La Montagne Pelée et les pitons du Nord de la Martinique sont désormais inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco depuis le 16 septembre 2023. Ils rejoignent une grande famille et figurent ainsi parmi les 1 199 sites inscrits de 168 pays, dotés d’une valeur universelle exceptionnelle. Que peut-on attendre de cette labellisation internationale ?

Texte Alix Delmas

Linscription a suscité un fort intérêt de la population martiniquaise et au-delà, puisqu’on compte par exemple plus de deux millions de vues pour les vidéos de communication du PNRM (Parc naturel régional de la Martinique), l’un des acteurs qui a porté la candidature jusqu’à sa consécration. Ce dernier évalue entre 30 et 40 % la hausse de la fréquentation touristique attendue sur l’île. Et depuis Ryad en Arabie Saoudite où se tenait la 45ème session du comité du patrimoine mondial de l’Unesco, Serge Letchimy, président du Conseil exécutif de la Collectivité Territoriale a salué « un moment historique pour la Martinique, mais au-delà, pour la Caraïbe et le monde entier ». Il a ajouté : « l’inscription sur la liste du patrimoine mondial représente un outil puissant et précieux de conservation mais c’est aussi l’expression d’une identité écologique ».

C’est précisément l’identité de la Martinique aux yeux du monde qui se trouve enrichie depuis 2 ans par les différentes commissions de l’Unesco. L’institution avait déjà reconnu l’île comme réserve de biosphère et lui avait décerné un label pour « les bonnes pratiques de sauvegarde du patrimoine immatériel » concernant la yole ronde en tant qu’embarcation traditionnelle.

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Un engouement populaire

Au nord de la Martinique, le Parc national de Morne Trois Pitons de la Dominique est lui aussi inscrit sur la liste de l’Unesco, depuis 1997. Au sud, à Sainte-Lucie, la zone de gestion des Pitons figure sur la liste du patrimoine mondial depuis 2004 et a suscité un fort engouement, le site étant indissociable de l’identité de l’île comme en témoigne son drapeau aux deux triangles évocateurs de Gros Piton et Petit Piton. Récemment certains de ses habitants se sont inquiétés d’un projet d’extension mené par le milliardaire canadien Geoffrey Robillard, vice-président de la chaîne Dollarama, propriétaire de 32 hectares de terrain qui jouxtent Gros Piton. La construction de villas mettrait en péril l’écosystème du lieu protégé par l’Unesco, et par là même son maintien sur la liste. Une pétition en ligne pour s’y opposer a recueilli plus de 20 000 signatures…

S’il est particulièrement difficile d’obtenir des données chiffrées en terme de fréquentation touristique et de retombées économiques direct pour ces deux territoires, on ne peut que constater que cette reconnaissance onusienne agit comme une réelle prise de conscience des populations sur ces biens d’exception qui les environnent ; et que cette appartenance à la famille du patrimoine mondial incite à l’ouverture sur le reste du monde.

Chloé Campo de Montauzon, déléguée générale de l’association des biens français du patrimoine mondial

Rencontre avec Chloé Campo de Montauzon, déléguée générale de l’association des biens français du patrimoine mondial.

Comment la Martinique va-t-elle capitaliser sur son inscription au patrimoine mondial ?

Depuis 2016, la notion de patrimoine mondial et le plan de gestion sont inscrits dans la loi (loi CAP). Je ne sais pas comment la Martinique va capitaliser son inscription mais ce dont je suis certaine, c’est qu’elle en fera quelque chose. Tous les acteurs de cette candidature n’ont pas œuvré uniquement pour faire inscrire le bien sur la liste du patrimoine mondial, évidemment il s’agissait de l’objectif mais c’est une étape non un point d’arrivée. Maintenant, après toutes ces années de travail, tout ce qui constitue leur plan de gestion sert à faire vivre le site, le protéger et conserver une inscription qui n’est pas acquise à vie. Si un site vient à perdre la valeur universelle exceptionnelle qui lui a valu d’être inscrit, il peut être délisté.

Existe-t-il des exemples de sites délistés ?

