Infrastructures. Le Grand Port se transforme et invente de nouveaux espaces accessibles aux startups, aux associations, aux touristes, au grand public… dès 2021. – Texte Mathieu Rached

Pour une île, c’est sans doute l’infrastructure la plus importante qui existe. Un lieu historique d’échange et de commerce, où transite aujourd’hui 98 % des échanges, et qui était appelé à évoluer. Une réflexion internationale interroge en effet depuis plusieurs années la place du port au sein de la ville. Le port n’est plus un ensemble d’installations industrielles et de terminaux entourés de barrières, il veut proposer quelque chose de plus, produire du lien entre les Martiniquais et la mer, faire partie de la vie et de la ville d’une nouvelle manière.

L’an dernier, un document synthétisait cette ambition à l’échelle de la Martinique, le projet stratégique 2020-2024 donnait le cap, celui d’un port « entrepreneur, vert et citoyen ». Un an plus tard, les projets sortent de terre et réinventent à la fois notre perception et notre usage du Grand Port.

D’incontournable par son rôle et l’espace qu’il occupe, il veut devenir une plateforme active de la vie civile, au croisement de la culture, de l’innovation, et d’un développement durable. En commençant par « créer un parcours urbain qui transforme profondément la frange urbaine qui s’interpose aujourd’hui entre le port et la ville », explique le directeur du Grand Port, Jean-Rémy Villageois.

Lakoudigital - incubateur en Martinique
L’espace Lakoudigital, au niveau du terminal inter-îles à Fort-de-France, accueillera des startups à partir de novembre 2021.

Pépinière de start-ups

Au niveau du terminal inter-îles de Fort-de-France, un nouveau monde fait son apparition : des startups. Le port a « libéré » 1 300 m2 sur 2 étages, avec vue sur la bibliothèque Schœlcher et les grands palmiers de La Savane.

« Nous sommes dans une phase “exploratoire” pour devenir un port citoyen, ouvert à tout le monde, artistes, touristes, scolaires, habitants. »

« Nous avons décidé d’optimiser l’exploitation et de densifier nos activités », explique Jean-Rémy Villageois. « À charge des équipes “ingénierie et travaux” et “exploitation de la gare” de passer de l’intention au concret, réaménager l’espace et les activités liées, afin de permettre l’installation d’un tiers-lieu dédié à l’économie digitale. Tout est prêt, la première partie du bâtiment a été livrée en juillet et la deuxième fin septembre. Il s’agit d’un incubateur hybride, à la fois “lieu de vie, lieu de travail, lieu de création”, installé et géré par l’entreprise Lakoudigital qui a remporté l’appel à projets. Les premières startups s’installent, d’autres les rejoindront début novembre au moment d’un hackathon dédié à l’économie maritime. »

Ocean Hackathon à Fort-de-France 
Les premières startups qui intègreront Lakoudigital sont celles qui, du 5 au 7 novembre, participeront, à Fort-de-France, à la 6e édition du Ocean Hackathon.

Depuis 2016, le Ocean Hackathon fédère la communauté scientifique marine autour d’une ambition : trouver des solutions concrètes et utiles pour un océan durable. Tout part d’une série de défis autour de la préservation des espaces océaniques auxquels vont se confronter les candidats sélectionnés. Ils auront 48 h, en équipe, pour développer un prototype et réfléchir à son usage, le tout à partir de données numériques variées liées à la mer.

Au total, 18 villes participent, dont Fort-de-France pour la première fois, Brest, Nouméa, La Rochelle, Sète, Toulon, Cádiz, San Francisco ou Cape Town. L’équipe qui remporte cette édition participera à la grande finale en décembre 2021 à Brest et bénéficiera d’une prise en charge, par le Grand Port Maritime, de ses frais d’inscription pour intégrer l’incubateur durant un accompagnement de 6 mois.

Partenaires culturels 

À 200 m de là, une autre friche industrielle a été réhabilitée. C’est l’espace Brudey, ancien entrepôt de réparation navale. « Nous l’avons transformé pour y installer un espace de découverte ouvert sur le patrimoine culturel maritime de la Martinique, qui ouvrira ses portes en 2022 », décrit Jean-Rémy Villageois.

L’espace se conçoit en partenariat avec des associations culturelles. « L’idée est de pouvoir s’appuyer sur les acteurs locaux, compétents et proposer un parcours urbain le long des infrastructures du port. Nous sommes dans une phase “exploratoire” pour devenir un port citoyen, ouvert à tout le monde, artistes, touristes, scolaires, habitants ». L’association Karisko fait ainsi partie des partenaires du port. Depuis 2 ans notamment, elle dispose d’un accès pour terminer de réaliser des kanawas (pirogues), fabriquées de manière traditionnelle en Guyane et amenées en Martinique pour la dernière étape, l’armement des embarcations (qui correspond à la partie sécurité et normes).

Il y a deux ans, le port avait aussi accueilli une des représentations de la biennale de danse ainsi que les coureurs du triathlon de Fort-de-France. « Nous voulons amplifier et normaliser cette idée du port ouvert sur la ville, Le parcours urbain concrétise cette ambition. » 

Nadine Bergoz - Grand Port de Martinique
Nadine Bergoz pilote le projet de ville port

Le Grand Port et son environnement 

Le port de demain est également un port « qui doit prendre davantage soin de l’environnement dans lequel il évolue, un port qui doit consommer moins, protéger la biodiversité et garantir un développement durable », décrit le directeur. « Tous nos éclairages sont progressivement remplacés par des LED avec des automates commandés à distance qui permettent de mieux piloter et d’optimiser l’éclairage. Résultat, nos infrastructures sont toujours aussi bien éclairées et notre consommation diminue de 30 %. »

Idem pour le parc de voitures, 80 % des véhicules du port sont aujourd’hui électriques. Il s’agit là de quelques-unes des étapes sur la route ambitieuse de la décarbonation du trafic maritime à l’horizon 2030-2035, « avec, pour cela, des bateaux capables de se brancher à une électricité verte lorsqu’ils touchent les quais de Fort de France »

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L’air et l’eau

Au volet énergie, s’ajoute les efforts environnementaux directs. Depuis un an, un partenariat avec MADININAIR permet d’assurer un contrôle de la qualité de l’air avec des points de mesures en plusieurs endroits du port, « ce qui nous permet d’ajuster et de revoir certaines activités ». Le parc naturel Martiniquais et le sanctuaire Agoa sont des partenaires clefs du port de Martinique, des hydrophones vont être installés afin de surveiller le comportement des cétacés et adapter, le cas échéant, les routes des navires qui rejoignent et quittent le port.

Le port a changé, longtemps coupé de la ville, il doit pouvoir dès à présent être au cœur de la cité.   

Grand Port de Martinique
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