Depuis le 30 mars 2011, Laurent Prévost a succédé à ange Mancini à la tête de la Préfecture de la Martinique. tandis que s’amorce une vaste opération de sensibilisation à la question européenne et que la polémique autour de l’aide allouée aux marins pêcheurs alimente les tabloïds, nous avons rencontré le Préfet pour un entretien cordial, pondéré et serein, au cours duquel sont abordés sans crainte les principaux objets de son action. 

 

Pouvons-nous débuter par une présentation succincte du Pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, un projet important de la campagne présidentielle de François Hollande ?

Il s’agit d’un engagement très fort du gouvernement au profit de nos entreprises qui regroupe une trentaine de mesures, dont certaines à effet immédiat comme le crédit d’impôts compétitivité emploi. Mais les entreprises susceptibles d’en bénéficier doivent avant tout être informées de son existence, et il nous est difficile de toucher tout le monde. C’est pour cela que nous rencontrons leurs instances représentatives et les acteurs économiques de la Martinique lors de réunion comme celle du 26 mars dernier. L’un de nos enjeux majeurs est donc d’atteindre les bénéficiaires potentiels au sujet, entre autres, de l’allégement de charges de 4% pour l’année en cours, et de 6% à compter de 2014, un chiffre qui n’est pas que ponctuel puisque cette mesure est conçue pour perdurer.

Quels sont les objectifs de ce Pacte ?
au-delà de l’application en Martinique de dispositifs comme le CICe, certaines mesures engagées demandent la prise en compte d’enjeux locaux : par exemple, l’etat tient à appuyer les efforts de valorisation du tissu économique à l’extérieur des territoires. nous nous appuyons sur la convention afin d’aider les entreprises d’outremer à s’exporter, via la mobilisation du réseau diplomatique français, en rencontrant des ambassa- deurs des pays voisins comme Haïti, la Jamaïque, st Domingue et trinidad & tobago, et en échangeant sur les aides mutuelles que nous pouvons nous apporter, en tenant compte bien évidemment du fait que chaque pays ne possède ni les mêmes capacités, ni les mêmes attentes.

Le contrat de génération en constitue-t-il une mesure phare ?
Ce contrat est né d’un constat de la part des chefs d’entreprises nous ayant signalé, à regret, que le tissu économique était selon eux vieillissant. Ce dispositif se propose donc d’y remédier en partie, en assurant la transmission de savoirs et de compétences entre un sénior et un junior, sur une durée maximum de trois ans. L’heure est désormais à l’installation de ces contrats en entreprises, auprès des PMe et tPe : je tiens à en souligner l’enjeu de solidarité intergénérationnel, ainsi que la dimension profondément pérenne d’un patrimoine. Les outils sont désormais mis à la disposition des entreprises, en souhaitant sincèrement qu’elles sauront les saisir.

Le mois de mai sera « le Joli mois de l’Europe » : nous sommes donc passés d’une journée unique à un mois complet, pour quelles raisons ?
La journée de l’europe qui a lieu le 9 mai ne nous semblait plus être un format adapté à nos objectifs. L’allongement de cette mobilisation servira à mettre davantage en évidence ce que peut apporter l’appartenance à cette communauté de destins. nous tenons à essaimer, à faire en sorte que les acteurs se sentent mieux impliqués et concernés. une vingtaine de projets, de natures diverses (rallye découvertes, ateliers ouverts au public, animation dans les écoles…), sont au programmes. Les mairies se mobilisent également. La plupart des projets locaux sont soutenus par les fonds européens dans les domaines de la formation, de l’investissement, de l’ingénierie… car, vous savez, l’europe ce n’est pas juste une source de financement. C’est une philosophie, une vision, un rassemblement de nations mues par les mêmes idéaux de citoyenneté et de liberté. Le Joli mois de l’europe est aussi l’occasion de rappeler tout cela.

Quelles répercussions cela peut-il avoir sur l’économie locale ?
À l’heure actuelle, l’essentiel des fonds européens pour l’année 2013 ont été attribués. si c’est un très bon signe de vitalité économique, il faut en revanche s’attendre à ce que certains projets ne puissent être soutenus cette année. La problématique qui se présente est à présent de vérifier que tous les projets programmés se réalisent, et dans le temps imparti. nous sommes engagés dans une traque permanente des opérations dormantes, afin de les déprogrammer le cas échéant et de redistribuer les fonds alloués.

