L’initiative Kiprix : pour une consommation plus juste
L’initiative Kiprix : pour une consommation plus juste
« Créer un outil citoyen » – Robeen Simeon, créateur et développeur de Kiprix
« Tout est parti d’une idée soufflée par mon père. Il s’intéressait beaucoup à l’avenir de la Martinique et aux questions liées à la vie chère. Un jour, il m’a glissé : “Tu devrais créer un comparateur de prix”. Sur le moment, je n’ai pas pris la mesure de ce conseil. Mais cette idée est restée et avec le temps elle a mûri. Quand il est décédé, j’ai compris que je devais aller au bout, malgré mes craintes. J’avais les compétences de développeur et l’envie de concrétiser ce qu’il avait imaginé.
En septembre 2024, après six ou sept années de travail – de recherche, de développement et de tests –, j’ai lancé kiprix.com, un site totalement inédit qui compare les prix entre la Guadeloupe, la Martinique et l’Hexagone sur près de 14 000 produits. C’était le bon moment : le contexte social en Martinique était très tendu autour du problème de vie chère. Le soir de la mise en ligne, j’ai été sollicité par les médias nationaux curieux de comprendre les causes de ce mouvement d’ampleur. En deux mois, le site a enregistré plus de 60 000 visiteurs.
Kiprix n’est pas un projet lucratif, mais une initiative citoyenne, sans business model, née d’un besoin de transparence. En plus de comparer les prix, le site permet de suivre l’évolution et l’historique du coût d’un produit.
Pour récupérer les données, j’utilise ScrapingBee, un service en ligne qui permet d’extraire automatiquement les prix affichés sur les sites internet des enseignes disposant d’un drive : Leclerc La Galéria et 123.click en Martinique ; Super U à Pointe-à-Pitre et Super U à Petit-Bourg en Guadeloupe ; Leclerc Montaudran, Leclerc Garosud et Super U Colomiers dans l’Hexagone.
En janvier 2025, j’ai créé l’application mobile qui a demandé davantage de travail en amont, notamment sur la partie design. Grâce à l’intelligence artificielle, j’ai pu la concevoir en trois semaines à peine. Elle permet aux utilisateurs de contribuer eux-mêmes en relevant les prix dans les magasins, via une photo (étiquette) et une géolocalisation. Une manière d’impliquer les citoyens et de renforcer la base de données.
L’idéal serait d’atteindre les 300 000 à 500 000 prix comparés pour aller encore plus loin : simuler un panier type, comparer les enseignes ou calculer le panier le plus économique. Mais pour cela, les consommateurs doivent jouer le jeu en effectuant des relevés de prix. Peut-être envisager un système de récompense pour les encourager ?
Lancer Kiprix ne m’a pas demandé un investissement financier important mais surtout du temps – environ 300 heures de travail – et beaucoup d’énergie. À mes yeux, ce concept devrait être porté par une institution publique. D’ailleurs, j’ai déjà été approché par la CTM (Collectivité territoriale de Martinique) qui travaille actuellement sur un outil de surveillance et de recherche de données en matière de prix. À suivre. »
« J’ai changé de mode de vie » – Sophie Tacita, 36 ans, utilisatrice de l’application
« C’est en lisant la presse que j’ai découvert Kiprix. Ma première intention était de comparer les prix entre enseignes locales pour choisir où faire mes courses. Mais j’ai vite constaté que les magasins pratiquaient des marges exorbitantes, parfois supérieures à 120 % par rapport à l’Hexagone. Cela m’a poussé à changer de mode de vie : j’ai réduit ma consommation de produits transformés, je privilégie les fruits et légumes de saison et je fabrique certains produits du quotidien. Par exemple, au lieu d’acheter du liquide vaisselle toutes les trois semaines, un savon de Marseille me dure six mois. Je composte pour limiter mes déchets et réduire l’usage des sacs-poubelle. »
Quelques chiffres
Application
Date de création : janvier 2025
7 000 inscrits
1 000 utilisateurs mensuels
10 000 téléchargements
13 650 produits
Site internet
8 000 à 10 000 utilisateurs mensuels
160 000 utilisateurs.