Il y en a 3. Le site naturel, le sanctuaire de l’oryx arabe à Oman, sur ce cas précis, le sultanat avait besoin de réduire drastiquement le périmètre du site pour procéder à des prospections pétrolières. La vallée de l’Elbe à Dresde en Allemagne, où un projet d’aménagement est à l’origine de la décision du comité du patrimoine mondial de délister le bien puisqu’il s’agissait de la construction d’un pont et d’une voie de circulation à 4 voies. Enfin, l’année dernière, le port de Liverpool en Angleterre dont les projets d’aménagement ont été jugés de nature à détériorer la valeur universelle exceptionnelle du site.

L’inscription sur la liste du patrimoine mondial permet-elle l’octroi de subventions ?

L’Unesco n’accorde pas de subventions. Le seul mécanisme financier qui existe est le fonds du patrimoine mondial, il s’agit d’un fonds d’urgence qui est débloqué lorsqu’un site est en péril, lorsqu’il connaît une catastrophe (naturelle ou conflit) ou lorsqu’un pays a besoin de mener une candidature à terme et qu’il n’a pas les moyens de le faire.

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Peut-on évoquer l’impact du label Unesco ?

L’expression « label Unesco » ne nous convient pas puisque l’inscription sur la liste du patrimoine mondial est une reconnaissance internationale et s’apparente à un contrat moral entre l’État partie, l’Unesco et les gestionnaires du site. Il existe d’autres labels en France très reconnus au niveau patrimonial. Ce n’est pas la même démarche. Il s’agit d’un outil de préservation extraordinaire, de nombreux sites à travers le monde en ont bénéficié, ceux qui avaient besoin d’être protégés et de mobiliser des ressources autour de cette protection. En France, notre patrimoine est déjà très bien préservé. Néanmoins, certaines inscriptions sont plus médiatisées que d’autres. Lorsque le président de notre association, Jean-François Caron a porté la candidature du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, elle en a étonné certains pour lesquels la liste du patrimoine mondial est la liste du beau. On évoque l’effet « wahou » très à la mode mais une inscription va bien au-delà. Les biens inscrits le sont car ils racontent une part de l’histoire de notre humanité, de l’histoire de la terre. L’histoire de la mine parle à beaucoup de pays, elle a une vraie dimension universelle. Le fait de se lancer dans cette aventure permet des aménagements, des mises en valeur, les gestionnaires du bien évoquent le Louvre-Lens, si la candidature Unesco n’avait pas été lancée, peut être que ce musée n’aurait-il pas vu le jour sur ce territoire meurtri.

Pourquoi est-ce si difficile de trouver des chiffres en rapport avec le tourisme, les retombées économiques en lien avec une inscription ? Existe-t-il un effet “tourisme Unesco” ?

Il n’existe pas d’indicateurs, ils n’ont pas été mis en place tout simplement. Beaucoup nous disent que cela leur manque. Au sein de notre association, nous ne nous sentions pas légitimes pour le faire en tant que réseau. Aujourd’hui nous travaillons sur la question, nous avons une commission tourisme, c’est une question cruciale qui nous intéresse tous. Même si les biens du patrimoine mondial sont très différents et n’ont pas tous une vocation touristique… Enfin, on peut noter que depuis le covid, il y a eu un repli, une redécouverte du patrimoine national, nous avons publié l’année dernière une nouvelle édition du “guide vert des sites français du patrimoine mondial” qui s’est très bien vendu, signe d’une appétence réelle pour ce type de tourisme.

52 sites reconnus

La France compte aujourd’hui parmi les pays les plus dotés au monde en termes de biens inscrits. En 2023, ainsi été distingués « les volcans et forêts de la Montagne Pelée et des Pitons du Nord de la Martinique », « la Maison Carrée de Nîmes » et les « sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre Mondiale ».

Que signifie “valeur universelle exceptionnelle” ?
La valeur universelle exceptionnelle est le concept qui fonde le patrimoine mondial. C’est-à-dire qu’on reconnaît aux biens sélectionnés une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité.