Lors de son escale guyanaise en juillet, l’expédition Plastic Odyssey a formé des acteurs locaux désireux de s’impliquer dans le recyclage local des déchets plastiques. Parmi eux, l’association Ocean Science & Logistic (OSL) soutient un projet ambitieux de valorisation des filets de pêche.

Texte Adeline Louault

À chaque escale, le navire Plastic Odyssey propose un « On Board Laboratory », soit un programme d’accompagnement aux entrepreneurs et porteurs de projet autour du recyclage plastique. Une formation sur leurs outils est également incluse dans la session de 3 jours. « L’idée est de planter une graine localement. Nos machines, peu chères – quelques milliers à dizaines de milliers d’euros – sont très simples à fabriquer. (…) Notre objectif est de démocratiser les solutions de recyclage avec des process simples, peu coûteux et facilement reproductibles », expose Simon Bernard, diplômé de l’École nationale supérieure maritime et cofondateur du projet Plastic Odyssey. En Guyane, l’enjeu est de taille car le système de gestion des déchets plastiques se réduit au tri et au conditionnement de certains produits recyclables (bouteilles, bouchons, flacons et bidons) avant leur exportation vers l’Hexagone. Les initiatives de recyclage local sont encore rares malgré un réel besoin.

Arrivée du navire en Guyane, en juin 2023. ©Plastic Odyssey
Arrivée du navire en Guyane, en juin 2023. ©Plastic Odyssey

95 % de déchets plastiques

Anaïs Buffard, chargée de projet au sein d’OSL, association guyanaise dédiée à la préservation des milieux marins et fluviaux, et ses collègues ont participé à la « formation » dispensée sur le navire. OSL a découvert, lors des diagnostics effectués sur le littoral et le fleuve Maroni, que 95 % des déchets échoués étaient plastiques. Parmi eux, 28 % proviennent de l’activité pêche. « Les Affaires Maritimes saisissent 150 à 200 km de filets chaque année », rapporte Anaïs Buffard. « Ils sont stockés mais ne servent à rien. Notre ambition est de les valoriser et d’en faire, entre autres, des flotteurs pour remplacer les bouées actuelles en polystyrène ». Un objectif qui s’inscrit dans « Mo Péyi Prop’ », un plan de réduction et de valorisation des déchets marins, porté par OSL en partenariat avec Fishingcleaner, entreprise guyanaise agissant pour la réduction des impacts de la pêche professionnelle sur l’environnement.

Simon Bernard (Plastic Odyssey), Anaïs Buffard (OSL)
Simon Bernard, co-fondateur de Plastic Odyssey et Anaïs Buffard, chargée de projet de OSL, lors des premières expérimentations de recyclage ©Plastic Odyssey

Des essais de transformation à bord du navire-laboratoire

« La formation Plastic Odyssey a été une expérience riche avec des apports techniques intéressants, la rencontre d’autres acteurs et des essais qui nous ont permis d’améliorer notre futur process ». Échantillonnés, lavés, et découpés, les morceaux de filets ont subi les premiers tests de transformation à bord du navire laboratoire. C’était la première fois qu’un tel matériau plastique était traité par l’équipe de Plastic Odyssey. « Le scanner a permis de déterminer la composition précise des filets. La broyeuse s’est avérée inefficace mais l’extrudeuse, après le mélange de fragments de filets avec du polyéthylène, est parvenue à créer une planche solide, lisse et compacte. » Une avancée considérable pour OSL qui sait maintenant vers quelles machines se tourner pour mener son projet. La prochaine étape va consister à dimensionner les futurs équipements qu’il faudra acquérir et, pour certains éléments, fabriquer localement.

Découpe des filets de pêche à bord du navire Plastique Odyssey ©Plastic Odyssey
Découpe des filets de pêche à bord du navire Plastique Odyssey ©Plastic Odyssey

Catalyseur du projet

L’association OSL entend travailler en synergie avec des partenaires techniques engagés dans l’économie circulaire comme des fablabs et ateliers collaboratifs à l’image de la Fabrique du Dégrad à Rémire. L’objectif est également de nouer des partenariats avec des acteurs publics locaux afin de structurer la filière. « La venue de Plastic Odyssey nous a ouvert les portes et a permis de mettre en lumière notre projet, d’accélérer sa mise en œuvre, c’est énorme », se réjouit Anaïs Buffard. L’accompagnement de Plastic Odyssey se poursuit puisque OSL a été intégrée à leur réseau francophone et bénéficie des conseils et retours d’expérience d’autres acteurs du recyclage. 

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Démocratiser des solutions de recyclage

Né en 2018, le projet Plastic Odyssey rassemble et développe des technologies de recyclage low-tech pour les diffuser en open-source au plus grand nombre. Elles sont embarquées sur un navire laboratoire de 40 mètres qui, depuis fin 2022, fait le tour des côtes les plus polluées de la planète. En juin, le navire a fait escale en Guyane, à Cayenne puis Saint-Laurent du Maroni avant de rejoindre la Guadeloupe et la Martinique. À bord du Plastic Odyssey se trouvent plusieurs machines pour le traitement de la pollution plastique dont une centrifugeuse, un broyeur, une extrudeuse ou encore une presse hydraulique. Ces outils permettent de transformer les déchets en tuyaux, tuiles, briques ou encore en carburant.