La crise est grave et la relance s’organise. Sous l’égide de la CCI, une centaine d’acteurs économiques ont posé les esquisses d’une économie martiniquaise résiliente.

100 jours. Le délai fait écho aux défis et ambitions des nouveaux élus et gouvernements, suivis et jugés sur leur capacité à instaurer leur marque dans les 100 premiers jours d’exercice de leur fonction.

En choisissant ce chiffre lors de la présentation d’un vaste plan « pour le rebond de l’économie martiniquaise », Philippe Jock, président de la CCI sait que le délai va marquer les esprits, qu’il est à la fois emblématique, court et nécessaire pour sauver l’économie.

C’est d’ailleurs « l’urgence à réagir » qui a poussé la réalisation des travaux qui ont été présentés le 27 juillet au pôle consulaire. Du 19 mai au 7 juillet, une centaine d’intervenants ont conduit 7 ateliers avec pour feuille de route : « travailler à une co-construction sans filtre et sans limitation pour le rebond de notre économie ».

Ils ont arrêté 44 recommandations « réalistes et implémentables » ainsi que des propositions à court terme, telles la nécessaire prolongation du dispositif d’activité partielle pour les entreprises de l’hôtellerie, restauration, tourisme…, la mise en place d’un mécanisme d’indemnisation des pertes par les assurances ou par l’État, ou encore, pourquoi pas la mise en place d’une taxe spécifique sur les sommes engagées en Martinique et dans les DOM dans les courses et les jeux… ?

Se réinventer pour créer le rebond économique

« Le temps de se réinventer est venu » semblaient nous dire l’ensemble des acteurs économiques martiniquais réunis ce matin-là. En effet, l’économie est sonnée.

Les projections d’Olivier Sudrié, économiste spécialiste des Outre-mer et fondateur du cabinet DMS, tablent sur une chute historique du PIB de 9%, « en partant de l’hypothèse d’un retour à la normale pour tous les secteurs au 1er septembre ».

Une « hypothèse » que ne caresse aucun des chefs d’entreprise et responsables économiques présents dans l’amphithéâtre. Disciplinés, tous dotés de masque, occupant une place sur deux, aucun d’entre eux n’est venu pour rêvasser à un avenir clément mais tous sont là pour croire, voir et inventer le rebond, faire face aux difficultés.

« La routine du chef d’entreprise », fait remarquer l’un d’eux, les yeux plissés au-dessus du masque blanc qui lui couvre le visage. Là où le tempérament et les bonnes idées risquent malheureusement de ne pas suffire à redresser les chiffres, les projets de financement déjà en cours pourraient être le point de départ du rebond recherché.

330 millions prêts à être investis 

Pour Olivier Sudrié, la perspective de perdre 9 points du PIB martiniquais (800 millions d’euros) en 2020 génère bien sûr une grande inquiétude et aussi un formidable espoir.

« Notre modèle économique est extrêmement performant. Il n’y a pas de doute là-dessus si on regarde l’évolution du territoire entre la fin de la seconde guerre mondiale et 2020. Cependant depuis 10 ans, le modèle s’étiole et nécessite d’être réinventé. »

La crise actuelle est-elle l’occasion à saisir ? Les projets en cours pourraient l’être. Le rapport répertorie « 41 fiches actions » qui représentent 1 milliard d’euros d’investissement.

Mieux, sur ce montant, 330 millions d’euros de financements (publics et privés) sont déjà bouclés, mobilisables pour :

  • la modernisation du réseau d’éclairage public porté par le SMEM
  • le projet « DeeP » d’un campus collaboratif à la SARA
  • l’extension du terminal à porte-conteneurs de la Pointe des Grives
  • ou encore la création d’une filière pour la mobilité hydrogène 2020-2029…

« Au total, des investissements qui en intervenant au plus tôt, généreraient la création de 900 millions d’euros de richesse (10 % du PIB) et concernerait 8000 emplois », chiffre Olivier Sudrié.

Coup de main historique de l’Union Européenne

En matière de relance et de financement, l’Union Européenne ne devrait pas être en reste. C’est ce qu’on peut retenir des âpres négociations, quatre jours et quatre nuits, qui ont permis, mardi 21 juillet, la signature d’un accord historique, un plan de relance de 750 milliards d’euros dont 390 milliards alloués sous la forme de subventions.

La France va ainsi recevoir 40 milliards de subventions versés à son plan de relance national.

À l’échelle de nos territoires, outre l’augmentation de 33% de l’allocation spécifique pour les régions ultrapériphériques (La Réunion, Guyane, Martinique, Guadeloupe, Mayotte, Saint-
Martin), on retiendra que le taux de co-financement maximal des projets par l’UE a été maintenu à 85% du montant total éligible (ce taux risquait d’être abaissé à 70%).

Des fonds qui permettront de continuer de répondre aux principaux enjeux, par exemple « en finançant la rénovation des réseaux d’eaux et d’assainissement, la mise aux normes parasismiques des bâtiments, la R&D des entreprises… », cite un communiqué du ministère des Outre-mer.

Surtout, pour la première fois, le budget va être lié aux objectifs climatiques. Une première étape « historique », commentait le ministre des Outre-mer.

Aucun projet qui dégrade le climat ne peut être soutenu et 30% des fonds sont réservés pour la transition écologique.

La Covid-19 a figé le monde entier, et peut-être finalement tout accélérer. Rendez-vous dans 100 jours.

CCI Martinique
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