Avez-vous des précisions à apporter au sujet des revendications actuelles des marins pêcheurs, dont l’action a récemment créé la polémique ? (entretien réalisé le 12 avril, ndlr.)
N
ous sommes engagés dans la déclinaison du protocole du 30 décembre 2012, qui contient des points exigeant un travail sur le long terme et stipulant, ce dont chaque partie était convenue, que la valorisation et l’organisation actuelles n’étaient pas suffisantes. La restructuration est donc prise en main par le Conseil régional, auquel nous nous associons.

La seconde opération en cours porte sur une connaissance approfondie de l’emploi et des compétences du secteur de la pêche. nous souhaitons identifier les besoins de chaque métier et faire en sorte que le secteur bénéficie pleinement des dispositifs d’aide à l’emploi. Différents sujets ont été accrochés à ce protocole, notamment le Pôle Mer, le grand projet de regroupement sur un seul site du Comité régional des pêcheurs et de la Coopérative Maritime. La discussion est en cours à propos du site d’implantation de ce futur Pôle qui, selon nous, a sa place au sein du port maritime de Fort de France. Il est important je pense de réaffirmer qu’aucune remise en cause de ce projet n’est envisagée, et que l’état, plus que jamais, entend maintenir le soutien financier auquel il s’est engagé.

Comment expliquez-vous a posteriori le mécontentement des marins pêcheurs ?
Les pêcheurs ont pu être, à mon sens, surpris voire décontenancés par le dossier de demande d’aide qui était, je l’accorde, volumineux et compliqué. Il pouvait être simplifié et présenté comme l’occasion, pour chaque marin pêcheur, d’exposer les préjudices subis par les différents arrêtés d’interdiction suite chlordécone. ne perdons cependant pas de vue que nous sommes tenus par des normes européennes et que, par conséquent, un nombre certains de documents sont obligatoires pour le versement d’une aide de l’état. Mais l’état s’est engagé sur un montant d’aide garanti qui sera versé de façon sûre.

Un simple écueil de communication donc ?
Absolument, et je le regrette car cela a pu laisser entendre que l’état revenait sur sa décision. Ce n’est pas le cas, et nous apprenons de nos erreurs. Je pense que l’incompréhension était surtout liée au versement en deux phases de cette aide, pouvant laisser croire que le versement de la deuxième partie serait subordonné à une obligation de diversification ! or l’entretien que nous avons tenu à mettre en place auprès de chaque pêcheur concerné ne vise qu’à saisir l’occasion d’établir un bilan précis de de ses acteurs principaux : à la pollution de zones au la situation du secteur et l’impact des arrêtés n’est pas le même pour chacun, et il faut en déterminer l’importance en échangeant et en dialoguant. nous tenons à prendre le temps de cet entretien personnalisé avec chaque pêcheur car la question le mérite. sur cette base, les deux millions d’euros alloués à cette aide seront versés, en fonction des préjudices subis.

Une autre actualité importante concerne la violence scolaire. D’après les médias, elle serait en augmentation, et les auteurs des faits sont de plus en plus jeunes. Le France-Antilles titrait tout récemment sur le cas d’élèves persécutés par… un enfant de six ans. Comment l’État peut-il s’engager dans la régulation de ces violences ?
La violence scolaire est une notion difficile à cerner, qui dépend beaucoup des signalements qui en sont faits. une convention existe entre le rectorat, la Justice et les services de l’état pour diffuser l’information et alerter du mieux possible. une politique de contrôle systématique auprès des établissements scolaires est mise en œuvre, et, à la demande du chef d’établissement, des contrôles internes avec intervention de maîtres chiens sont effectués. si l’année 2011-2012 avait connu une baisse sensible des faits signalés, il est vrai que 2012- 2013 connaît une recrudescence de faits fortement médiatisés. avant la fin de l’année scolaire en cours, une réunion du Cen (Conseil de l’éducation nationale, ndlr.) sera consacrée à cette question, afin de ne pas en faire entendre que l’écho médiatique du fait divers, mais de mener une concertation réfléchie autour de moyens d’actions concrets et de chiffres vérifiés.