Aides aux Entreprises. Le plan national ne suffisait pas à lui seul, la Collectivité Territoriale de Martinique s’est donnée les moyens de compléter les dispositifs d’aide aux entreprises.

« C’est un défi de société ». « Une épreuve qui demande beaucoup d’engagement. Une phase exigeante et exaltante aussi pour tous ceux qui posent les bases pour accompagner et sauver les entreprises ».

Dès le début de la crise, Marinette Torpille a mesuré et posé des mots sur la crise sans précédent que la Martinique, les patrons et salariés s’apprêtaient à traverser.

« On ne sauvera pas tout le monde mais nous ferons tout ce qu’il est possible de faire pour sauver le maximum de structures et d’emplois », avertissait-elle lors du premier point presse de la CTM le 8 avril, lucide et concentrée sur la tâche qui incombait au Conseil Exécutif.

S’en suivirent plusieurs jours d’annonces des dispositifs et enveloppes mis en place, plusieurs semaines pour se doter des outils nécessaires à leur bonne conduite. Cela suffira-t-il ?

Entretien avec Marinette Torpille, Conseillère Exécutive en charge du Développement économique, de l’Emploi et des Aides aux entreprises.

En matière de Fonds de solidarité national, la CTM a pour tâche de centraliser les dépôts de dossier du volet 2. Comment se passe cette étape?   

En effet, la CTM est chargée de l’instruction du dossier volet 2 du Fonds de Solidarité national de l’Etat. Les personnes qui ont une activité professionnelle de droit privé (sociétés, entreprises individuelles, auto entrepreneurs…) qui ont été bénéficiaires du volet 1 et qui ont eu de leur banque un refus de prêt garanti par l’Etat (PGE), sont alors éligibles au volet 2.

C’est sur le site de la CTM qu’elles ont accès au portail de l’Etat qui traite du volet 2. Au 14 mai, nous avions enregistré 214 demandes.

La CTM a mis 20 millions d’euros sur la table pour accompagner les entreprises tous secteurs confondus. Comment est fixé, dans l’urgence, ce montant de fonds de subvention territorial ? A ce jour, le montant réussit-il à offrir une bouffée d’oxygène aux entreprises martiniquaises ?

Ce montant a été évalué selon des moyennes et selon les possibilités financières de la CTM, pour le moment.

En fonction de l’indemnité proposée de 30% de la perte du chiffre d’affaires (en mars et en avril 2020 par rapport à mars et avril 2019), augmentée d’une indemnité complémentaire par salarié pour les exploitations qui en ont, nous pensons avoir une moyenne de 2000 € d’indemnité totale par dossier.

Nous verrons à l’usage, en fonction de la demande et dans le cas où la CTM se dote de moyens financiers supplémentaires, si nous allons proposer l’augmentation du fonds de subvention. Au 14 mai, nous avons enregistré 3 353 demandes.

Concernant le Prêt territorial, quelles seront les modalités d’attribution et quelle sera son utilité à l’échelle d’une entreprise ? Pour des dépenses de développement, des créances… ?

Les modalités du prêt territorial sont simplifiées. Nous restons sur de la TPE et PE, tous secteurs confondus, aux mêmes conditions d’éligibilité que le fonds de subvention. L’entreprise peut bénéficier d’un prêt couvrant 50% de ses besoins en fonds de roulement et en investissements liés à la menace Covid-19, pour un maximum de 60 000 €.

Nous acceptons les investissements faits pour aménager l’exploitation selon les nouvelles mesures sanitaires à prendre, ou encore les investissements nécessaires pour la transformation numérique de l’entreprise pour maintenir son activité, etc.

Ce prêt est essentiel pour l’entreprise, car il couvre des dépenses qui n’étaient pas prévues avant la crise ou qui n’étaient pas encore programmées comme la transformation numérique. Cet apport de fonds, avec un différé de remboursement d’un an, sera bien des fois salvateur pour l’entreprise pour faire face à cette crise sans précédent.

Par rapport aux autres territoires d’outre-mer, comment se situe la réponse mise en place par la CTM ? Vous regardez ce qui se décide dans les territoires voisins, en Guadeloupe notamment ?

Nos mesures territoriales, le fonds de subvention et le prêt territorial à taux zéro sont des produits qui ont pu être envisagés immédiatement, parce que la CTM a les outils financiers pour le faire. Par rapport aux Régions d’outre-mer, nous avons le plan d’aides le plus généreux et le plus complet. Notre fonds de subvention est exceptionnel et pas copié.

