Depuis quinze ans, KRYS tient un cap immuable : il crée.

Il est auteur-interprète, mais aussi entrepreneur : l’une des plus grandes signatures de la musique caribéenne produit des talents antillais à haut potentiel.

Cette année, il parraine le championnat de Voile Traditionnelle. Une question de sens.

Voile Traditionnelle guadeloupéenne

Propos recueillis par Julie Clerc

KRYS, apôtre guadeloupéen du reggae dancehall, conquiert l’Olympia en 2006, remplit le Zénith de Paris en 2007 et propulse en dix ans une collection de tubes sur les pistes de danse : V.I.P, Big Tune, Bootyshake, ou encore Azumbo, mix pimenté d’afrobeat et de dancehall.

Des sons addictifs, jubilatoires… Et explosifs en club. KRYS déploie une carrière en forme de succès, le goût d’entreprendre en sus. Car il est aussi producteur, véritable rampe de lancement qui a su placer au zénith les carrières de Misié Sadik et Colonel Reyel

Mais on ne résume pas l’odyssée KRYS en quelques mots. KRYS est plus qu’artiste, il est un projet multi facettes. Il casse les clichés, chante la joie, la fête et les filles quand ses grands frères dénoncent le système.

KRYS enflamme le beat, déchaîne les corps et distille dans les âmes une souveraine légèreté.

Le chanteur et entrepreneur guadelopéen Krys

« La vie est déjà si compliquée, je ne vais pas l’accabler avec des textes tristes », lâche-t-il.

Lorsqu’on le découvre, pied nu et serein sur le sable de l’hôtel Arawak, tout devient limpide. KRYS est contraste : calme en privé autant que furie sur scène, danseur survolté autant qu’ami au regard qui sonde, devine, ne rate rien des secrets de l’autre, mais jamais ne se départ de sa bienveillance. 

KRYS, 35 ans, avec un nouvel album pour octobre et l’exercice de la paternité comme nouveau galon, a répondu présent lorsque le championnat de Voile Traditionnelle l’a sollicité pour prêter son aura à cet événement nautique 100% guadeloupéen.

Pourtant KRYS n’est pas marin, l’enfant des quartiers populaires de Lauricisque n’a jamais pratiqué de sport nautique. Il avoue avoir demandé à être initié au canot, ces saintoises de cent ans d’âge aux coques si volages.

Pour l’artiste urbain, ce parrainage est une question de valeur. Du sens, comme l’expression d’une maturité, pour coller à l’homme qu’il est aujourd’hui. Et rendre hommage à ce pays Guadeloupe où il revient s’installer après quinze ans d’absence. 

Contribuer à démocratiser les sports nautiques

Ce parrainage, vous n’imaginez pas ce que ça représente pour moi, pour un artiste urbain qui a grandi dans un quartier sensible de Pointe-à-Pitre. Je suis passé par toutes les étapes.

À 14 ans, la chanson m’offre un moyen d’expression. Il y a de la révolte, de la colère. Parce que très jeune on est les témoins de l’injustice sociale, de la violence, de la marginalisation d’une partie de la population. Par la suite, j’ai la chance de faire carrière et de voyager, d’élargir mon champ de vision. 

En prenant part activement à ce championnat, j’assume mon envie de découvrir ce monde maritime. Je suis sûr qu’il y a de très beaux moments à passer sur l’eau.

Krys assis sur un canot de voile traditionnelle

Aujourd’hui, je suis à une étape de ma carrière et de ma vie d’homme où ce que je fais doit avoir du sens.

En soutenant cet événement, je n’ai pas accepté un parrainage de plus. Je suis complètement en accord avec la démarche du projet : démocratiser ce beau sport guadeloupéen.

Enfant, je n’ai pas eu l’occasion de m’approprier la mer. Or ce championnat pousse les jeunes vers cette richesse qui est la nôtre, la mer, et prouve que les sports nautiques sont accessibles à tous, y compris financièrement.

Comment mieux illustrer ce message qu’en choisissant un marin novice comme parrain !” (rires)

Formé à l’école de la vie

J’ai pratiqué le karaté au club Karaté-Do de Pointe-à-Pitre. J’ai appris l’effort, la résilience et la discipline. Ceinture noire, j’étais en sélection de Guadeloupe, j’ai gagné quelques championnats. Ça m’a servi et me sert encore dans ma vie personnelle et professionnelle.

Mon maître m’a appris à perdre, car j’étais mauvais perdant ! Il m’a dit :

« Gagner, ce n’est pas tout, c’est la seule chose. » On pourrait traduire cela par : « Jamais je ne perds. Soit je gagne, soit j’apprends. »

J’ai eu des échecs très durs. Ma principale réussite c’est de ne pas avoir lâché. On a tous des épreuves, on ne réussit pas du premier coup. Je suis là grâce à mes victoires autant qu’à mes défaites.”

La mer, l’inspiration et l’apaisement

“C’est la liberté qui est le fil rouge de ma carrière. J’ai toujours été un artiste libre par rapport à l’establishment de mon milieu musical.

La mer, c’est regarder l’horizon, contempler l’immensité du monde. C’est très inspirant pour moi, ça m’apaise. C’est la mer nourricière, les poissons, les lambis dont je raffole.

La mer, je n’en ai pas beaucoup l’expérience, mais je sens qu’elle peut être un rendez-vous avec soi-même, pour ceux qui font des traversées en solitaire. Elle peut être aussi une expérience humaine incroyable lorsqu’un équipage doit remplir des objectifs de temps ou atteindre une destination.

C’est un monde avec des possibilités infinies. Sur l’eau, mon imagination, mon inspiration sont boostées.

Quand on est professionnel dans la musique, il faut donner du contenu, des tubes, rester au top, passer à la radio. Il y a beaucoup de bruit autour, c’est stressant.

On est dans un perpétuel aller-retour entre l’introspection, qui permet de créer, et les besoins du marché, qui obligent à rester dans la course.

Le chanteur Krys sur un canot de voile traditionnelle guadeloupéenne

La mer, partir en mer, ça peut être une respiration. C’est rare et précieux. 

Un nouvel album pour octobre

“J’ai longtemps écrit des chansons festives. Je pense que c’est honorable de permettre aux gens de se divertir. Mais le fossé était devenu trop grand entre cette musique hyper festive et mon quotidien. La paternité doit y être pour beaucoup…

J’ai envie de cohérence entre ma vie et mes chansons. Cet album aura des sonorités caribéennes et chantera la joie, l’amour, la positivité. 

Un auteur interprète écrit dans l’intimité d’un studio ou d’une chambre. Puis ses textes deviennent publics, les gens s’approprient ses chansons et les font vibrer à leur façon. Après quinze ans de carrière, je ne peux que constater que nous avons une influence sur notre public. 

L’amour, l’union, le bonheur, le travail en équipe, la communion avec la nature sont des valeurs qui ont à voir avec l’humain, avec l’amour de son pays aussi. Elles me portent.”

La démarche patrimoniale du championnat de Voile Traditionnelle résonne avec mon amour de la Guadeloupe.

Un message aux équipages

“Je leur souhaite de profiter de cette belle course, de chaque minute, tant de la compétition que de l’expérience humaine et sportive, et de cultiver une solidarité à toute épreuve, l’une des plus belles valeurs de ce sport. J’ai hâte de les retrouver sur l’eau ! “