persuadé, à l’extérieur de cette « norme » se trouvent beaucoup de talents et de parcours complètement légitimes pour intervenir dans les politiques publiques : la société civile. Soucieux de s’engager, il déclare : « Dès l’ENA, j’ai rêvé d’une autre école » : une école plus ouverte à tous les talents et tous les parcours.

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Le monde d’après 

La crise Covid a été un tournant. Elle a relié de manière quotidienne et intime les pouvoirs publics et les citoyens. Stimulant l’émergence d’un foisonnement de solutions locales, d’associations et et l’engagement de personnalités. A partir de quoi est né le « monde d’après » tel que le décrit Julien Neutres, un monde où des personnalités souhaitent s’engager mais n’ont pas toutes les clés. Et c’est face à ce constat qu’avec Thierry Cotillard, président du groupe Intermarché, l’entrepreneur Marc Berrebi ou encore l’artiste JR, ils ont proposé la réponse la réponse du collège citoyen. Une réponse très concrète puisqu’ « il s’agit d’identifier sur le terrain ceux qui font déjà beaucoup pour les politiques publiques dans l’intérêt général. […] des personnalités qui ont des solutions, les mettent en oeuvre sur le terrain, et qui ont fait la preuve qu’ils savent résoudre des problèmes. ». Le rôle de la formation du College Citoyen sera alors d’enrichir leur expertise de terrain par d’autres approches et d’autres réseaux qui leur permettront de porter leurs envies de transformation des politiques publiques à un niveau supérieur. Que ça soit en les préparant à l’intégration de la haute fonction publique ou à se présenter à une élection, forme plus intense d’engagement. “On est convaincus que ces experts, ceux qui transforment déjà localement les politiques publiques, c’est eux qui ont la clé pour les transformer nationalement et faire avancer notre système de politiques publiques. », assure Julien Neutres.

Un cursus 360° au sein du Collège citoyen de France

Pour ce faire, une formation sur mesure leur est proposée. Le mot d’ordre? Diversité. Avec des cours allant de la sécurité civile à la diplomatie, en passant par des fondamentaux tels que les enjeux budgétaires et juridiques ou encore comment faire campagne, ils sont confrontés à un large panel d’approches et de points de vue tout au long de ce cursus en ligne et gratuit, compatible avec la vie professionnelle de chacun. Sur ces 4 mois de formation, les élèves ont également l’occasion de se réunir deux fois lors de bootcamps. 3 jours particulièrement précieux puisque c’est l’occasion pour eux d’échanger et de travailler sur leurs projets respectifs tout en s’enrichissant les uns les autres. Ainsi, dès la sélection des élèves, les 10 co-fondateurs veillent à sélectionner des profils différents, issus de générations et régions différentes pour, à long terme, peser sur toutes les politiques publiques. On retrouve également cette diversité au sein des intervenants : hommes et femmes politiques, experts, sociologues, agriculteurs… « Au collège citoyen, vous rencontrez des gens que vous n’auriez jamais rencontré ailleurs », affirme Julien Neutres.

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10 points de vue

La source de cette diversité n’est autre que ceux qui sont à l’origine de ce projet : 10 co-fondateurs issus de secteurs distincts mais complémentaires, à l’image de leurs élèves et de toute la dynamique du collège citoyen. Certains viennent de l’associatif, comme Léa Moukanas, présidente de l’association Aïda, ou encore Dominique Versini, ancienne associative devenue ministre sous Jacques Chirac, d’autres de la fonction publique, comme Maryline Gygax, première femme générale en chef de l’armée française…tous rassemblés pour construire un projet solide car fruit de 10 points de vue très différents et complémentaires. « C’est ce qu’on inculque à nos élèves. », explique Julien Neutres. Ainsi, les élèves du collège citoyen détiennent, après cette formation, un projet solide et toutes les clés pour le porter le plus loin possible dans la haute fonction publique.

1ère ultramarine

Raphaëlle Rinaldo, directrice de la Sepanguy (Société d’Étude et de Protection de la Nature en GUYane), est la première candidate des territoires ultra-marins à avoir intégré la formation. Citoyenne engagée dans divers domaines, elle a monté une association visant à accompagner les artistes locaux dans la promotion de leur art ou encore co-fondé une coopérative agricole qui s’occupe de la petite agriculture ouvrière. Forte de nombreuses expériences de terrain, elle a acquis une vision globale, l’amenant au constat suivant : « structurellement, les politiques publiques françaises ne sont pas adaptées aux réalités de nos territoires », déclare-t-elle. Le collège citoyen, qui permet de comprendre les politiques publiques à 360°, était alors pour elle un moyen d’obtenir des réponses à la problématique avec laquelle elle a candidaté, à savoir des réponses. Sa candidature reposait sur la problématique suivante : « Comment est-ce qu’un territoire peut-il se développer de manière endogène tout en restant dans la République ? ».

Avec une compréhension beaucoup plus claire du système de politiques publiques, se présenter à une élection est désormais « quelque chose qui m’a l’air de l’ordre du possible », affirme-t-elle. Une expérience enrichissante en terme de réseau, qui lui a également permis de préciser son projet d’organisation d’une convention citoyenne autour d’une évolution  statutaire en Guyane. Elle espère désormais pouvoir encourager “d’autres ultramarins à suivre cette formation”. Pour quiconque nourrit un projet de politique publique et souhaite s’engager, l’appel à candidature pour la quatrième promotion du collège citoyen est ouvert jusqu’au 19 novembre 2023. Parce que « changer le monde, ça s’apprend ! »

Jusqu’à l’Assemblée Nationale 

Nora Viviani, infirmière et élève de la première promotion du collège citoyen, a concrétisé son projet de salles de soins pour les soignants dans les hôpitaux suite à cette expérience, qui l’a également transformée dans sa réflexion et l’a amenée à entrer en politique : elle est aujourd’hui députée suppléante à l’assemblée Nationale.