Quelle place pour le e-commerce à une échelle locale ? 

Par Mathieu Rached 

L’accès au numérique a révolutionné nos méthodes de travail, nos loisirs, nos recrutements et nos modes de consommation. Dans un monde où Amazon est un mastodonte aussi redouté qu’insatiable, le e-commerce a-t-il sa place à une échelle locale ? Pour le savoir, nous sommes allés taper à la porte de COMPLAY, cabinet de conseil en transformation digitale, acteur hyperpointu en outils et économie numérique. Assis autour de la même table, Alexandre Ventadour, fondateur de COMPLAY, Yannick Myrtil, directeur de La Factory, le centre de formation spécialisé en digital de COMPLAY, et Gérald Joseph-Alexandre, directeur technique du groupe ont tenté de dresser un état des lieux et d’avenir d’un secteur encore sous-estimé en Martinique.

Quel est l’état du marché du e-commerce dans les Antilles Guyane ? 

COMPLAY : le marché a peu évolué depuis ces dernières années. Hormis certaines enseignes qui reprennent des dispositifs nationaux, les acteurs historiques locaux ne se sont guère positionnés. Cependant nous constatons que les jeunes entreprises qui se lancent s’appuient sur le digital à la fois pour initier des ventes de produits ou de services en ligne. Elles tentent des expériences, car elles sont convaincues du potentiel, sans pour autant maîtriser la chaîne globale d’une approche e-commerçante.

Quelles sont les attentes des Martiniquais ?

Les Martiniquais sont prêts depuis des années ! De nature, le Martiniquais est un “early adopter” ! Il aime avoir les derniers produits ou services. Cela fait une dizaine d’années que tout le monde attend que telle ou telle enseigne propose des choses. 

Quels secteurs sont les plus dynamiques ?

Difficile de parler réellement de secteurs mais plutôt de typologies d’entreprises. Les plus dynamiques, celles qui font des tentatives, sont les nouvelles entreprises lancées par la génération Y ou Z. Et ce, même si l’expérience n’est pas à 100% réussie car elles n’ont pas forcément les moyens de leurs ambitions. Le e-commerce ce n’est pas juste une transaction bancaire en ligne, mais plutôt une expérience d’achat en ligne. Le rapport que le vendeur a avec son futur client est une notion capitale.

Quelles sont les particularités du marché du e-commerce par rapport à la métropole ? 

Il fut un temps, la fracture numérique pouvait être évoquée comme une particularité de nos territoires… mais l’arrivée de la 4G invalide ce propos. La plus grande spécificité reste le prix aléatoire des frais d’approches (frais de douane, octroi de mer…) qui rendent difficiles les activités des “drop-shipping” ou point relais, par exemple. Cela est pourtant un axe non négligeable de développement du e-commerce en métropole et partout dans le monde. Parmi les points positifs, nous pourrions à l’inverse citer la petitesse du territoire, qui laisse imaginer des possibilités de livraison en des temps records, comparables voire plus courts encore que ce que propose Amazon dans les grandes villes (moins de 3h)…

Comment va évoluer ce secteur dans les 5 prochaines années ? 

Il ne peut que croître, mais nous ne parierions pas sur un développement exponentiel du secteur au niveau local. Quant aux consommateurs ils continueront de consommer en ligne. L’acte d’achat a été tellement facilité par l’avènement des Smartphones. Avec Android ou iOS, nos cartes bancaires sont pré-enregistrées, donc il est très simple d’acheter de la musique, des applications etc. de façon quasi indolore. Et cela compte comme du e-commerce. Les Martiniquais sont déjà adeptes des services proposés par les grandes sociétés nationales ou internationales et cela continuera de progresser. Espérons que les acteurs locaux saisiront la balle au bond.

Existe-t-il des freins identifiés côté vendeur ? 

Côté vendeur le seul vrai frein est la volonté. C’est sans doute lié au fait de ne pas avoir les compétences en interne, de ne pas mesurer l’impact que cela aura sur leur organisation mais il y a des experts pour les accompagner. Une fois convaincus par l’idée et l’offre locale en place, les acheteurs suivront.

Une entreprise qui souhaite se lancer peut-elle le faire avec son webmaster habituel ou y a-t-il des démarches ou précautions particulières à avoir ?

Si une entreprise parle de “webmaster”… elle a déjà perdu. Plus sérieusement, une démarche e-commerce implique plus qu’une simple maîtrise technique. C’est toute une philosophie du parcours client qu’il faut repenser et le meilleur moyen d’initier ces modifications profondes et de convertir l’essai, reste encore de se faire accompagner par un expert du domaine. C’est ce que l’on pouvait constater en métropole, quand des groupes poussiéreux ont tout à coup décidé de se mettre au e-Commerce et ont créé le marché. Ça peut aller très vite.

1ère étude sur le e-commerce

A l’occasion de sa 2ème édition, qui s’est tenue les 30, 31 janvier et 1er février 2019, le Salon Ose ! a porté un coup de projecteur inédit sur le e-commerce. Présentée par Martinique Développement et LHDOM.

• 45% réalisent des achats sur internet (une ou deux fois par mois pour la moitié d’entre eux)

• Principale motivation : je n’ai pas à me déplacer (61.7%)

• Principaux produits achetés : prêt-à-porter, vêtements et chaussures (71%), hébergements (28%), produits cosmétiques parapharmacie (28%)

• Principaux freins : les coûts de livraison (52%), l’absence de livraison aux Antilles (33 %)

• 3 activités traditionnelles pourraient bénéficier de plus de visibilité sur internet (note sur 10) : restauration (7,37), activité de loisirs (6,88), fabrication artisanale de produits alimentaires (6,78)

Etude « l’e-commerce recèle-t-il une opportunité pour l’économie traditionnelle en Martinique ? » 400 individus de 18 ans et plus représentatifs de la population résidente en Martinique ont été interrogés.