« Il paraît que quand j’étais petite, je disais souvent que quand je serais grande, j’irais vivre au pays des bananes » se remémore, toujours étonnée de cette idée enfantine, Mélanie Herteman. Il faut dire que rien ne la prédestinait à venir s’ancrer, telles les racines des palétuviers rouge, noir, blanc, gris, qu’elle connaît parfaitement, en Martinique. – Texte Axelle Dorville

C’est à Morne Cabri, une petite île reliée à la terre martiniquaise par une bande de mangrove, que Mélanie nous raconte son parcours. Là, au bord de l’eau, elle retrace le début de son engagement, en tant qu’écologue, spécialiste des zones humides, mangroves et milieux aquatiques tropicaux, à…Argut, un petit village de la Haute-Garonne perché à quelque 1000 mètres d’altitude, et peuplé d’une poignée d’habitants et de quelques brebis.

« C’est la passion que j’ai au cœur qui m’a poussée à devenir écologue, mais elle n’est pas venue de nulle part. J’avais des modèles de personnes – mes parents militants écologistes de la première heure – qui m’ont montré l’intérêt et surtout l’incroyable efficacité des milieux à leur état naturel. Comprendre les mécanismes m’anime depuis toujours et j’ai su dès le CE2 que je voulais faire de la science ! » 

Mélanie Herteman, écologue spécialiste des zones humides - Martinique
Mélanie nous montre une propagule, organe de dissémination et de reproduction du palétuvier rouge (Photo Pierre de Champs)

« C’est la passion que j’ai au cœur qui m’a poussée à devenir écologue. J’avais des modèles de personnes qui m’ont montré l’intérêt et surtout l’incroyable efficacité des milieux à leur état naturel. » 

« C’est incroyable ce que ce territoire m’a fait »

Après huit années d’apprentissage du métier d’écologue et d’étude approfondie des mécanismes et processus des écosystèmes, après un voyage au Costa Rica à 18 ans -où naît son amour pour la végétation tropicale et qui la poussera à se spécialiser dans l’étude de ce milieu de son premier mémoire à sa thèse de doctorat-, Mélanie Herteman arrive presque par hasard en Martinique, pour une mission de six mois.

« J’ai été touchée par beaucoup d’endroits, le Sri Lanka, le Costa Rica, Mayotte où j’ai vécu cinq ans comme fondue dans le paysage. Mais la Martinique, ça a été une émotion sur l’instantané, c’est incroyable ce que ce territoire m’a fait ». Elle raconte la richesse culturelle et historique qu’elle a découverte. Les rencontres extraordinaires, musicalement parlant, au niveau associatif, « au niveau de la vie ». La variété des paysages qui l’ont frappée, de la forêt tropicale aux mornes, des endroits idylliques tels que Trou Cochon aux plages du Nord, des récifs coralliens aux forêts de mangrove. Tous ces espaces qu’elle s’emploie chaque jour à étudier et préserver.

Mangrove de Morne Cabri en Martinique
La mangrove de Morne Cabri au Lamentin, en Martinique (Photo Pierre de Champs)

Une femme de persévérance

Alors quand elle n’est pas en amphi à l’université des Antilles pour former de jeunes scientifiques et ingénieurs, on la retrouve à accompagner des professionnels de la CACEM autour d’étangs et de mares, à la découverte du cycle de l’eau sur le territoire.

Quand elle n’échange pas avec le conservatoire du littoral sur un schéma de valorisation et d’aménagement des mangroves martiniquaises, elle travaille avec la commune du Lamentin sur un projet de préservation et de restauration des arrières mangroves en partenariat avec les entreprises des zones d’activité lamentinoises.

Quand elle ne prépare pas un guide d’entretien des mares des Antilles françaises avec le Pôle-relais Zones Humides, elle réfléchit à comment améliorer la gestion et la qualité des eaux, en partenariat avec l’ODE.

Mélanie Herteman, écologue spécialiste des zones humides - Martinique
(Photo Pierre de Champs)

« La proprioception, la capacité du corps à rester en équilibre, à tout le temps s’adapter à l’instabilité du milieu, c’est ce que la mangrove m’a appris sur la vie. »

« S’investir là où on vit »

Tel les petits crabes jaunes grimpant sur les troncs des palétuviers, « les seuls à marcher de face », Mélanie Herteman s’engage au quotidien, avec affront et persévérance dans l’action, afin de concilier aménagement du territoire et gestion responsable des milieux naturels.

C’est ce besoin d’action qui l’a poussée à quitter la recherche fondamentale et le CNRS pour agir sur le terrain. Cette action aujourd’hui urgente, pour permettre à la Martinique et aux Martiniquais de s’adapter au changement climatique, à l’érosion de la biodiversité et à leur impact, à court-terme, sur la disponibilité en eau douce, notre alimentation, nos modes de vie. Car pour celle qui s’est ancrée en Martinique, même de passage, « il faut s’investir là où on vit et essayer d’œuvrer pour les problématiques du territoire sur lequel on se trouve. » 

« La proprioception, la capacité du corps à rester en équilibre, la capacité à tout le temps s’adapter à l’instabilité du milieu, à s’adapter à de nouveaux environnements, c’est ce que la mangrove m’a appris sur la vie. » conclut Mélanie Herteman.

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