Culture traditionnelle, âme de nombreux mets antillais, la vanille guadeloupéenne aurait pu disparaître au tournant du XXe siècle.

Pourtant, elle développe encore ses parfums sur les ailes du papillon. Cédric Coutellier défend une gousse devenue patrimoine. Portrait.

Est-ce un graal ou une irrépressible passion, toujours est-il que Cédric Coutellier s’inscrit dans le paysage agricole guadeloupéen comme expert de la vanille.

Qu’il « marie » (féconde) ses gousses sous le couvert des hautes cimes d’une forêt domaniale sainte-rosienne, qu’il fasse visiter son exploitation avec force détails et pédagogie, Cédric suit un même cap.

L’objectif : maintenir une production locale et une technique d’affinage unique au monde pour redonner ses lettres de noblesse à la fleur noire des Mayas.

Une épice qui, le siècle dernier, supplantée par la canne et la banane, faillit succomber aux impératifs de mondialisation.

C’était sans compter les convictions de certains irréductibles. Parmi eux, Cédric Coutellier, agriculteur, formateur, cultive la singularité qui fait la force d’un territoire. 

Vanille guadeloupéeenne - producteur Cédric Coutellier

Une vanille guadeloupéenne prisée

De la vanille, il a choisi l’exception : le vanillon, ou Vanilla pompona, variété dont la Guadeloupe est de longue date le premier producteur mondial.

Cette variété aux rendements faibles, aux arômes précieux non synthétisables – contrairement à la vanilline de la classique vanille planifolia (vanille Bourbon) – est traquée par les plus grands gourmets de ce monde – pâtissiers, maîtres chocolatiers suisses, belges, guadeloupéens et hexagonaux.

Elle est aussi pistée par les parfumeurs qui, comme Guerlain, achètent en Guadeloupe la vanille qui fera peau avec les nuques les plus délicates. 

Cédric Coutelier cultive 10 000 pieds de vanille vendus sous la marque Vanigwa.

Des gousses de planifolia en majorité, mais aussi de pompona, pépite au prix d’or dont il chouchoute quatre sous-espèces, par mesure de conservation. « ça me rassure », reconnaît l’agriculteur, au fait des défis actuels de la biodiversité.

Griffage de la vanille - Cédric Coutellier - Guadeloupe

Une technique guadeloupéenne

De la Guadeloupe, il reproduit l’art d’affiner la vanille : le griffage. Une méthode de scarification traditionnelle qui remplace l’habituel échaudage, ou « technique Bourbon », pratiquée dans l’océan indien.

Le but est le même – extraire l’eau de la gousse. Mais en Guadeloupe, on griffe la gousse, on ne la trempe pas dans de l’eau chaude. 

Révélée, condensée, la vanille scarifiée est un métal brut qui aimante, parfum addictif qui la distingue subtilement des vanilles malgaches en vente sur le territoire.

Les clients de Cédric ne peuvent plus s’en passer. Parmi eux :

  • Guillaume Gomez, chef cuisinier du Palais de l’Élysée
  • Jacques Genin, fondeur en chocolat installé à Paris
  • Le restaurant l’Escale, à Sainte-Rose
  • A Montréal, les chasseurs d’épices Epices De Cru, ou encore Éric Goeury (Les Co’Pains d’Abord), un artisan boulanger et pâtissier qui incorpore cette vanille d’exception à des panettones vendus 60€ pièce

En 2017, le travail de Cédric Coutellier est consacré : il est lauréat du concours national Talents Gourmands. 

Culture de la vanille en agroforesterie - Cédric Coutellier - Guadeloupe

Culture de la vanille en agroforesterie

Exceptionnel, le cadre où Cédric élève ses fleurs d’orchidée l’est aussi.

C’est au cœur de la forêt tropicale humide, au pied des mahogany géants, que pousse la vanille de Cédric, baignée de lumière naturelle, nourrie d’humus originel, dans le respect des cycles biogéochimiques naturels.

Exit les serres, les néons, les lianes sous perfusion alimentées en cocktails chimiques divers. Un sacerdoce ? « Au contraire ! » lance l’agriculteur et président de l’APAGWA (Association de promotion de l’agroforesterie guadeloupéenne).

« Plus je laisse la plante dans son milieu naturel, moins j’interviens ! »

Embrassant les arbres, les lianes de Cédric sont uniquement bouclées (ramenées vers le sol) et fécondées.

Cédric Coutellier travaille en partenariat avec l’Office National des Forêts (ONF) qui lui confie la gestion de 5 hectares de forêt – un cahier des charges qui implique une culture à l’impact environnemental minime.

A la clef, le label ONF agroforesterie tropicale, « plus strict que le bio ! » se félicite l’agriculteur.

Sa vanille est labellisée AB depuis 2012 et estampillée « Esprit parc national Guadeloupe » depuis 2017.

Cédric Coutellier - producteur de vanille - Guadeloupe

Pour une agriculture durable

Rien d’étonnant, donc, à ce qu’on découvre Cédric Coutellier face à des stagiaires – professionnels en reconversion ou agriculteurs soucieux d’adopter des pratiques culturales douces – auxquels il enseigne une agriculture durable.

Agrobiologiste, formateur titré en agroforesterie, le Sainte-Rosien démontre que l’agriculture peut s’intégrer à des écosystèmes sans en dégrader leur fonctionnement naturel.

Formateur partenaire de l’ONF, Cédric participe à une dynamique inédite : développer la culture en forêt.

« C’est gagnant-gagnant. » explique-t-il. « Des agriculteurs créent une activité ou augmentent leurs revenus en s’installant en forêt dans des clairières naturelles. En contrepartie, ils entretiennent leur parcelle dans le respect de l’écosystème forestier. »

En Guadeloupe, l’ONF totalise une trentaine de concessionnaires qui cultivent cacao, café, roucou, poivre ou fleurs coupées.

« En forêt, je me ressource. J’aime travailler là, déconnecté. »

« Plutôt que d’épandre des produits phytopharmaceutiques du haut d’un tracteur, en combinaison, sous la clim, l’agriculture, ça peut être juste cela : évoluer sous les bois. »

« Voilà ce que j’explique en formation. »