La Caraïbe au défi de la logistique
En opposition à l’offshore et en particulier depuis la pandémie, de nouvelles stratégies de productions se développent et nos territoires pourraient les appliquer. Entretien sur ce qui se met en place dans la Caraïbe.
Texte Yva Gelin
A la découverte de la Grande Caraïbe
La grande Caraïbe réunit un marché potentiel de 15 pays. Un rapprochement peut se faire en appliquant les méthodes de nearshoring et friendshoring. Deux notions sur lesquelles nous avons interrogé Sandra Casanova, présidente de la commission stratégie logistique du territoire de la CTM*.
Nearshoring et friendshoring, de quoi parle-t-on ?
Avec le nearshoring, il y a une production de masse, à l’étranger, de produits qui ne sont pas encore spécialisés. On parle de produits semi-finis, qui vont être finalisés à proximité des lieux de distribution. Le friendshoring, apparu au moment du covid, c’est privilégier des échanges avec des territoires avec qui il y a déjà des relations diplomatiques et des usages communs. Le friendshoring permet un cadre de confiance en amont, mais aussi d’établir et renforcer des marchés qui se complètent avec une approche plus globale. Nous avons par exemple des relations diplomatiques avec l’état du Para au Brésil et nous avons travaillé à une convention, dans laquelle, il y a une dimension économique. Pour le nearshoring, c’est ce qui se passe avec la Chine. On y fabrique par exemple toutes les bases des écrans de TV. Puis, tout ce qui concerne le contour, la couleur, la marque, le boîtier… est fait dans une zone franche à proximité du marché cible. Cela permet de répondre au mieux aux besoins des marchés. Idéalement, pour les caraïbes, il faudrait développer les deux.
Tous les produits peuvent-ils être concernés par ces types d’échanges dans la Caraïbe ?
On peut parler de n’importe quel type de produit, du moment qu’on a l’assurance qu’on est capable, en fonction du marché ciblé, de correspondre aux normes, aux coûts et au design. Après, au niveau politique, on peut décider d’orienter une zone franche vers plusieurs activités complémentaires. Il faut également noter que nous sommes une région ultrapériphérique et que notre statut fait que nous avons une mise aux normes qui correspond à l’Europe, c’est un avantage concurrentiel.
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Jusqu’à présent, un frein important au développement d’échanges intercaribéen semble être les transports, qu’en est-il de cette problématique ?
C’est en effet une problématique. Mais nous avons la chance d’avoir des chefs d’État qui s’en saisissent à bras le corps. Je pense à la situation des états de la Caraïbe, qui soutiennent plusieurs projets de ferrys, à la Barbade qui fait un travail extraordinaire pour l’intégration de la Caraïbe dans les chaînes d’approvisionnement mondiale et c’est d’ailleurs à ce titre qu’en mai prochain, la Barbade organise le « Gobal Suply Chain forum », le Forum mondial des chaînes d’approvisionnement. Avant le transport, il faut penser la logistique qui supporte l’activité économique. Vous pouvez travailler avec n’importe quel pays dans le monde, si vous n’avez pas travaillé sur les différents maillons de la chaîne logistique qui vont permettre de relier deux territoires, ça va rester un vœu pieux. Le transport à lui seul ne peut pas créer une chaîne d’approvisionnement. Il faut un flux régulier, conséquent, pour nourrir, pour alimenter le transport, qu’il s’agisse du transport de personnes ou de marchandises.
Bien souvent les territoires de la Caraïbe française sont absents des projets de nearshoring caribéens. Pour quelle raison ?
Réellement, notre problématique est que nous avons hérité d’un système élitiste, d’infrastructures et de flux qui viennent de l’époque coloniale. 85 % des flux viennent de France. En Guadeloupe et en Martinique, il faudrait d’abord prendre conscience que pour travailler sur la coopération régionale, il nous faut travailler sur nos systèmes logistiques qui jusqu’à présent privilégient la France. Il ne s’agit pas de détruire un système économique, mais de faire émerger un nouveau modèle, plus durable. Cette transition-là, il faut qu’on arrive à la faire.
*Collectivité Territoriale de Martinique
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