40 ans au service de l’industrie à la Martinique

Depuis quarante ans, l’Association Martiniquaise pour la Promotion de l’Industrie défend les intérêts des industriels martiniquais. Toujours plus sollicitée, elle regroupe les principaux acteurs de l’industrie locale et rassemble aujourd’hui pas moins de 135 entreprises industrielles présentes dans huit secteurs d’activités différents. Son président, Pierre Marie-Joseph, bien que lucidesur les problèmes économiques de notre territoire, cherche toujours à en valoriser et à en développer la qualité de la main d’œuvre et des savoir-faire. Etat des lieux sans langue de bois à l’occasion du quarantenaire de l’AMPI, l’âge de la réflexion et de la maturité.

 

Mon engagement dans la défense des intérêts de nos adhérents est intemporel et entier, et ce temps pour faire face à des problématiques aussi bien sectorielles qu’individuelles. Obtenir et maintenir des mesures indispensables, en vue de régler des problèmes spécifiques au secteur et au développement harmonieux de nos industries, est une tâche captivante qui me motive chaque jour, tant auprès de l’Etat, que des collectivités, que de Bruxelles. Je n’occulterais pas mes interventions autour des actions de communication, de notoriété, d’image (le PIL), et aussi celles visant les jeunes et le rapprochement indispensable entre eux et le monde de l’entreprise, de l’industrie, sans oublier celles que nous initions dans la Caraïbe.

 

Quels sont les secteurs industriels les plus en difficulté selon vous ? 

Les activités découlant du bâtiment et des travaux publics sont actuellement les plus touchées. La baisse des investissements publics et privés, les nouvelles orientations de la défiscalisation vers le logement social (mises en œuvre trop rapidement), entraînant par là même un arrêt brutal des investissements dans le logement libre, les modifications incessantes des lois tant dans leur contenu que dans leur durée ont sans aucun doute contribué à décourager les investisseurs.

 

L’Etat ne peut pourtant pas ignorer les conséquences de ce type de mesures : que cherche-t-il à travers ces réformes impopulaires et a priori injustes pour l’économie des territoires d’outremer ?

L’Etat raisonne uniquement en termes budgétaires. Certains ministres et parlementaires stigmatisent la défiscalisation qui coûterait plus cher que les subventions, et bénéficierait selon eux à une minorité de privilégiés. La défiscalisation Outre-mer n’est pas une niche fiscale ; et qu’il y ait pu avoir des abus dans de très rares cas n’est pas une raison suffisante pour supprimer un instrument de financement de l’investissement aussi essentiel à nos économies. Le ministre des Outre-mer et nos parlementaires sont nos meilleurs avocats, étant convaincus de la nécessité du maintien de la défiscalisation à son niveau actuel. Par ailleurs, il s’agit d’un engagement du Président de la République. Et à notre niveau, nous avons besoin de connaître la règle du jeu dans la mesure où l’on attend de nous les créations d’emplois.

 

Pensez-vous que la situation actuelle soit fortement liée à la crise de 2009 ?

Il existe une crise mondiale depuis 2008 qui a affecté toutes les économies et leurs secteurs d’activités. Bien sûr, les événements de 2009 restent un facteur qui a fortement ralenti la croissance dans un territoire aussi fragile que le nôtre, qui cumule bon nombre de handicaps (insularité, faibles économies d’échelle, surcoûts objectifs et identifiés…) Ces évènements ont aussi mis à mal bon nombre d’entreprises (dont certaines ont dû fermer) et détruit de nombreux emplois. Au-delà de l’apport de l’investissement public dans notre territoire, son développement devra être assuré par le secteur marchand sur lequel d’aucuns fondent beaucoup d’espoir.

 

Comment espérer atteindre la pérennité en ce cas ?

Il nous faut être inventifs, performants, intransigeants sur la qualité, et faire jouer davantage la continuité territoriale. Si l’on se revendique en tant que département français, alors l’égalité ne doit pas être uniquement sociale mais aussi économique, et basée sur des mesures pérennes qui ne soient pas remises en cause chaque année ; l’insécurité n’est-elle pas l’ennemie de l’investissement ? Or ce dernier doit être stimulé par de solides garanties, et par une Martinique attractive à tous les points de vue. Il serait souhaitable que les acteurs politiques puissent attirer par différents moyens des capitaux dans des secteurs tels que l’industrie, l’hôtellerie, la pêche, les énergies renouvelables, le numérique… C’est à ce prix qu’une valeur ajoutée durable pourra être créée, ainsi que des emplois pérennes.

