Laurent Boussin est un homme brillant au franc parler jubilatoire. On se félicite de le savoir à la tête de la SEMAG (Société d’Economie Mixte d’Aménagement de la Guadeloupe), société qui pense et bâtit chaque jour notre territoire avec le souci du vivre-ensemble et de l’environnement. Rencontre avec un directeur général à la fleur de sa mission. 

Depuis trente ans, la SEMAG, société d’économie mixte locale, aménage le territoire de demain. Son métier : proposer une ville de qualité aux habitants.

Aménageur, constructeur et bailleur guidé par l’excellence environnementale, la SEMAG est un atout pour le développement de la Guadeloupe mais aussi, depuis cinq ans, de la Martinique.

En trente années, la SEMAG a concocté pour notre territoire de véritables pépites, des espaces cohérents et pérennes où il fait bon vivre et travailler.

Des exemples ? 4000 logements en gestion sur Guadeloupe et Martinique d’abord – une croissance exponentielle en termes de logements locatifs et de gestion de parc, puisqu’il y a dix ans l’entreprise ne totalisait que 900 logements.

Citons aussi, sur l’île papillon :

  • La scène nationale L’Artchipel, à Basse-Terre
  • L’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe (OVSG) à Gourbeyre
  • Le Centre Culturel Sonis à Boissard
  • La rénovation des deux lycées, technique et général, de Baimbridge

A destination des entreprises et administrations, le Parc d’Activités La Providence, aux Abymes, second poumon économique de Guadeloupe, a fait mouche localement.

Cette zone de 90 ha, gérée et aménagée par la SEMAG depuis 1997, se démarque par sa certification ISO 14001 (management environnemental) et ses bâtiments HQE (Haute Qualité Environnementale).

Sur place, deux fleurons érigés par la SEMAG : EP’OPE, bâtiment à énergie positive (c’est une première aux Antilles !) et Kann’Opé, qui à eux deux accueillent près de 22 000 m2 de bureaux. 

Son ADN ? Le mouvement. Aménageur historique, la SEMAG innove et se positionne désormais comme constructeur en phase avec les besoins du monde entrepreneurial et prend un virage touristique depuis le rachat du Jardin Botanique de Deshaies. 

Il y a dix ans, vous preniez les rênes de la SEMAG. Une folie ?

Laurent Boussin : Pour être franc, si à 40 ans j’avais eu la maturité que j’ai aujourd’hui, je n’aurais pas pris le poste ! (rires) La tâche a été rude et les sacrifices nombreux. Mais quand je fais un choix, je l’assume jusqu’au bout. 

Pendant 17 ans, j’ai travaillé à la Réunion, dans deux sociétés d’économie mixte successives. J’y ai appris mon métier en développant des projets adossés aux importants financements de sociétés locales et d’Etat.

Puis j’ai souhaité me confronter au monde de la direction. Mon profil d’aménageur développeur connaissant les Outre-Mer a été retenu.

En juillet 2007, j’ai passé trois jours en Guadeloupe pour prendre le pouls de ce territoire que je ne connaissais pas. Je voulais rencontrer les forces vives de la SEMAG, mes futurs collaborateurs, et comprendre les désirs des élus.

En octobre 2007, j’ai pris le risque d’accepter ce poste avec passion. 

La résidence Darboussier à Pointe-à-Pitre réalisée par la SEMAG

A vous voir, on peut penser que le mot plaisir est bon pour qualifier votre engagement à la tête de la SEMAG. Est-ce exact ?

Absolument ! Je suis un homme de passion, d’action et de projets. Sans adrénaline, je m’étiole. A mon poste, il y a un nombre incommensurable de problèmes à régler, mais je pilote une entreprise qui bouge chaque jour, pour s’adapter aux contraintes extérieures. C’est une sacrée chance ! 

« Ma plus grande satisfaction est d’avoir fait de la SEMAG une entreprise aux normes internationales, agile et capable de s’adapter à un environnement en mouvement constant. »

C’est le secret de la réussite d’une entreprise. Si on reste figé sur ses bases, on est déjà mort. Mais c’est compliqué, parce que cela signifie mettre la société dans une dynamique de changement permanente qui, parfois, laisse des gens sur le bas-côté. Or mon enjeu est d’emmener une équipe solidaire. Parce qu’avec des collaborateurs soudés, on va loin.

Je suis le skipper du bateau. J’ai un cap tracé par ma présidente et mon conseil d’administration et j’assume les options que je prends, mais derrière moi il y a une fabuleuse équipe dont je suis extrêmement fier.

Comment soutenez-vous votre croissance ?

En réduisant notre dépendance vis-à-vis de la commande publique. Accompagner la transformation du territoire, c’est l’ADN de la SEMAG. Mais nous connaissons les difficultés financières des collectivités et la diminution de la commande publique qui en résulte.

Pour que le bateau continue à avancer, il faut mettre de l’essence dans le moteur. C’est ce qu’on appelle la diversification de nos activités qui peut passer par de la croissance externe ! Nous sommes allés la chercher auprès du monde entrepreneurial qui croit dans son territoire et a les moyens financiers de le développer. Nous lui proposons sièges, hôtels, bureaux en blanc. 

Ainsi, la SEMAG peut se féliciter d’avoir diversifié son offre. Le but est d’avancer de façon sereine en atteignant les objectifs fixés par le conseil d’administration : poursuivre notre métier d’aménageur et offrir une offre diversifiée – équipements, logement, stationnement, déplacement.

Parmi vos projets d’envergure, le projet Kann’Opé, au sein du Parc d’activités la Providence. Il a été salué pour son caractère innovant, en particulier sur le volet environnement.