De plus, grâce à son satellite Initiative Martinique Active (IMA), la CTM peut proposer son prêt à taux 0, ce qui n’est pas le cas de la Région Guadeloupe. L’outil financier étant déjà opérationnel en grande partie, c’est sans difficulté que l’Assemblée en plénière du 9 avril a pu valider le principe du prêt territorial instruit par IMA.

Ce prêt territorial vient compléter et renforcer le prêt rebond mis en place dans toutes les régions avec la BPI. Le prêt rebond CTM-BPI (5,3 M€) a des conditions plus restrictives que le prêt territorial qui ouvre le champ des possibles à plus de TPE et PE.

Notre dispositif est le plus complet de tous les dispositifs des Régions d’outre-mer, y compris la Réunion et il fait partie des meilleurs de l’Hexagone, toutes proportions gardées.

Pour vous, en tant que Conseillère Exécutive, quel a été le plus gros défi à surmonter ?

Le plus gros défi a été mettre en œuvre toutes ces mesures d’accompagnement et de soutien des entreprises dans un temps record. Il a fallu concevoir, formaliser et faire voter les mesures en 3 semaines. Puis, il a fallu créer les plateformes pour dématérialiser toute la chaine des procédures, de la demande au paiement de l’indemnité, et tout cela en 4 semaines supplémentaires. 7 semaines au total à compter du 16 mars.

De plus, nous avons voulu une procédure collaborative en impliquant nos partenaires économiques dans la chaine de traitement (les consulaires, les experts comptables, les satellites économiques de la CTM). C’est une gageure de s’accorder avec autant de personnes en si peu de temps !

Les deux derniers éléments qui seront lancés fin mai sont le prêt territorial et le prêt rebond ; ils font partie de la phase reprise et ils seront opérationnels 20 jours après le déconfinement. Ce défi a été possible grâce à une mobilisation générale, élus et personnel administratif.

« La solidarité et la conscience professionnelle de chacun ont été un atout extraordinaire qui nous a permis de nous dépasser. Le personnel a travaillé sans relâche week-ends et jours fériés, il faut le souligner ! »

Le plus gros challenge à venir ?

Réussir le plan de relance pour septembre – octobre 2020  en impliquant toutes les instances et organismes tant économiques que politiques.

Vous avez parlé de « défi gigantesque », du fait « qu’on allait essayer de sauver entreprises et emplois mais que de fait on ne pourra pas sauver tout le monde… ». Comment envisagez-vous l’après-crise ? Faudra-t-il réinventer des dispositifs pour redynamiser l’économie y compris ceux qui auront tout perdu ? Comment la résilience peut-elle être encouragée par la CTM ?

Oui , il faut se réinventer par le plan de relance qui devra tenir compte de nos faiblesses apparues pendant la crise, qui traduira les opportunités à saisir et les transformations à faire, qui impulsera un modèle économique qui sera plus en rapport avec les réalités de notre marché local.

Il devrait tendre vers l’autosuffisance dans certains secteurs. Certaines activités vont disparaitre, d’autres vont naître.

« Il faudra pouvoir se renouveler avec bon sens, sans tenir compte uniquement de l’appât du gain, mais dans un sens de développement durable. »

Qu’est-ce que chacun, chaque Martiniquais, pourra faire à son échelle pour reconsolider notre tissu économique ?

Il faudra être plus solidaires les uns avec les autres. Il faut être responsables, tous, fonctionnaires, salariés du privé, employeurs, chefs d’entreprises, libéraux…

Nous devons chercher des solutions alternatives, être entreprenants, imaginatifs, ne pas profiter de la situation, car en bout de chaine, il y a toujours quelqu’un qui paye les conséquences et c’est généralement le plus faible.

On a vu un nombre important d’entreprises adopter et créer des solutions de e-commerce (piscine, librairie, matériel informatique, restaurant etc.). Cela va-t-il redessiner le panorama et les usages des consommateurs ?

Oui et cela est formidable. Ne pas se résigner et vouloir rebondir. Le e-commerce va redessiner la façon de vendre des entreprises, elles vont proposer des alternatives et le consommateur aura le choix.

L’offre proposée grâce au numérique permet de ne plus être tributaire du transport ou d’un horaire. Le client peut faire son choix à tout moment, heure ou jour à sa convenance sans sortir de chez lui.

Le mode traditionnel de vente n’est pas pour autant en voie de disparition, d’abord parce qu’on n’est pas tous connectés avec du matériel adapté, mais ce boom du e-commerce c’est une chance pour nos entreprises.


Cet article a été initialement publié dans l’e-magazine EWAG | Nos sociétés s’adaptent. Découvrez le magazine complet et son contenu interactif en cliquant ici.