Epidémie Covid-19. Le territoire est encore au-dessus des seuils de vigilance. Point santé avec Valérie Denux, médecin et directrice générale de l’Agence Régionale de Santé et Alexandre Rochatte, Préfet de la Région Guadeloupe. – Photo Lou Denim

Quelle est la situation géo-sanitaire de la Guadeloupe au 23 novembre 2020 ? 

Valérie Denux : La Guadeloupe a subi une deuxième vague très importante comparée à la première avec environ 8000 cas et 700 personnes hospitalisées dont un peu moins de 200 en réanimation et malheureusement plus d’une centaine de personnes décédées.

« L’inquiétude était grande car un quart de la population présente des risques importants en raison de la prévalence des maladies chroniques et d’une part importante de personnes âgées. »

Le pic de cette deuxième vague a culminé fin septembre en décalage d’un bon mois avec la deuxième vague qui touche la métropole. Il a fallu faire face pendant plus d’un mois à une tension très forte au niveau hospitalier mais la solidarité des établissements publics et privés a permis de faire face à la situation.

Les plans blancs ont été déclenchés ainsi que le plan ORSAN territorial afin de réguler les flux entre établissements. Progressivement l’activité de soins en ville, en pré hospitalier (SAMU et pompiers), aux urgences et à l’hôpital a diminué mais selon une cinétique très lente.

La Guadeloupe a réussi depuis quinze jours à redescendre en-dessous des seuils d’alerte pour les différents indicateurs de l’épidémie, mais elle reste encore à ce jour au-dessus des seuils de vigilance et le virus est toujours très présent sur le territoire. 

Les médias nationaux ont diffusé à plusieurs reprises l’information selon laquelle la Guadeloupe n’aurait pas été reconfinée grâce aux comportements exemplaires des Guadeloupéens. Votre avis ? 

Alexandre Rochatte : Notre territoire a fait face à une deuxième vague survenue plus tôt que dans la France hexagonale, le pic épidémique ayant été enregistré à la mi-septembre (données Santé publique France).

Face aux données alarmantes observées et à la forte sollicitation des services hospitaliers, nous avons pris, en concertation avec les élus, et en déployant une grande campagne de communication et de prévention, des mesures pour limiter les rassemblements et ainsi les risques de contamination, car c’était, et c’est toujours, la principale cause de propagation.

« Les Guadeloupéens et Guadeloupéennes ont compris que la prévention est la solution la plus efficace à la fois pour se protéger du virus mais aussi pour protéger notre territoire des difficultés économiques. »

Nous n’avons pas eu à mettre en œuvre le confinement en Guadeloupe, car bien que tendue, la capacité hospitalière a réussi à faire face aux besoins de prise en charge notamment grâce à l’adaptation du système de santé, à la solidarité inter-établissements et à l’appui majeur de l’Hexagone (réserve sanitaire et service de Santé des Armées) et de la Martinique (évacuations sanitaires).

Ce renfort n’a été possible qu’en raison du décalage des vagues épidémiques sur les différents territoires. 

Pourquoi la situation peut-elle basculer rapidement si l’on ne reste pas vigilant ? 

A.R. : La situation reste très fragile car la circulation du virus est toujours active.

« Il existe un réservoir de virus autochtone. Or la contamination étant interhumaine, la transmission virale a une dynamique exponentielle. »

Cela signifie que les cas ne s’ajoutent pas mais se multiplient. La mobilisation et la vigilance de chacun sont primordiales. Le relâchement des mois de juillet-août montre à quel point la circulation du virus peut reprendre à nouveau très rapidement et contaminer de nombreuses personnes en quelques semaines.

À partir d’une simple fête entre amis, il est possible de créer de nouveaux clusters et par conséquent de relancer l’épidémie. 

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Hors covid, plusieurs opérations sont menées par la Préfecture. Notamment, la “consultation IV” pour le plan chlordécone qui est aussi un problème de santé publique à ne pas occulter. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

A.R. : Tout en restant très mobilisé pour gérer cette épidémie, il est primordial que nous puissions faire progresser tous les dossiers en cours afin qu’ils ne prennent pas de retard du fait de cette crise.

La consultation publique, une première sur ce dossier qui touche beaucoup de nos concitoyens, sur le Plan Chlordécone IV est également en cours. En effet, pour la première fois, les Guadeloupéennes et Guadeloupéens sont invités à donner leur avis sur le projet du plan soit via un site dédié (https://consultationpublique-chlordecone.fr/) ou en mairie.

Construit en concertation entre huit ministères et les acteurs locaux (services de l’État, associations locales, élus…), le Plan Chlordécone IV couvrira la période de 2021 à 2027. Au-delà de la méthode innovante de construction, c’est un plan ambitieux, tant dans ses moyens que dans ses objectifs.

En effet, ce sont 92 millions d’euros qui seront affectés pour la totalité du PC4 contre 30 millions d’euros pour le PC3, soit une augmentation de près de trois fois le budget du plan III (2014-2020), et plus que la somme des budgets totaux des plans I, II et III depuis 2008. 

Quelle est la dernière opération menée par l’ARS Guadeloupe ? 

V.D. : L’ARS Guadeloupe, outre le soutien logistique et organisationnel qu’elle apporte aux professionnels de santé, met l’accent sur la stratégie « Tester, Alerter, Protéger » notamment grâce à sa plateforme TAP-RIPOSTE.

Mais aujourd’hui, elle s’emploie plus encore à diffuser des messages de prévention. On peut citer bien-entendu la campagne COVID ATTITUDE en partenariat avec des figures connues mais aussi avec les associations qui relaient les messages auprès des jeunes, avec les collectivités ou encore avec les acteurs du monde économique.

Cette campagne sera maintenue le temps qui sera nécessaire pour éviter une reprise de l’épidémie.

ARS Guadeloupe
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