Oui, nous le savons tous, de par leur capacité à capter le carbone et à rejeter de l’oxygène par le biais de la photosynthèse, les arbres nous permettent de respirer et sont donc indispensables à notre survie. Ce que l’on sait moins par contre, c’est que ce qui se passe chaque jour dans l’eau, dans la mer, dans les rivières ou sur les sols a un lien direct avec les milieux forestiers. En Martinique, la forêt représente 40% du territoire et la protéger, c’est garantir la protection de la population contre les risques naturels (mouvement de terrain, inondation, sécheresse, érosion), assurer la conservation du réservoir des biodiversités terrestre et marine qui fait la richesse de cette île et préserver la qualité des eaux.

En tant que premier gestionnaire et protecteur d’espace naturel en Martinique et sur le territoire national, l’ONF, Office National des Forêts, joue un rôle important de préservation de ces milieux, par :

  • La protection, la gestion et la valorisation des espaces naturels forestiers appartenant à l’Etat et aux collectivités, par la mise en place de réserves biologiques, notamment ;
  • La protection des forêts privées contre le défrichement non-autorisé ;
  • La préservation de la biodiversité en protégeant les espèces animales (iguanes des Petites Antilles, tortues marines) et végétales et en luttant contre les espèces exotiques envahissantes de la faune et de la flore ;
  • En permettant au public de profiter de la forêt dans les meilleures conditions de respect de l’environnement.

Pour l’Etat, un des moyens d’action de protection de la forêt est la gestion du défrichement,  entendu comme toute activité directe ou indirecte ayant un impact sur la pérennité de la forêt (activités agricoles, expansion urbaine, exploitation du sous-sol).

Sur le territoire, l’ONF réalise cette mission en tant qu’expert missionné par la DAAF (Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt), en lien avec les services d’urbanisme des communes, les communautés d’agglomération et la chambre d’agriculture.

Gaël Bardou, cadre technique à l’ONF en charge des questions relatives au défrichement des forêts privées et aux questions de développement de la filière forêt-bois en Martinique, nous éclaire sur l’intérêt de la culture en agroforesterie sous couvert forestier, comme outil de valorisation et de conservation des forêts de nos territoires.

Comment définir l’agroforesterie ?

Gaël Bardou, Cadre technique à l’ONF : L’agroforesterie est un système associant cultures agricoles et milieu boisé. Le plus fréquemment, il s’agit d’implanter des arbres sur des terrains agricoles afin d’améliorer la fertilité des sols, de les protéger de l’érosion, d’assurer une meilleure captation et rétention de l’eau et de favoriser la lutte biologique contre les nuisibles. J’encourage tous les agriculteurs à intégrer cette pratique à leur activité.

« En tant que gestionnaires forestiers, l’agroforesterie qui nous concerne à l’ONF, consiste à introduire des productions végétales sous couvert forestier. »

Cette agroforesterie est également intéressante pour les propriétaires de forêt et les agriculteurs. Elle leur permet de dégager un revenu de la forêt, et de disposer d’ombre pour certaines cultures sur de nouvelles terres saines qui ne sont pas ou très peu polluées.

Il s’agit en effet de terres très riches car les sols forestiers sont des sols au sein desquels l’activité biologique (travail des vers, champignons, insectes et micro-organismes) est très forte.

Quel est l’intérêt pour le territoire ?

L’intérêt pour nous en tant que gestionnaires forestiers est de maintenir la forêt et de faire comprendre aux agriculteurs et aux propriétaires forestiers qu’ils ont tout à gagner à respecter ce milieu.

« Notre approche consiste à montrer que l’on peut mettre en place des productions végétales permettant de valoriser la forêt, sans avoir à la raser, la défricher, pour pouvoir dégager un revenu, notamment agricole. »

Dans leur état naturel, les forêts constituent un écosystème relativement stable et équilibré dont pourraient bénéficier les cultures agricoles. Hors ouragans, elles sont assez résistantes et forment un rempart contre le vent et le soleil et donc, le dessèchement.

La forêt régule, par ailleurs, la quantité d’eau disponible pour les végétaux en cas de sécheresse, en stockant l’eau de pluie dans le sol. Cela permet également de limiter les inondations et l’érosion emportant la terre arable en cas de fortes pluies.

La forêt joue, de plus, un rôle fondamental de filtration des pollutions du sol et de l’air. Enfin, grâce à la fertilité des sols et à la grande biodiversité de l’écosystème forestier, aucun intrant chimique, que ce soit des pesticides ou des fertilisants, n’est nécessaire en forêt.

L’agroforesterie sous couvert forestier permet donc une production respectueuse de l’environnement. La forêt étant un environnement très résilient, les cultures en agroforesterie bénéficieront aussi de cette très grande résilience.

