À quoi mesure-t-on l’excellence ?

L'excellence n'est pas un concept figé, mais un processus dynamique qui suppose une volonté de progresser, de se dépasser. Et en la matière, les acteurs de la Tech sont particulièrement bien placés, capables d'inventer, tester, défaire, réinventer tout au long de la vie d'un projet. Nous avons rencontré les créateurs et développeurs de 6 applications crées ici pour donner un aperçu de l'exellence sur nos territoires. Rencontres.

À quoi mesure-t-on l’excellence ?

L'excellence n'est pas un concept figé, mais un processus dynamique qui suppose une volonté de progresser, de se dépasser. Et en la matière, les acteurs de la Tech sont particulièrement bien placés, capables d'inventer, tester, défaire, réinventer tout au long de la vie d'un projet. Nous avons rencontré les créateurs et développeurs de 6 applications crées ici pour donner un aperçu de l'exellence sur nos territoires. Rencontres.

Au bon moment au bon endroit…

Déploiement de la fibre, démocratisation de l’intelligence artificielle générative, programmes d’incubateurs d’entreprise, réseaux Tech, organisation de hackathons… le dynamisme du secteur de la Tech est palpable. À l’heure du tout numérique, nous avons rencontré Jacques-Henry Joseph et Dimitri Brault, co-fondateurs de Madin.IA, qui nous livrent leur analyse du secteur.

Comment décririez-vous l’écosystème local ? Est-il favorable et calibré pour le développement de structures et de produits de la Tech ?

Dimitri Brault : Je pense qu’il y a un renouvellement de cet univers startup, avec une vraie redynamisation post Covid. Il s’en crée de plus en plus sur nos territoires, et particulièrement en Martinique, mais il est paradoxalement très fragile. Beaucoup se tournent vers l’entrepreneuriat faute d’opportunités professionnelles. Pourtant, et malgré les dispositifs d’accompagnement et les réseaux, l’entrepreneuriat est un écosystème impitoyable, et particulièrement quand il touche à l’innovation. Les accès aux financements sont difficiles, la lourdeur administrative est fastidieuse et il n’est pas toujours aisé de savoir vers qui se tourner. Malheureusement les dispositifs locaux s’avèrent souvent insuffisants pour voir prospérer une entreprise. Pour un développement à plus grande échelle, on rencontre des freins, d’autant plus que les connections entre les départements ne sont pas optimales. Si nous voulons faire grandir des entreprises caribéennes, antillaises, on doit créer cette synergie pour construire un vrai écosystème Tech dans la région.

L’avènement de l’intelligence artificielle (IA) a-t-il rendu le secteur plus dynamique ou inventif ?

D.B. : L’arrivée de l’IA est une vraie révolution technologique, et comme toute révolution, nombreux sont ceux qui veulent surfer sur la vague. Demain, la quasi-totalité des inventions seront faites à base d’IA donc le potentiel de marché est conséquent. Cependant, le challenge est aussi de faire en sorte que la Caraïbe reste souveraine en matière de data. Or, il y a une méconnaissance de ce qui se fait en local, aujourd’hui beaucoup d’entreprises qui veulent intégrer l’IA dans leur process se tournent vers des professionnels basés dans l’Hexagone, ignorant l’existence d’une expertise locale.

Quelle place tiennent les applications mobiles dans le secteur Tech ? Est-ce que c’est une interface qui fait sens à l’échelle de nos marchés ?

Jacques-Henry Joseph : L’application est aujourd’hui l’interface la plus efficace pour s’exporter à l’étranger. Iléco, par exemple, aurait eu beaucoup plus de mal à s’exporter si le projet avait été conçu comme un site web. D’autre part, la tranche des 12-35 ans a remplacé l’ordinateur par le smartphone, c’est donc via ces applications qu’on interagit le mieux. L’ordinateur, lui, est presque devenu archaïque (rires). Beaucoup d’applications sortent, peu sont connues pourtant toutes répondent à une demande locale. Même les géants du numérique ont tenté de s’implanter sur nos territoires. Je pense notamment à Uber qui a essayé de s’implanter en Martinique, mais les coûts liés au déplacement et la marge prise sur les courses n’étaient pas rentables par rapport au dénivelé martiniquais et à la congestion du réseau autoroutier. Le modèle économique de Uber, qui repose sur le temps de trajet d’un point A à un point B, ne collait pas avec la réalité martiniquaise. Le principe d’une application est le suivant : répondre à un besoin, au bon moment, au bon endroit, pour une clientèle suffisamment mature et nombreuse.

Quels sont les autres défis singuliers liés au développement d’une appli sur nos territoires ?

D.B. : Sur la partie technologique, trouver les personnes compétentes reste un défi. Il y a aussi nos habitudes de consommation et le potentiel de prospects qui demeure faible à l’échelle de nos territoires. Il y a un écart entre l’investissement et le temps de conception d’une application pour éventuellement très peu de clients qui l’utilisent.

J-H.J. : On ne dit pas qu’il ne faut pas faire d’appli aux Antilles-Guyane ! Simplement si on veut en vivre, il faut penser export dès le départ. Kiprix, par exemple, a fait le choix d’une appli 100 % gratuite, mais ça ne lui a pas rapporté 1 euro ! Alors même que la mise de départ est importante, et c’est encore plus vrai quand on développe une application. Je dois toutefois reconnaître qu’avec l’IA, le coût de développement d’une application a énormément baissé. On est aujourd’hui à l’ère du concepteur et plus de développeur, et il est possible de sortir une application viable en utilisant un cloud AI. Mais dans l’univers des applications mobiles, il y a une sélection naturelle qui s’opère avec les rachats de produits concurrents notamment. Pour rester concurrentielle l’appli doit toujours être à la pointe.

Justement, combien ça coûte de créer une application mobile ?

D.B. : Entre 20 000 et 50 000 euros, jusqu’au lancement de l’appli. C’est-à-dire que le produit peut être consommé avec cette mise de départ. Il y a deux modèles économiques quand on développe une application : la gratuité et l’abonnement. Mais, dans les deux cas, c’est très difficile à rentabiliser localement. Parvenir à toucher ne serait-ce que 2 % de la population, c’est énorme à notre échelle !

J-H.J. : Des jeunes qui ont des idées, il y en a plein ! Mais les moyens de financer ces idées manquent cruellement. Il n’est pas rare qu’on nous demande d’avoir 20 à 40 % de la somme pour obtenir un financement, cela met une barrière. Pour la petite histoire, une entreprise parisienne, qui est sur le même domaine de compétences que Madin.IA et vend les mêmes produits, est parvenue à lever 1 million d’euros en quelques semaines. Nous, alors même qu’on a lancé notre structure un mois avant celle de Paris, n’avons eu aucun financement. Le décalage est énorme : c’est tout ou rien, parce que l’une des entreprises est basée à Paris et l’autre à Fort-de-France. Pour autant, cela ne freine pas l’innovation locale, on se prépare simplement à aller chercher chaque euro avec les dents !