Rendez-vous incontournable pour tous les porteurs de projets et investisseurs, organisé par le réseau Outre-Mer Network, la 8e édition du concours Innovation Outre-Mer (IOM) dédiée à l’innovation sociale et environnementale s’est déroulée du 16 au 20 octobre 2023 à la station F à Paris. Huit finalistes guadeloupéens ont représenté avec fierté leur territoire. Témoignages.

Texte Sandrine Chopot – Photo Lou Denim

Manuel Debar Monclair, lauréat concours Innovation Outre-mer

Manuel Debar Monclair, Lauréat dans la catégorie artisanat, tourisme, loisirs durables

Ingénieur en systèmes électriques, Manuel Debar Monclair a travaillé dans le domaine des énergies renouvelables pour le groupe Getelec Électricité sur un poste de chargé de projets pendant 4 ans. De retour en Guadeloupe, il participe au développement de l’activité de GEO PLC sur des projets d’envergure d’économies d’énergies dans le secteur industriel. En 2018, il crée Etsol Engineering avec pour projet de développer une station de recharge solaire pour les téléphones portables. Un premier partenariat avec Orange Caraïbe, l’organisation d’événementiels lui permet de se faire connaître. La crise COVID-19 met tout en stand-by.

« En sortie de crise sanitaire, j’ai obtenu un financement pour lancer un programme R&D pour le développement de mobilier urbain alimenté à l’énergie solaire. Présenté au concours IOM 2023, il s’agit d’un système d’analyse vidéo basé sur l’intelligence artificielle. Piloté à distance, il permet d’adapter le contenu affiché en fonction du type d’individu et d’obtenir des données statistiques sur le taux de fréquentation des espaces publics. 14 mobiliers urbains seront positionnés sur Basse-Terre. Nous allons nous appuyer sur ces installations “pilotes” pour continuer à perfectionner le mobilier. C’est une grande fierté d’être lauréat de l’édition IOM 2023 (j’étais déjà finaliste en 2022 !). Cette semaine nous a permis de rencontrer des personnes inspirantes, des financeurs et investisseurs potentiels. La Guadeloupe possède un vivier de talents. Nous l’avons encore prouvé cette année ! »

Yanice Nolbas

Yanice Nolbas

Titulaire d’un DEA en conception d’applications multimédias, Yanice Nolbas a été responsable des archives numériques de la Défense nationale à Paris, chef de projets digitaux européens pour différentes structures. Avant de revenir s’installer en Guadeloupe en 2012, il a suivi plusieurs formations en ingénierie humaine. « J’ai créé un programme pour aider les jeunes, en fort décrochage scolaire, à se réinsérer dans la société. De cette expérience terrain est né un livre, “Dix-huit pensées positives à l’usage des antillais” puis une solution multilingue appelée T0ni. Basé sur l’intelligence artificielle, cet ami personnel viendra en aide aux personnes en situation d’isolement. Il s’articule autour de deux axes principaux : le langage et l’empathie. L’objectif est de partager mes facultés d’empathie à travers une palette d’outils basés sur une expérience réelle. À travers ce projet, j’exprime la vision d’un avenir dans lequel les technologies intelligentes jouent un rôle essentiel pour soutenir le bien-être émotionnel et le “Faire ensemble”. »

Yasmine Encelade, lauréate du concours Innovation Outre-mer

Yasmine Encelade, lauréate dans la catégorie transition écologique, recyclage, gestion et transformation des déchets

Diplômée d’une école de commerce et titulaire d’un MBA, Yasmine Encelade est une habituée et une passionnée de l’innovation. Elle travaille au déploiement international de SMO Solar Process, une technologie inventée par une entreprise guadeloupéenne. « Il s’agit de petites usines de la taille de conteneurs, qui transforment les déchets carbonés (biomasse, déchets végétaux, algues, plastiques…) en hydrogène vert tout en recyclant le carbone en produits utiles, ce qui supprime les émissions de CO2 et permet de lutter efficacement contre le réchauffement climatique. En Guadeloupe, une première usine est en cours de construction. Elle va utiliser les sargasses comme matière première pour en faire un charbon actif permettant de dépolluer les sols de la chlordécone. Elle va, en même temps, produire de l’hydrogène vert pour alimenter en électricité, sans surcoût, une résidence de logements sociaux, suite un appel à projet lancé par Action Logement. Nos territoires sont confrontés à de nombreuses contraintes qui nous obligent à être plus astucieux, plus efficaces et moins chers dans les solutions à imaginer. Le concours IOM permet de faire savoir qu’il existe des projets innovants et créatifs dans les DOM. »

Thomas Plocoste

Thomas Plocoste

Docteur en sciences physiques, président-fondateur du laboratoire de recherche privé KaruSphère, Thomas Plocoste a obtenu en 2022 l’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR), la plus haute qualification universitaire de l’enseignement supérieur français. Dans le cadre du concours IOM, le laboratoire a proposé une meilleure compréhension des mécanismes des brumes de sable et de leurs impacts sanitaires et économiques pour le bassin caribéen. Des
logiciels de prédiction et d’optimisation s’appuyant sur le traitement de Big Data et sur l’intelligence artificielle pourront être déployés dans divers domaines tels que la santé, l’agriculture, les énergies renouvelables.« Les brumes de sable sont des phénomènes naturels. Bien qu’ayant un impact négatif sur la santé (asthme), elles ont également des influences positives pour l’agriculture et les milieux aquatiques. Les logiciels seront basés sur la découverte mondiale de KaruSphère déterminant un nouveau seuil de détection des brumes de sable pour la Caraïbe de 28 µg/m3 au lieu des 50 µg/m3 jusqu’alors recommandé par l’OMS. Notre objectif est de faire de la recherche qui sert à développer des outils au service de l’écosystème, de devenir une référence scientifique dans le domaine de la pollution atmosphérique dans la Caraïbe. »