Que peut-on produire en agroforesterie ?

Les cultures qui s’y prêtent le mieux sont celles qui aiment avoir un peu d’ombrage car l’idée est avant tout de conserver la forêt au-dessus des cultures, à savoir une forêt avec au moins 50% de couvert forestier.

Des cultures telles que le cacao donc, qui a besoin d’ombrière en agriculture ; la vanille qui pousse particulièrement bien en forêt et en milieu fermé, ou encore l’igname bois qui est une liane qui pousse en forêt. Ce sont des exemples mais il y a encore beaucoup d’autres plantes cultivables en forêt.

Dans tous les cas, l’ONF sera présent pour accompagner, guider, conseiller tout projet d’agroforesterie sous couvert forestier, afin de garantir que les cultures introduites et les pratiques soient respectueuses de l’écosystème forestier et de son fonctionnement naturel.

A cet égard, il est nécessaire que les porteurs de projet se rapprochent de la DAAF et de l’ONF afin que nous puissions nous assurer du non-défrichement.

Il ne faut pas voir la gestion forestière comme une contrainte, car la forêt ne se gère pas comme un jardin.

« La forêt pousse seule mais elle a besoin d’être régulièrement surveillée et nécessite une attention particulière afin d’être protégée des menaces, notamment celle des espèces exotiques envahissantes. »

Quand elles sont introduites dans la forêt, elles ont pour comportement malheureux de se développer très vite et de rapidement ne plus être maîtrisables par l’Homme.

C’est pour cela que nous essayons d’intervenir dès que l’on en voit, tant qu’il est encore temps, pour éviter de se faire envahir par des espèces qui vont prendre la place des espèces naturelles qui sont censées se trouver naturellement à cet endroit-là.

Quand elles s’installent, les espèces envahissantes empêchent la régénération, pompent la ressource en eau disponible pour les arbres, colonisent et dégradent les milieux. Les arbres qui rendent des services énormes à la société en accueillant la biodiversité ne peuvent alors pas se développer.

Beaucoup de plantes envahissantes sont malheureusement ornementales. La langue de belle-mère, la Sansevieria, ou encore la sonde, qui a notamment envahi de façon phénoménale le Piton Crève-Cœur. Un exemple moins connu est le Miconia Calvescens, appelé « cancer vert » en Polynésie.

Les gens les plantent dans leur jardin sans penser à mal, mais cela représente un problème environnemental car le risque est que ces espèces soient transportées, par les animaux ou par le vent, et arrivent dans nos forêts.

Il y a une centaine d’espèces exotiques envahissantes identifiées pour la Martinique. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la DEAL.

Quels sont les acteurs et les conditions de mise en place ?

La DAAF, de par ses fonctions et sa représentation directe de l’Etat sur le territoire sur les questions agricoles et forestières sera clairement l’organe instructeur, de contrôle et de régularisation des projets agroforestiers, assistée par l’ONF.

La Chambre d’agriculture a également un rôle fort à jouer pour aider à accompagner les agriculteurs qui souhaitent adhérer à ce mode de fonctionnement et cette philosophie de gestion de la forêt.

Ainsi que la SAFER, qui a le pouvoir de préserver les terres agricoles et forestières contre la spéculation et de permettre l’installation d’agriculteurs en milieu boisé et en milieu agricole.

Afin que l’agroforesterie soit réalisée dans les meilleures conditions, le porteur de projet doit être conscient qu’il investit un milieu forestier pour lequel la priorité est d’assurer la pérennité et s’engager donc à respecter une gestion durable :

  • respecter une certaine densité de couvert forestier
  • prévoir un renouvellement du peuplement forestier
  • en termes de pratiques culturales, ne pas introduire de produits chimiques en forêt, ni de mécanisation agricole telle que de gros tracteurs qui sillonneraient toute la parcelle et tasseraient le sol

Pour résumer, l’idée serait que les agriculteurs et les propriétaires qui souhaiteraient tenter l’agroforesterie sous couvert forestier, aient une approche environnementale et un respect du milieu forestier, afin que nous puissions ensemble protéger la forêt tout en la valorisant, en assurer une gestion garantissant sa pérennité et voire même, contribuer à un développement de la forêt en Martinique.

« L’enjeu numéro 1 reste de ne pas défricher la forêt, de ne pas la remplacer par l’agriculture, ni aujourd’hui, ni dans les générations futures. »

ONF Martinique
dt.martinique@onf.fr
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Cet article a été initialement publié dans l’e-magazine « Everyday We Act for Good | Les territoires se mobilisent » créé par EWAG. Découvrez le magazine complet et son contenu interactif en cliquant ici.