À la fois si proches et si lointains, les territoires caribéens connaissent des freins multiples qui entravent leur coopération, or les défis qu’ils ont en partage le nécessiteraient. Pour les comprendre, rencontre avec Gilles Bajazet, directeur du secrétariat conjoint du programme Interreg Caraïbes, qui identifie les opportunités de coopération régionale dont doivent se saisir la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Saint-Martin, les quatre régions ultrapériphériques européennes.

Propos recueillis par Alix Delmas

Quel est le principal atout des Antilles-Guyane à l’échelle de la région caraïbe ? 

Gilles Bajazet :Il repose sur la valorisation de nos talents ultramarins. Nous avons des avantages comparatifs dans de nombreux secteurs, nous pouvons nous déployer sur la zone de coopération dans des marchés de niche pour vendre notre expertise. Et, ce faisant, nous favorisons aussi le développement homogène de la région.

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Pouvez-vous citer pour nos lecteurs, sur les quatre générations Interreg Caraïbes confondues, trois projets financés particulièrement performants ? 

Un premier projet porté par l’Université des Antilles intitulé « Tsunahoule » visait à modéliser les montées des eaux et les zones impactées en cas de tsunami. Nous sommes sur une zone avec des risques sismiques, cycloniques, volcaniques. Ce projet permettait de mettre en place un système d’alerte en direction des autorités compétentes et notamment préfectorales et municipales pour procéder, le cas échéant, aux évacuations. Ce projet fonctionne toujours. 

Un second projet porté par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Martinique, TEECA est né du constat que les territoires français de la caraïbe ont des avantages comparatifs, des talents qu’il s’agit de faire valoir dans le bassin. Ce programme vise à faire monter en compétences des entreprises, singulièrement martiniquaises, dans des secteurs identifiés et les préparer à se déployer dans l’espace de coopération. Ce projet a très bien marché puisqu’il a eu l’intelligence de cibler des marchés de niche comme la mode, la musique ou le secteur agro-alimentaire où nous pouvions être performants. 

Enfin un sujet très important concerne l’augmentation de la part des énergie renouvelables dans le mix énergétique. Sur ce sujet, le conseil régional de Guadeloupe a porté un projet structurant intitulé Géothermie Caraïbes, en partenariat, notamment, avec le gouvernement de la Dominique. La Guadeloupe dispose d’une grande expertise en ce domaine puisque l’usine de Bouillante est la seule de la zone caraïbe. 

Et lorsque vous dites que cela fonctionne bien, quels sont les indicateurs d’Interreg Caraïbes ? 

Lorsque les opérations sont programmées, nous signons des conventions avec les porteurs de projets auxquelles sont adossées des indicateurs de réalisation et de résultats, (nombres de bénéficiaires, impact du programme sur l’augmentation du volume d’échanges…). Ils nous font un reporting régulier, physique et opérationnel au moins 3 fois par an. Nous sommes également en lien avec eux de manière régulière dans le cadre de dialogues de gestion, qui permettent de faire un point de situation sur la mise en œuvre du projet.  Ce suivi rapproché est très important, il s’agit de respecter le cadre réglementaire de l’Union Européenne, de l’État français, ainsi que celui du programme Interreg.  

Existe-t-il des avancées diplomatiques importantes qui permettent une meilleure coopération régionale ?

Oui, c’est significatif. La Guadeloupe et la Martinique sont membres de l’AEC et ont également intégré l’OECO. Le volet diplomatique avance, car il est aussi favorisé par les évolutions législatives telle que la loi Letchimy sur la diplomatie territoriale qui permet de mettre en place des relations directes entre régions RUP et homologues caribéens. Le programme Interreg se positionne comme le lieu d’expression de ces avancées par le soutien à des projets gagnant/gagnant. 

L’espace de coopération Interreg Caraïbes couvre les états et territoires suivants : 
. Les RUP : 
Guadeloupe, Martinique, Guyane et Saint-Martin
. Les PTOM : 
Aruba, Bonaire, Curaçao, Saba,
Saint-Barthélemy, Saint-Eustache, Sint Marteen
. Les États tiers : 
Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Brésil (Amapa, Para, Amazonas et Roraima), Colombie, Costa Rica, Cuba, Dominique, El Salvador, Grenade, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Panama, Porto Rico, République Dominicaine, Saint-Christophe-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Suriname, Trinité-et-Tobago, Vénézuela

Zoom 
Qu’est-ce que le programme Interreg Caraïbes ?
Financé par le FEDER (Fonds européen de développement régional), Interreg Caraïbes est consacré à la coopération territoriale européenne. Il s’inscrit dans le cadre d’une intégration renforcée des RUP françaises dans leur environnement régional. Le programme Interreg Caraïbes est piloté par la Région Guadeloupe (qui assure les fonctions d’autorité de gestion) en lien étroit avec un partenariat large composé de la Collectivité de Guyane, la Collectivité de Martinique, la Collectivité de Saint-Martin, l’Etat et les organisations régionales de la Zone, l’OECO (Organisation des États de la Caraïbe Orientale), l’AEC (Association des États de la Caraïbe) et le CARIFORUM.
Le programme pluriannuel Interreg Caraïbes 2021-2027 représente la quatrième génération. (Trois autres l’ont précédé : 2000-2006, 2007-2013 et 2014-2020).
L’appel à projet 2021-2027 pour un montant de 29,3 millions d’euros est axé sur 6 grandes priorités :
> Pour une Caraïbe plus intelligente, plus innovante et plus compétitive ;
> Pour une Caraïbe plus verte, plus résiliente et à faible émission de carbone ;
> Pour une Caraïbe plus connectée ;
> Pour une Caraïbe plus sociale et plus inclusive ;
> Pour une coopération transfrontalière entre Saint-Martin et Sint-Marteen renforcée ;
> Pour faciliter et optimiser les modalités de coopération dans la Caraïbe