Juliette Ferdinand

Juliette Ferdinand

Jeune agricultrice guadeloupéenne, Juliette Ferdinand a obtenu un Master 1 en Écologie tropicale complété par un Master en agronomie spécialisé en Biologie interactive et changements globaux. Le projet Happy Rhizosphère présenté au concours IOM 2023 est un laboratoire de R&D caribéen qui développe des engrais naturels haut de gamme, utilisables en agriculture biologique et adaptés aux climats tropicaux. « Grâce à la technique du lombricompostage (vers de terre), on revalorise des coproduits d’élevage (déjections d’animaux, fumiers) et des résidus de cultures et d’agro-transformation en un biofertilisant liquide pour les plantes et solide pour nourrir le sol. Ces produits sont destinés aux agriculteurs, entreprises d’espaces verts, particuliers. De plus nous développons une unité de lombricompostage intelligente et autonome offrant aux agriculteurs, éleveurs et agro-transformateurs une solution tout-en-un leur permettant la gestion in situ de leurs déchets. Ces solutions ont un impact social, environnemental, économique pour la Guadeloupe. Le projet est encore en phase de test. Nous sommes à la recherche de financements pour acheter du matériel d’analyse afin d’améliorer les capacités de mesure et augmenter la production. Nous avons également besoin d’un accompagnement en ingénierie financière pour lancer nos produits sur le marché. »

Dominique Coman (à droite)

Dominique Coman

Technicien supérieur hospitalier sur la gestion des déchets puis directeur de la Fonction publique hospitalière depuis 2009, Dominique Coman est le fondateur de la start-up Green Revolution 3.0, premier centre caribéen de traitement et de valorisation des déchets jusqu’alors enfouis ou restés à l’air libre. « Nous nous intéressons à deux catégories de déchets : d’une part, les déchets alimentaires, déchets verts, déchets des sargasses ; d’autre part, les déchets provenant des protections hygiéniques, des couches usagées, des masques FFP1. Nous proposons de les traiter et de les valoriser grâce à un complexe de micro-organismes utilisé dans des conditions de température et de pression contrôlées. Ce complexe est développé par une entreprise en métropole, dont nous avons l’exclusivité d’utilisation pour les DROM-COM et l’ensemble de la Caraïbe. Concernant la première catégorie de déchets, ces derniers sont transformés et valorisés sous la forme de compost sur des cycles de 10 heures. En réduisant de 90 % les déchets entrants, pour 100 tonnes de mélange, on réussit à générer 10 tonnes de compost. Pour la seconde catégorie de déchets, la transformation crée de l’isolant pour le BTP ou du renfort de matériaux pour le ciment ou le goudron pour les routes. Un projet de combustible de substitution est à l’étude. Aujourd’hui, nous sommes à la recherche de financeurs, investisseurs pour passer à la phase d’exploitation. »

Frédéric Galan

Frédéric Galan

Ingénieur agronome ayant passé une partie de sa vie professionnelle au sein d’instituts techniques agricoles, Frédéric Galan est implanté en Guadeloupe depuis 2007 où il travaille sur des projets innovants de recherche appliquée aux Antilles-Guyane. En 2016, il crée le cabinet IDDOM et lance un pilote aquaponique qui deviendra vite fonctionnel. Grâce à un projet d’économie sociale et solidaire, IDDOM sera bientôt en mesure de développer des jardins aquaponiques auprès de particuliers, établissements scolaires, restaurateurs. « L’aquaponie est un mariage inédit entre des légumes et des poissons d’eau douce. Le tout est conduit en circuit fermé, hors-sol, ce qui permet une grande économie d’eau par rapport à des cultures de pleine terre ». Le projet AQUAPONIS présenté au concours IOM voit plus loin et plus grand, via la création d’une unité pilote permettant de produire par an 12 à 15 tonnes de poissons et 8 à 10 tonnes de légumes (salades, tomates, cives, piments, menthes…), le tout sur une surface correspondant à peine à un demi-terrain de foot. « L’aquaponie professionnelle est une opportunité de redonner l’envie et les moyens aux jeunes de s’installer en agriculture pour nourrir sans produits chimiques nos concitoyens guadeloupéens, et bien vivre de leur métier. À moyen terme, l’objectif est de créer un réseau de fermes aquaponiques professionnelles permettant d’apporter une réponse concrète à l’enjeu de souveraineté alimentaire en Guadeloupe et plus largement pour les petites Antilles. »

Terrence Pierrot et Emilie Galbas

Émilie Galbas et Terence Pierrot

Terence a suivi une formation en école de commerce à Paris avec une spécialisation en e-business et management de l’innovation. Émilie a étudié en hôtellerie-restauration. Tous deux ont eu l’idée de créer Nuriyo, un produit du quotidien innovant et durable en valorisant des ingrédients locaux. « Nous proposons des pâtes alimentaires à base de fruit à pain, manioc, patate douce, avec des apports nutritifs intéressants. Ce produit offre de nouveaux débouchés pour les agriculteurs, c’est aussi un moyen de lutter contre le gaspillage alimentaire en transformant des fruits et légumes non calibrés pour être vendus. Isara Conseil nous a accompagnés pour la partie R&D. Notre objectif est de réduire l’importation, de développer l’exportation en Guadeloupe en proposant un produit industriel mais peu transformé. Nous souhaitons être une source d’inspiration pour tous les entrepreneurs guadeloupéens qui souhaitent valoriser les produits du terroir dans une démarche collective avec les agro-transformateurs locaux. »

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