Innovation. Pour la première fois en Outre-mer, l’institut technique de l’élevage (ITEL) Guadeloupe est lauréat de l’appel à projets CASDAR, innovation et partenariat, pour la mise en place d’une filière bovine durable « zéro chlordécone » dans les zones contaminées du territoire. – Texte Sandrine Chopot

Massivement utilisée en Guadeloupe jusqu’en 1993 pour lutter contre le charançon du bananier, la chlordécone a contaminé les sols, les eaux souterraines, les rivières et le littoral marin. « Les travaux de recherche menés par l’Université de Lorraine et l’INRAE dans le cadre du projet INSSICCA, financé par l’ANR, ont démontré que le pesticide est ingéré par les bovins par le sol (la terre), l’alimentation (fourrage) et l’eau. »

« Aujourd’hui, il n’existe aucun outil qui permet de savoir du vivant de l’animal si le bovin est contaminé ou pas et à quel taux. Il faut attendre l’abattage pour le savoir. Les conséquences économiques sont lourdes pour les éleveurs qui perdent leurs carcasses et ne perçoivent aucune indemnité. Certains manifestent l’intention d’arrêter leur activité », explique Xavier Xandé, directeur de l’ITEL.

Les résultats de la recherche ont permis de mettre en place un certain nombre de préconisations concernant les possibilités de décontaminer les animaux tout en assurant la sécurité alimentaire du consommateur.

« Au vu de la dernière actualisation de la cartographie de juin 2021 sur le site de la DAAF Guadeloupe, la Grande-Terre est épargnée ; le croissant bananier et le Sud Basse-Terre sont affectés. »

Un état des lieux préalable

Dans un premier temps, une démarche préalable en termes d’identification a été réalisée par l’TEL et d’autres partenaires pour compléter la cartographie existante de contamination des sols et comprendre les mécanismes qui se produisent.

« Il a fallu identifier les lieux, les sources de contamination (mares, rivières, sols) pour pouvoir remonter jusqu’à l’élevage. Au vu de la dernière actualisation de la cartographie disponible sur le site de la DAAF Guadeloupe (juin 2021), la Grande-Terre est épargnée ; le croissant bananier et le Sud Basse-Terre sont affectés », souligne le directeur. 

« Le rôle de l’ITEL et ses partenaires est d’accompagner les éleveurs dans cette dynamique de décontamination qui nécessite une innovation organisationnelle et de nouvelles pratiques d’élevage. »

Dynamique de décontamination au chlordécone

La Recherche a permis de construire un outil d’aide à la décision (OAD) de décontamination avant abattage, actuellement en phase de calibrage aux Antilles. « Les travaux ont permis de déterminer le temps nécessaire pour décontaminer un bovin à partir d’un dosage sanguin effectué sur l’animal en amont de l’abattage. Si ce dernier est contaminé, il sera mis dans un dispositif de décontamination, soit dans un centre ou à la ferme en box séparé. »

« En moyenne, pour un bovin adulte, il faut compter 8 à 10 mois pour qu’il puisse se décontaminer. En fonction du taux de contamination, l’OAD peut indiquer une durée plus courte. Le rôle de l’ITEL et ses partenaires est d’accompagner les éleveurs dans cette dynamique de décontamination qui nécessite une innovation organisationnelle et de nouvelles pratiques d’élevage », poursuit-il.

« La question est aussi de savoir si le consommateur de demain est prêt à manger de la viande qui provient d’un animal qui était contaminé, mais qui ne l’est plus à ce jour ? »

Une filière bovine durable

L’un des objectifs du projet CASDAR est de valoriser l’OAD, son utilisation et sa mise en œuvre et de s’assurer que les solutions proposées soient techniquement efficaces, économiquement viables, socialement acceptables par la population. « Le CASDAR inclut une approche multi-acteurs. Il intègre la dimension innovation biotechnique et sociologique. Des journées techniques, des séminaires, des ateliers de concertation, des formations, sont prévus avec les éleveurs, les citoyens, les institutions, pour trouver le juste équilibre. La question est aussi de savoir si le consommateur de demain est prêt à manger de la viande qui provient d’un animal qui était contaminé, mais qui ne l’est plus à ce jour ? », conclut Xavier Xandé.

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