 

Comment expliquez-vous les difficultés rencontrées par les jeunes entrepreneurs au lancement de leur activité ?

Il faut absolument aider cette jeunesse qui entreprend, l’accompagner et la soutenir, pour laquelle rien n’est évident au démarrage. Parmi les nombreuses difficultés, celui du financement est récurrent. Toutefois, il existe différents réseaux (tels Entreprendre, Audace, Martinique Initiative, l’ADEM, la CCIM, l’AMPI…) qui sont à mêmes d’accompagner ces jeunes entrepreneurs au début de leur activité. Encore faut-il que leurs services soient mieux connus chez ce jeune public.

 

Quels seraient les partenariats profitables aux industries ? 

L’industrie s’appuie sur de nombreux partenariats avec les institutions (Etat, Région, Europe, Conseil Général), les organismes financiers (AFD, Oséo…), la recherche développement (UAG, PRAM, Technopole…), les organismes de formation et d’insertion. La recherche-développement est indispensable à l’innovation au sein de nos entreprises, elle fait souvent l’objet de partenariats avec ces organismes. Sans que cette liste ne soit exhaustive, nous retenons la création de la Banque Publique d’Investissement pour le financement des petites et moyennes entreprises, qui devrait permettre d’accompagner des projets, bien montés et bien réfléchis évidemment.

 

Pensez-vous que des événements comme ceux de 2009 soient de nouveau possibles ?

Il ne faut jurer de rien. Le taux de chômage élevé de la Martinique est un véritable fléau, sachant quoiqu’il en soit que cette situation a toujours existé, mais dans d’autres conditions et dans un autre environnement. Ce n’est pas la crise 2009 qui a créé ce mal être, ce mal de vivre, mais ce sont bien ces derniers qui ont engendré la crise.

Car le chômage conjugué à la vie chère demeure un facteur de déstabilisation. Tant que la tendance ne sera pas inversée, nous vivrons dans la possibilité que de nouvelles crises se produisent.

 

Quels seraient les leviers à actionner pour éviter cela ? 

La persistance d’un chômage élevé est un problème car elle détruit le tissu social, crée de l’exclusion, suscite de la ségrégation spatiale et en plus met l’ensemble de la population en défaut d’avenir. Dans notre situation, il convient de traiter économiquement et socialement le chômage. Il faut certes stimuler la croissance, donner une impulsion à l’activité économique tout en préparant l’avenir, mais aussi mettre en œuvre un traitement social immédiat du chômage par l’activation des dispositifs de contrats d’insertion…

La concurrence entre les territoires pour attirer les investisseurs et les acteurs du développement est plus forte que jamais. Aussi, face à ces enjeux de compétitivité, la Martinique doit mettre en avant sa qualité de vie, ses équipements structurants, sa stabilité politique, ses centres de recherche, ses ressources à forte valeur ajoutée (ses hommes), tout comme elle doit améliorer son réseau de transports, gagner en paix sociale, créer davantage de zones d’activités et aussi développer fortement le numérique, qui est source de gains de productivité de l’économie.

Il est par ailleurs indispensable que toutes les mesures compensatoires de nos surcoûts soient maintenues pour agir sur la compétitivité de nos industries qui doivent faire face à une concurrence exacerbée des produits importés, quels qu’ils soient. Nous devons croire au développement de nos différentes filières des secteurs primaires et secondaires et en notre jeunesse de mieux en mieux formée, motivée et optimiste, quoi qu’on dise.

Enfin, je tiens à signaler à tous qu’il faut bien avoir à l’esprit que même si nos industriels passionnés résistent, se développent et tâchent de faire front, il est indispensable que les martiniquais prennent véritablement conscience du rôle moteur de l’industrie locale dans le développement économique d’aujourd’hui et de demain. Au-delà du fait que les entreprises industrielles nous permettent d’être moins dépendants de l’extérieur, ce sont elles qui peuvent véritablement créer de la valeur ajoutée et des emplois dits pérennes à la Martinique !