Il nous a fait franchir un pas. Pour développer ce projet de 20 000 m2 de bureaux, nous avons réalisé 2 millions d’euros d’études sans avoir signé aucun contrat… Une prise de risque énorme !

Mais le propre d’un patron est d’avoir des convictions, d’avoir une vision réaliste de son marché et la certitude que son positionnement est bon. Ce fut un succès.

« Nous avons tout vendu en quatre ans. En une décennie, c’est la plus grosse opération privée de Guadeloupe. »

Les atouts de cette opération ? 

Primo, un positionnement géographique stratégique : le parc d’activités la Providence, aux Abymes, à la fois proche de l’aéroport et implanté au cœur de l’agglomération, est porté par la volonté politique de rééquilibrer le territoire en offre de services administratifs et de services aux entreprises. Secundo, notre offre d’achat était au prix du marché et efficiente car destinée à des clients privés à l’activité pérenne. Tertio, nos prestations étaient innovantes : le projet, labélisé haute qualité environnementale, se situe dans un parc lui-même certifié management environnemental. Une première dans les Outre-Mer ! Nous pouvions donc assurer aux acheteurs qu’en venant chez nous ils bénéficieraient d’une valorisation de leur actif immobilier constante, si ce n’est haussière dans le temps. Parce que l’espace public y est tenu, l’environnement est maitrisé, et parce que le secret en immobilier repose sur un seul pilier : l’emplacement ! 

Kann’Opé est le premier étage de la fusée, mais nous avons l’intention d’être encore plus ambitieux en termes de transition énergétique pour montrer que la Guadeloupe sait faire. Je n’ai pas à rougir de notre travail. La SEMAG fait aussi bien que la Métropole.

Quid des opérations de résorption de l’habitat insalubre (RHI), qui font aussi partie de vos missions ?

Elles requalifient en profondeur les quartiers en travaillant dans la dentelle et en intégrant la dimension humaine et son vécu. Il ne s’agit pas de tout raser avec des bulldozers. Nous écoutons les traces du passé pour en conserver certaines. Nous apportons des éléments de modernité et de salubrité pour créer un quartier en mutation entre passé et avenir. La grande majorité des opérations RHI ont été des réussites : quartiers Agathon à Baie-Mahault et Boissard aux Abymes, et sortie sud-est à Pointe-à-Pitre, près du Mémorial ACTe.

Il y a trois ans, en rachetant le Jardin Botanique de Deshaies, la SEMAG a pris un virage touristique inattendu…

Et ça ne fait que commencer ! Pour le Jardin Botanique, nous avons élaboré une nouvelle offre et un repositionnement touristique axé sur son contexte culturel et historique. Il fallait dépasser la dimension purement esthétique de ce site qui, par le passé, n’intéressait que les touristes : nous l’avons adossé à l’histoire de la Guadeloupe et au patrimoine végétal de nos jardins pour en faire un lieu d’enrichissement culturel et scientifique. C’était un gros challenge. Nous avons repensé le management, l’orientation client, le positionnement marketing. 

La création de la société Jardin Botanique est le premier pas vers une activité touristique complémentaire de notre métier principal. Pour ce faire, la SEMAG a créé un outil dont elle est 100 % actionnaire. Son actionnariat pourra s’ouvrir et être amené à gérer d’autres projets touristiques. 

La SEMAG détient une seconde filiale, la GESTE (Guadeloupéenne d’exploitation de sites touristiques et d’équipements)… 

Voici des domaines qui n’ont rien à voir avec notre ADN, me direz-vous, mais gérer des équipes, des process et des clients, nous savons faire ! La GESTE a géré pendant sept ans Beauport Pays de la canne et a, statutairement, la possibilité de gérer tous types d’équipements touristiques. A Saint-François, la SEMAG développe, en partenariat avec le lauréat de l’appel à projet, un resort sur le terrain de l’ex Méridien. Une offre touristique haut de gamme composée d’appartements et de villas de luxe et d’un hôtel 5 étoiles. Nous pourrions, par la suite, envisager de participer à la gestion de cette offre touristique. Le champ du possible est large et mon imagination fertile…

Pourquoi la guadeloupéenne SEMAG s’investit-elle en Martinique ?

Certes, la SEMAG n’est pas historiquement implantée en Martinique. Pour autant, j’ai reçu des sollicitations politiques martiniquaises. Avec la présidente de la SEMAG, nous sommes allés vérifier sur place que notre savoir-faire aurait bien la possibilité de se développer pour le bien-être des Martiniquais. Parce que si je m’engage sur un territoire, je le défends bec et ongles. Notre implantation en Martinique date de cinq ans. six personnes y travaillent et à la fin de l’année 400 logements seront sortis de terre et gérés par les équipes, c’est remarquable. La SEMAG y a également réalisé une importante opération d’aménagement : le Centre de carénage du Marin. Plutôt que de remonter jusque Kingston, les maxi yachts qui cabotent au large de nos côtes peuvent y être réparés. La rentabilité de cet investissement de 10 millions d’euros ? Trois réparations de maxi yachts par an l’assurent!

Courtermisme : voilà une notion à laquelle vous semblez allergique…

Le SEMAG a une responsabilité sociale et sociétale sur le long terme. Contrairement à un acteur privé, la responsabilité d’une société d’économie mixte n’est pas uniquement financière. Elle doit produire du territoire en adéquation avec son marché, en répondant à une commande politique sur le moyen et long terme. Un exemple ? L’opération Boissard a débuté il y a plus de vingt ans. Les directeurs successifs de la SEMAG assument la responsabilité de ce que fut et sera ce quartier. Il y a continuum. 

L’avenir ?

Forte de son expérience et pleinement consciente de ses responsabilités, la SEMAG envisage l’avenir avec audace !

SEMAG
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