On en parle pour les images, les textes ou encore le son… mais qu’en est-il des prévisions météorologiques ? Dans ce domaine capital l’Intelligence Artificielle pourrait bien devenir un outil révolutionnaire.

Texte Alyssa Thibault

Des progrès grâce à l’IA (Intelligence Artificielle)

Pour l’expert en hydrométéorologie Jean-Noël Degrace, qui a passé 40 ans chez Météo France dont 25 dans la Caraïbe, l’IA aura des résultats optimaux en matière de prévision météo “dans les 2 à 3 ans à venir”. Déjà testée et utilisée par les météorologues, l’IA porte la promesse de remédier à certains écueils de la méthode actuelle de “modélisation numérique”.

Si cette dernière est opérationnelle et de plus en plus précise, elle repose sur un fonctionnement à la fois long et coûteux : on simule l’évolution de l’atmosphère, des océans, et de tous leurs paramètres (pression, vents, température, etc.) grâce à des énormes programmes informatiques qu’on appelle des « modèles ». Les résultats fournis par ces programmes, disponibles après des heures et des heures de travail, servent ainsi de guide aux prévisionnistes dans l’élaboration de leurs prévisions. Le problème est que cela représente une quantité de données exponentielle à analyser et des calculateurs surpuissants, très onéreux, que très peu de pays peuvent se permettre d’acquérir. C’est la raison pour laquelle il n’existe que quelques grands centres de prévisions numériques dans le monde, dont les autres pays sont dépendants.

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Mais alors l’intelligence artificielle, ça change quoi ?

Face à ces défis, des recherches se développent depuis les 5 dernières années en matière d’Intelligence Artificielle, ou plutôt de « Machine Learning » selon le terme consacré. Jean-Noël Degrace, qui est aujourd’hui directeur de projet « Risques et changements climatiques, résilience et adaptation » au sein du groupe Citadelle, décrit une IA capable de s‘affranchir de la méthode classique et de ses programmes informatiques longs et chers à développer.
« Il s’agirait de faire analyser par des algorithmes les prévisions des dernières dizaines d’années et leur apprendre à en tirer des enseignements… » En faisant de l’analogie et en s’enrichissant eux-mêmes de la manière dont le temps évolue tous les jours, « ces algorithmes arrivent déjà à simuler l’évolution de l’atmosphère plus rapidement et à moindre coût », cite le météorologue.

Ensuite, le recours au Machine Learning représenterait un gain de temps considérable pour les prévisionnistes. Pour avoir une idée, « un prévisionniste en Martinique récupère plus de 10 000 chances de modèles différents toutes les 6 h : un laps de temps trop court pour une masse de données aussi importante, ce qui le contraint à sacrifier un peu la qualité de production et de communication », décrit Jean-Noël Degrace. En effet, au-delà de l’analyse, le prévisionniste doit également donner des informations aux médias et réseaux sociaux, faire des assistances, etc. En apprenant aux machines à analyser toutes ces données, on pourrait donc assister à une forme de mutation dans la façon de travailler : la charge de travail serait déplacée et la profession davantage concentrée sur l’aide à la décision ou encore l’accompagnement, sans pour autant disparaître. « Là où les algorithmes ne peuvent pas encore remplacer les prévisionnistes, c’est bien au niveau du jugement humain, très important dans l’élaboration des prévisions », assure l’expert.

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Une recherche collaborative

Le développement du Machine Learning doit en partie sa croissance rapide à sa dimension collaborative à l’échelle internationale. De nombreux modèles sont rendus publics par différentes institutions. Le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, basé en Angleterre (ECMWF), a proposé 3 versions différentes de Machine Learning ainsi que des ré-analyses de ce qu’a été l’atmosphère dans les dizaines d’années passées. Il contribue ainsi à l’alimentation de l’apprentissage des machines, tout comme l’entreprise de téléphonie chinoise, Huawei, avec son propre modèle d’IA “Pangu-Weather” proposé en accès libre et gratuit. Le signe sans doute que la météo, dopée par l’IA, deviendra vite une donnée hautement stratégique pour les activités humaines.